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Table ronde

« Réinventer les CDI » : analyse d’un slogan. Regard sur la stratégie de communication de l’IGEN EVS pour faire entrer les Learning centres dans le secondaire

Leland Francisco, (09-2011). "Mask"(lien) Licence CC.

L’inspecteur honoraire Jean-Pierre Véran, par la voie d’un entretien accordé à La Lettre aux Documentalistes de novembre 2011 (ONISEP Languedoc-Roussillon) nous apprend qu’un groupe de travail piloté par l’IGEN EVS et la DGESCO œuvre à « repenser les espaces CDI et salles de permanences au niveau des collèges et des lycées ». Cette annonce, qui ne devrait pourtant pas nous surprendre depuis le séminaire « Du CDI au Learning centre » (mars 2011), fait l’effet d’un électro-choc dans une période d’intense débat dans la profession. Ses plus vigilants veilleurs, dont InterCDI, la FADBEN, le SNES et Les Trois couronnes ont depuis plusieurs années alerté sur les évolutions en cours et les menaces qui pèsent sur les professeurs documentalistes et la formation des élèves. Celles-ci se précisent de manière accélérée et ne sauraient être ignorées plus longtemps.

Les menaces qui pèsent sur le mandat pédagogique du professeur documentaliste ne viennent pas tant de la prétendue incapacité de celui-ci à s’adapter à la « révolution numérique », comme on voudrait nous le faire croire, mais de la volonté délibérée et calculée de notre tutelle de vider de son sens le CAPES et, partant, de « ré-interroger » le statut d’enseignant qui lui est attaché. Privé de formation qui aurait permis d’accompagner cette révolution, coupé des liens qui l’attachent à la recherche et déconsidéré dans son expertise didactique, ce professionnel se voit une nouvelle fois accusé d’incompétence et d’archaïsme.

Ce procédé discriminatoire avait déjà été utilisé pour installer les politiques documentaires dans les établissements au début de la dernière décennie. Le but était, et est encore aujourd’hui, de dénier toute prétention du professeur documentaliste à enseigner, de le confiner dans des tâches de plus en plus gestionnaires (management des ressources) et de le réintégrer totalement dans le giron de la vie scolaire pour en faire à la fois le responsable de la permanence numérisée, le chef de projet et le conseiller technique du chef d’établissement (information specialist). Les intérêts de l’IGEN EVS et du réseau CNDP convergent sur cette idée que les personnels de la documentation doivent à présent se consacrer entièrement à la gestion du marché des ressources numériques à l’échelle de l’établissement. Le Learning (resource) centre, n’est en fait qu'un CDI revu et corrigé par le CNDP.

Derrière le slogan « Réinventer les CDI » choisi pour cette campagne de communication se profilent des enjeux importants pour l’avenir statutaire de la profession et, par voie de conséquence, pour l’acculturation des élèves à l’information.

Cet entretien d’un ancien IPR-EVS, membre des directoires à la fois du CAPES Documentation et du concours externe des CPE, exprime en quelques lignes bien pesées l'orthodoxie politique et la rhétorique de l’institution. C’est pourquoi nous le prendrons comme fil conducteur pour cette nouvelle analyse du discours de l’inspection générale.

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« Madame, je ne savais pas que Google existait dans d’autres langues. » Accompagner n’est pas enseigner, ou comment les Learning centres participent à la fracture numérique

Cette parole saisissante d’un élève de 2nde m’a interloquée en cette fin de journée, où je l’accompagnai sur une recherche documentaire à réaliser pour son professeur d’espagnol.

Tout est dans cette phrase. Elle trahit le manque de culture informationnelle, l’illettrisme numérique et rend compte tout à la fois de l’ampleur du travail didactique et pédagogique à faire. Elle souligne également dans son contexte le glissement de terrain qui s’opère progressivement dans les CDI de la pédagogie vers l’accompagnement. Et donc de l’avènement dans nos centres de ressources du concept de Learning center qui même s’il ne correspond pas encore aux exigences architecturales qui le caractérisent, est déjà, à mon sens, bien présent dans nombre d’établissement.

