Publications liées

Cinq textes de l’auteur pour une analyse critique du document PACIFI :

1- Le Pacifi, un océan de questions. Introduction à une analyse critique du document Pacifi. Les Trois couronnes, 01-2011

2- Le Pacifi et le tropisme procédural de l'institution. Les Trois couronnes, 01-2001

3- Le Pacifi : Une référence ambiguë au Socle commun. Les Trois couronnes, 01-2001

4- Le Pacifi : Un hiatus entre les fiches « Repères » et le cadrage institutionnel. Les Trois couronnes, 02-2011

5- Vers une validation du Pacifi par les disciplines ? Les Trois couronnes, 10-2011

Référence documentographique

Duplessis Pascal. Le Pacifi : Un hiatus entre les fiches « Repères » et le cadrage institutionnel. Analyse critique du document Pacifi (4). Les Trois couronnes, 08-02-2011

http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/table-ronde/le-pacifi-un-hiatus-entre-les-fiches-reperes-et-le-cadrage-institutionnel-analyse-critique-du-document-pacifi-4

Le Pacifi : Un hiatus entre les fiches « Repères » et le cadrage institutionnel. Analyse critique du document Pacifi (4)

Gosier beach. Louis Gély, 2008. Sous Creative commons. lien Modif. P. Duplessis

Contre toute attente, et en dépit du choix opéré par le cadrage institutionnel en faveur de compétences transversales, les 10 fiches « Repères » abordent la dimension théorique de l’information-documentation et font appel à la construction de nombreux savoirs scolarisables. La richesse et la diversité de ces savoirs info-documentaires s’expriment même au travers de leurs différentes formes, qu’elle soit conceptuelle, analytique ou opératoire. L’analyse de l’emploi de ces formes et de leurs occurrences dans les fiches permet alors d’identifier deux orientations épistémiques privilégiées, lesquelles ne vont pas dans le sens auquel on pouvait s’attendre. Il apparaît dès lors un fossé entre le discours affiché par l’institution dans son cadrage et les prescriptions didactiques formulées par les auteurs des fiches. Comment interpréter ce qu’il faut bien appeler un clivage ?

Des savoirs info-documentaires dans les 10 fiches « Repères »

Un simple feuilletage des 10 fiches « Repères » du document Pacifi laisse apparaître quelques formulations de savoirs info-documentaires. Par exemple :

  • Identifier différents types de sources (institutionnelle, pédagogique, commerciale, personnelle, etc.) et expliciter les différences (fiche 3)

  • Distinguer les grands types de documents disponibles dans les bases de données (par exemple, encyclopédie, dictionnaire, atlas, manuel, livre, revue, site internet, article…) (fiche 5)

  • Analyser la page résultat obtenue pour comprendre le principe de l'index automatique et celui de l'algorithme de pertinence (fiche 9)

Ce sont bien évidemment les verbes employés qui attirent l’attention. Identifier, expliciter, distinguer, analyser, comprendre… autant d’occasions de construire des connaissances, d’accéder à une compréhension portant sur des principes, des phénomènes et des objets info-documentaires. Tous ces objectifs ainsi introduits ne portent pas sur des procédures, comme le permettraient des verbes comme réaliser, utiliser, rédiger, rechercher ou encore sélectionner. Plutôt que de viser une production, une réalisation, un faire et un savoir faire, ils encouragent l’élève à prendre du recul, à prendre conscience, à expliquer, à chercher des raisons, bref à prendre le temps de l’étude et de la distance là où l’action, stimulée par la nécessité de la finalisation, vise la réussite immédiate. Il est ici plutôt question d’appréhender un savoir et de le transformer en connaissance, en intelligibilité, permettant à la fois une meilleure intégration à la culture et une meilleure efficacité lorsqu’il s’agira de participer à cette culture.

Ces premières trouvailles au fil des 10 fiches « Repères » nous ont donné l’envie d’investiguer plus avant et de procéder au recensement de ces exhortations à l’étude théorique de l’information documentation. Etaient-elles sporadiques, peu nombreuses, comme si elles avaient été oubliées à la relecture ? Ou bien au contraire, étaient-elles assez présentes pour constituer un contre-poids à la ligne générale qui anime le document ? Pour ce faire, il a fallu commencer par distinguer les trois régimes de connaissances que nous avons rencontrés lors de l’analyse de la compétence que sont les savoirs, les savoir faire et les savoir être.

Méthodologie : comment reconnaître les différents types de connaissance

Différencier ces types de connaissance n’est pas toujours chose aisée. Les savoir faire sont souvent introduits par le verbe « savoir » suivi d’un verbe à l’infinitif (ex : savoir utiliser) ou par l’expression « être capable de ». Ils peuvent tout simplement se signaler par un verbe d’action « réaliser, utiliser, classer ». Les savoir faire sont plutôt observables et se prêtent facilement à une évaluation de la performance au travers de laquelle ils se révèlent.

