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Compétences professionnelles des professeurs documentalistes et Cahier des Charges des IUFM : le grand écart de l'Institution

Je viens de lire les propos de M. Durpaire, IGEN établissements et vie scolaire, lors du dernier séminaire qui s'est tenu à l'intention des interlocuteurs académiques de Documentation les 27 et 28 janvier 2008. Comme une envie de relire la circulaire de mission de 1986, comme une envie de retour aux sources pour bien se rappeler ce qui y est dit sur le point précis de la mission pédagogique… alors, des mots sautent aux yeux… A aller toujours de l’avant, on allait oublier les fondamentaux, comme on dit maintenant…. Voyons un peu (c’est moi qui mets en gras)…

" Il convient donc de définir avec précision les missions des personnels de ces centres en soulignant que l'appartenance du documentaliste-bibliothécaire à la catégorie des personnels enseignants exige que sa mission, de nature essentiellement pédagogique, soit conduite en étroite liaison avec les professeurs de l'établissement. »

 

        « Le documentaliste-bibliothécaire assure, dans le centre dont il a la responsabilité, une initiation et une formation des élèves à la recherche documentaire »

 

        « A l'intention des nouveaux élèves et en liaison avec les professeurs, les personnels d'éducation, les chefs de travaux, les assistants, il organise un cycle d'initiation à l'utilisation des ressources du centre. »

 

        « Il prend, par ailleurs, toutes initiatives opportunes pour amener progressivement les élèves à :

  • se repérer dans le C.D.I. et connaître ses ressources et les différents types de documents ;

  • définir un objectif de recherche et identifier les mots clés correspondants ;

  • utiliser les instruments de recherche de l'information (dictionnaires, encyclopédies, tables des matières, index, systèmes de classement, fichiers informatisés ou non...) ;

  • sélectionner des documents pertinents en fonction des objectifs de recherche ;

  • comprendre les informations contenues dans un document (écrit, sonore, visuel) ;

  • prendre en note et résumer ces informations ;

  • organiser logiquement les informations recueillies en vue de la communication finale indiquée par le professeur (fiche de lecture, exposé, dossier, exposition, affiche...).

 

        Ces activités sont organisées en fonction des possibilités matérielles du C.D.I. et selon des modalités établies en collaboration avec les professeurs : plage horaire, classe entière ou demi-groupe, durée du cycle... »

 

        Donc, résumons ce qui saute aux yeux :

  • Une mission pédagogique (et j’ajoute donc, pas simplement éducative)

  • Le travail en liaison ou en collaboration avec les autres professeurs (« liaison »  et « collaboration » supposent que chaque intervenant poursuive des objectifs propres qui trouvent des points de convergence)

  • La prise d’initiatives pour mettre en place une formation (avec liste des compétences à faire acquérir)

  • Un cadre défini même si l’on accepte des adaptations locales liées aux moyens matériels : plage horaire, classe entière ou demi-groupe, établissement possible d’une formation intégrant la totalité du cycle.

 

En d’autres termes, dans ce texte, on trouve :

  • une ébauche de programme de formations assurées par le prof-doc une responsabilité pédagogique pour le prof-doc, qui est à l’initiative de formations (on attend même cela de lui)

  • des séances pédagogiques à construire

  • la possibilité d’établissement d’une formation tout au long du cycle

  • une injonction à collaborer avec les professeurs

 

        Abandonner tout cela, c’est contrevenir au texte officiel qui structure la profession. Donc, soumettons-nous et interrogeons-nous sur les compétences que doit posséder un professeur documentaliste pour exercer correctement ce qui lui est demandé dans ce domaine.

 

        Je pense ne pas faire polémique en disant, qu’au minimum, il doit être capable  :

  • de mettre en œuvre des approches pluridisciplinaires (pour collaborer…)

  • de répartir les apprentissages dans le temps et de prendre en compte ce qui a été réalisé précédemment. (pour aller « progressivement »)

  • de définir des objectifs d’apprentissage à partir des références des textes officiels (ici les compétences explicitement citées dans la circulaire) ;

  • de raisonner en termes de compétences, c’est-à-dire déterminer les étapes nécessaires à l’acquisition progressive des connaissances, des capacités et des attitudes prescrites à partir des acquis et des besoins identifiés en mettant en œuvre :

        - une programmation sur l’année et sur le cycle (comme le propose la circulaire) ;

        - de s’appuyer sur ses connaissances des processus d’apprentissage des élèves et de la psychologie de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte  (oui, comment faire avec des élèves sans cela ?) ;

Et de dire qu’il doit donc connaître :

  • les processus d’apprentissage et les obstacles que peuvent rencontrer les élèves et la manière d’y remédier ;

  • les objectifs à atteindre pour un niveau donné, dans le cadre de son domaine d’activité ;

  • les programmes d’enseignement et documents d’accompagnement qui le concernent à tous les niveaux d’enseignement des premier et second degrés (j’ajoute ici que c’est fortement recommandé pour réussir le CAPES !) ;

  • les fondements de la psychologie de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte, les processus d’apprentissage des élèves et les obstacles possibles à ces processus ;

  • les différents supports et les outils (tableau, manuels, documents...) nécessaires à la conception et à la mise en oeuvre des apprentissages.