Favoriser l’accueil et l’accompagnement personnalisé dans les CDI, c’était déjà faire du Learning centre avant la lettre.

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Souci de l'élève et didactique

Identité enseignante VS learning centre.

Ce qu'il y a derrière ce débat, ce sont bien des choix de sociétés dévoilés par les théories de l'apprentissage sur lesquelles on prend appui. Entre le postulat de l'apprentissage situé qui suppose moins de professeurs, où chaque apprenant reçoit en fonction de l'énergie qu'il investit dans son travail, et une pédagogie volontariste ciblée sur le plus grand nombre et prenant en compte obstacles et difficultés d'apprentissage, le ministère a choisi, pensant faire l'économie d'une didactique et surtout de postes de professeurs. Les défenseurs de l'identité enseignante ET de la didactique − l'un supposant l'autre − quant à eux se réfèrent au courant constructiviste qui met motivation et réussite des élèves au cœur de l'action pédagogique.

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Professeur-documentaliste ou professeur documentaliste ?

Au-delà de l’interrogation grammaticale et orthographique, c’est une question de sémantique qui se pose.

A lire les interventions récentes sur les listes de diffusion professionnelles et certains commentaires postés à la suite d’articles publiés sur le site Les Trois Couronnes, je m’interroge sur l’opportunité de préserver ce trait d’union entre les deux mots qui forment le nom de notre profession (1). Il est manifeste qu’il est devenu le symbole non pas d’une interaction de pratiques (2), mais celui de divergences profondes qui secouent notre profession.

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« Cours d’info-com, cours magistral » : pour en finir avec quelques clichés

Photo de Camille Stromboni, 2011. Licence Creative commons. (lien)

Des propos tenus ici où là sur les listes, plutôt que d’évoquer un enseignement de l’info-documentation, reprennent l’expression de « cours d’info-com », en chargeant celle-ci de connotations négatives. Cette expression semble tourner au cliché, et sert de code de reconnaissance entre ceux qui cherchent à caricaturer les travaux en didactique de l’info-documentation, dont l’unique but, pourtant, est de proposer des contenus spécifiques et des démarches originales et de frayer un chemin vers une expertise enseignante. De même, la menace du « cours magistral » est brandie comme un épouvantail destiné à écarter les collègues dont la curiosité pourrait conduire à s’intéresser à d’autres modalités d’enseignement. L'Inspection générale s’empare elle-même de plus en plus ostensiblement de cette rhétorique pour combattre les défenseurs du mandat pédagogique et pour promouvoir les learning centres, au motif qu’ils favoriseraient l’apprentissage, dans une opposition simpliste entre le teaching et le learning. Derrière ce syntagme de « cours info-com » se cache bien l’idée du cours magistral, mais également celle d’une transposition quasi littérale des concepts des Sciences de l’information-communication. Ce très mauvais procès mérite un éclaircissement.

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"Bas les masques" ou comment on tente de "reprofiler" une profession sans décision réglementaire !

Ayant suivi l'actualité de notre profession, j'ai eu des échos assez précis des Rencontres SavoirsCDI de Rennes. Donc, je ne m'étonne pas du contenu de l’article de Pascal Duplessis dont je partage l'analyse. Je viens de rendre la 3ème édition de mon ouvrage sur les CDI, édition refondue et réécrite presque entièrement, qui paraîtra en février prochain. J'y développe (et dénonce) la même logique d'une stratégie volontaire, discrètement et habilement menée depuis 2004 et dont la cohérence prend son sens avec les projets de Learning centres, que j’ai appelée la "stratégie du Petit Poucet", les cailloux ayant été listés par Pascal.

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Les learning centres dans le secondaire : stratégie institutionnelle et enjeux pour la formation des élèves et l’identité de l’enseignant documentaliste

Quoi qu’on en dise, la question des learning centres agite et inquiète les professeurs documentalistes quant au contenu de leur future fiche de poste, même si, en apparence, ils ne réagissent guère. Les concepts de Politique documentaire, Pacifi et Learning centres sont du reste souvent perçus comme autant d’orientations distinctes, voire contraires. Il s’en dégage, pour certains de nos collègues du moins, l’idée que les Learning centres sont une nouvelle mode et que, comme toutes les modes, elle passera. Il serait donc inutile de s’y intéresser, et il n'y aurait qu'à laisser l’institution s’amuser avec son nouveau joujou… Pour ma part, je n’en crois rien, convaincu au contraire de l'existence d'un schéma d'ensemble intégrant ces trois projets. J'en donnerai trois raisons. La première est l’activisme que l’on observe depuis un an autour de ce projet et de ses avancées, la deuxième est la cohérence que le projet de learning centre entretient avec le concept de politique documentaire et le Pacifi, la troisième, enfin, est l’acharnement observable qui consiste à vouloir vider de son sens la circulaire de missions de 1986.

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Analyse critique du document Pacifi 5. Vers une validation du Pacifi par les disciplines ?

Gosier beach. Louis Gély, 2008. Sous Creative commons. Modif. P. Duplessis

J’avais engagé, à partir du 1er janvier 2011, une analyse critique du document Pacifi et consacré coup sur coup quatre articles sur le sujet. La parution brutale du projet de circulaire de mission le 18 janvier, puis la rumeur produite autour du projet de transformation des CDI en "learning resources centres" m’avait un peu éloigné de ce projet inachevé. A l’occasion de l’anniversaire de la sortie du Pacifi, j’ouvre à nouveau le dossier à partir de la question lancinante de la déresponsabilisation pédagogique de l’enseignant documentaliste dont le Pacifi se fait l’un des outils les plus menaçants. Depuis 2001, l’IGEN combat avec une vigueur sans cesse croissante l’idée que le professeur documentaliste pourrait « assurer » (circulaire de 1986) et assumer un enseignement de l’info-documentation. Au contraire, elle met tout en œuvre pour que cet enseignant s’en remette exclusivement aux programmes et aux professeurs disciplinaires pour former et évaluer les acquis info-documentaires des élèves. Voilà donc que paraît ce Pacifi (oct. 2010), tellement recommandé « à l’ensemble des équipes pédagogiques et éducatives » et tellement simplifié quant aux contenus à faire acquérir aux élèves que nous nous posons la question, non seulement, de sa finalité évaluative (un référentiel de validation de compétences procédurales facile à utiliser), mais encore celle de l’attribution de la responsabilité de cette validation. Nous l’avons déjà relevé, le Pacifi, solidement ancré dans le Socle commun, propose une incroyable réduction des contenus info-documentaires en quelques 10 capacités et 10 attitudes dont la plupart sont, au mieux, seulement procédurales, et au pire, tellement transversales qu’elles n’ont que peu de rapport avec notre champ disciplinaire. Nous avons ici affaire à un resserrement épistémique considérable dont la conséquence pourrait être d’instituer, si validation il devait y avoir, un pilotage par les résultats qui pourrait bien être confié aux enseignants disciplinaires plutôt que documentalistes. De nombreux dits et indices nous le laissent d’ailleurs prévoir.

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Le « learning centre », un modèle incontournable ?

Les learning centres seraient un modèle incontournable dont les CDI seraient bien avisés de s’inspirer si l’on en croit le projet initial de circulaire de mission des professeurs documentalistes… Cette préconisation s’inscrit cependant dans un projet éducatif global qui repose sur des valeurs et des choix idéologiques qu’il serait bien imprudent d’ignorer ou de sous-estimer.

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Retour sur la politique documentaire « en milieu scolaire » (1)

Onze ans après le lancement du concept de politique documentaire par le séminaire national de mai 2000, les Trois couronnes publient une série d’entretiens dans le but de jeter un éclairage sur sa réception par les professeurs documentalistes et son impact sur l’identité professionnelle.

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