Et enfin de dire que, dans ce cadre, le professeur documentaliste est conduit :

  • à développer des approches pluridisciplinaires et transversales fondées sur les convergences et les complémentarités entre les disciplines : il construit des activités permettant d’acquérir la même compétence par le biais de plusieurs disciplines (s’il veut collaborer avec ses collègues pour le développent des compétences cités dans la circulaire, il vaut mieux !) ;

  • à apprécier la qualité des documents pédagogiques (manuels scolaires et livres du professeur associés, ressources documentaires, logiciels d’enseignement...).(même si parfois, on peut trouver qu’on sollicite un peu trop les professeurs documentalistes sur la compétence en matière de manuels …!)

 

        Bien sûr, puisqu’il peut être amené à organiser une formation avec une classe entière, on attendra de lui :

  • qu’il sache faire progresser une classe aussi bien dans la maîtrise des connaissances, des capacités et des attitudes que dans le respect des règles de la vie en société ; ses exigences portent sur les comportements et il fait en sorte que les élèves attachent de la valeur au travail personnel et collectif ;

  • qu’il maîtrise des connaissances relatives à la gestion des groupes et des conflits (ça vaut mieux !) ;

  • qu’il soit capable de prendre en charge un groupe ou une classe, de faire face aux conflits, de développer la participation et la coopération entre élèves ; d’organiser les différents moments d’une séquence ; d’adapter les formes d’interventions et de communication aux types de situations et d’activités prévues (postures, place, interventions, vérification des consignes, etc.). (c’est le B-A BA pas si simple de la construction de séquences pédagogiques)

 

        Mais comment peut-il réguler ses interventions, vérifier que les formations (dont je rappelle qu’il est tenu de les assurer) ont porté leur fruits ? Il faut au minimum :

  • qu’il sache évaluer la progression des apprentissages et le degré d’acquisition des compétences atteint par les élèves ;

  • qu’il connaisse les différentes évaluations qu’il peut être amené à pratiquer (diagnostique, formative, sommative, certificative) ;

  • qu’il soit donc capable de concevoir des évaluations aux différents moments de l’apprentissage, c’est-à-dire :

    - définir le niveau d’exigence de l’évaluation ;

    - adapter le support et le questionnement en référence aux objectifs et au type d’évaluation que l’on souhaite mener ;

    -  expliciter les consignes, guider les élèves dans la préparation de l’évaluation ;

    - analyser les résultats constatés et déterminer les causes des erreurs ;

    - concevoir des activités de remédiation et de consolidation des acquis  ;

    - de développer les compétences des élèves dans le domaine de l’autoévaluation.

        Nous serons sans doute d’accord, le professeur documentaliste doit faire tout cela dans le cadre d’une relation claire et de confiance et pour cela, il vaut mieux qu’ :

  • il mesure ses appréciations ;

  • il valorise l’exercice et le travail personnel des élèves ;

  • il veille à ce que chaque élève soit conscient de ses progrès, du travail et des efforts qu’il doit produire.

 

        On comprend pourquoi cette circulaire a débouché sur un CAPES de documentation : celui-ci n’en était que la suite logique. Pour mettre en œuvre ce qui est demandé dans la circulaire, il faut des compétences pédagogiques certaines.

        D’ailleurs…

        Tout ce qui est en italique (ci-dessus) est tiré des compétences relevées dans le Cahier des Charges des IUFM, très exactement des compétences C4, C5 et C7. Je n’en ai enlevé qu’une partie minime : en général, ce qui fait référence à un programme disciplinaire ou à la notion de discipline elle-même, ou à la notation, toutes choses sur lesquelles il serait loisible de discuter mais qui ne me paraissent pas explicitement affirmées dans la circulaire de mission. Ces trois blocs de compétences font donc, pour leur plus grande partie, référence à des compétences requises pour exercer une partie des missions ciblées par la circulaire de 1986.

 

        Je n’imagine donc pas que l’on puisse considérer que ces compétences ne concernent pas le professeur documentaliste, à moins d’enlever des pans entiers de la circulaire de mission. Ce qui fait la différence entre les professeurs documentalistes et les autres professeurs (à l’heure actuelle tout au moins),  ce sont essentiellement les compétences supplémentaires qui viennent s’ajouter à celles exigées de tous. En particulier, il lui est demandé en quelque sorte de « pratiquer » dans le domaine précis où il doit former les élèves. (On notera a contrario qu’on ne demande pas à un enseignant de lettres du secondaire de publier des articles ou des poésies ou romans ou autres ; il peut être incapable d’écrire un texte de théâtre et enseigner L’Ecole des Femmes, cela ne choque personne, pas même moi d’ailleurs). Il serait donc certainement souhaitable d’affiner les domaines de compétences développés dans le Cahier des Charges en fonction des spécificités du professeur documentaliste mais en aucun cas de considérer que l’on peut être professeur documentaliste sans posséder  de compétences proprement pédagogiques.

 

        La vieille circulaire de mission de 1986 est le seul texte de ce niveau qui définisse les attentes institutionnelles par rapport à la profession. Il frisait la révision et voici qu’au détour de l’actualité professionnelle, il semble devenir un texte avant-gardiste pour tous ceux :

  • qui souhaitent que tous les élèves bénéficient d’une véritable formation à l’information

  • qui pensent que le professeur documentaliste est le plus à même de mettre en place cette formation.

Etonnant, non ?