Les savoir être sont en revanche plus difficilement évaluables. Il sera avant tout question de posture d’esprit, comme l’engagement et l’implication, la responsabilité et la critique. Ces trois exemples tirés de la fiche 10 permettront de s’orienter. Nous reprenons la terminologie du Socle commun pour ce premier repérage, et l’assortissons du rappel des trois axes, les « 3T » proposés pour un enseignement de l’information documentation :

tableau 1

1. Les trois types de connaissances à l’œuvre dans la compétence intégrative (tirés de la fiche 10 du Pacifi)

La véritable difficulté de la discrimination réside dans l’interpénétration du savoir à l’intérieur de ces trois types de connaissance. De fait, les savoirs sont toujours présents ! Comment, en effet, être capable de croiser ses sources si on ne sait pas au moins un peu ce qu’est une source ? Comment ne pas porter atteinte aux droits des personnes si on ne connaît pas les droits dont il est question ? La différence doit donc s’effectuer au niveau de l’intention première portée par les objectifs choisis. Ou bien seront visés des savoirs et cette intention sera formulée clairement, ou bien seront plutôt projetées des capacités et des attitudes et cela sera formulé autrement, même si, implicitement, ces dernières en appellent à des connaissances. Nous avons donc choisi de ne retenir que ce qui concernait des savoirs explicitement référés.

Cette précaution prise, nous avons sélectionné avec beaucoup de prudence ces formulations débarrassées des idées de finalisation propres aux capacités et des attentes éthiques et sociales propres aux attitudes. Au vu de tout ce que nous savions du discours institutionnel de dénégation systématique des savoirs info-documentaires, nous nous attendions à trouver peu d’allusions à des contenus d’enseignement, imaginant qu’ils avaient été soigneusement filtrés.

Résultats de l’étude

Les résultats de cette étude ont été déposés dans un tableau (voir Annexe 1) et rangés, fiche par fiche, dans l’ordre dans lequel ils ont été repérés, à savoir en reproduisant le classement en quatre parties des fiches Repères :

  • Introduction du repère

  • Relations aux enseignements et aux dispositifs

  • Objectifs

  • Exemples d’action

A notre grand étonnement, ce ne sont pas moins de 67 formulations complètes d’objectifs de savoirs info-documentaires qui ont ainsi été répertoriées dans l’une ou l’autre partie des 10 fiches, preuve s’il en est besoin que les groupes de travail ont bien perçu l’importance de cette dimension.

Répartition des savoirs dans les 10 fiches « Repères »

Comment sont répartis ces 67 énoncés de savoirs info-documentaires dans les 10 fiches « repères » ? Le tableau ci-dessous classe les fiches selon le nombre des savoirs que les contributeurs ont estimé devoir être étudiés par les élèves du secondaire :

tableau 2

2. Classement des fiches par la répartition des formulations d’objectifs de savoirs info-documentaires

En l’absence d’information fournie par le document Pacifi, concernant notamment la méthodologie employée, les conditions d’élaboration des fiches ou la constitution des groupes par catégories de professionnels, il est délicat d’affirmer quoi que ce soit. Quelques écarts importants peuvent cependant être discutés.

Ainsi, plus de la moitié des savoirs info-documentaires formulés (57%) le sont dans trois fiches seulement (fiches 9, 6 et 8). Elles ont pour points communs de renvoyer d’une part à des objets concrets (moteurs, sources, médias), et d’autre part à des objets qui sont certainement les plus travaillés par la profession qui a pu, dès lors, se forger une expertise sur les savoirs que les élèves doivent acquérir. On peut ainsi faire l’hypothèse que plus un objet didactique est travaillé par la profession, en situation d’enseignement-apprentissage, et plus il est possible d’exprimer ses caractéristiques conceptuelles pour en déduire les objectifs d’apprentissage. Les savoirs relatifs aux moteurs de recherche constituent certainement un bon exemple avec les 18 énoncés repérables dans la fiche 9. Il est également permis de penser que le travail novateur mené il y a quelques années à peine par Frédéric Rabat a laissé des traces profondes sur la didactisation des moteurs de recherche, traces que l’on retrouve d’ailleurs dans certaines formulations de cette fiche. Un autre regard s’appuyant sur l’intelligibilité des outils, d’un point de vue aussi bien didactique que culturel, permet en effet de prendre quelques distances avec la seule préoccupation procédurale inhérente à l’information literacy. A l’inverse, on trouve en fin de classement trois fiches rassemblant seulement 7% des énoncés à dimension théorique. Leur point commun, cette fois-ci, est de s’intéresser à des étapes marquantes de la recherche d’information. Fortement placées sous l’emprise de la méthodologie et des comportements cognitifs, elles recèlent en effet moins d’occasions de faire émerger des savoirs info-documentaires.

Quelles sont les catégories de savoir à l’œuvre dans les 10 fiches du Pacifi ?

Analyser les savoirs perçus et réquisitionnés par les groupes de travail serait certainement intéressant mais demanderait un développement plus grand. Dans la mesure où là n’était pas, loin s’en faut, le projet initial du document Pacifi, il ne faudrait pas non plus s’attendre à découvrir une structuration raisonnée du domaine. Nous laissons par conséquent cette piste pour en suivre une autre, plus modeste. La profusion des prescriptions relatives aux savoirs info-documentaires remarquable dans les fiches d’une part, le fait même de leur existence qui contredit implicitement le discours général du document d’autre part, sont deux caractéristiques qui valent bien qu’on s’y arrête un instant.

Il s’agira par conséquent de tenter de saisir quelle est l’approche épistémique qui est suggérée par les choix d’énoncés qui ont été faits. Qu’elle en ait été consciente ou non, comment l’équipe a-t-elle orienté cette didactisation feutrée ? Les contenus d’enseignement mobilisés inclinent-ils vers une opérationalisation des savoirs, pour se rapprocher de l’idée pragmatique de la compétence ou, à l’inverse, pointent-ils vers une approche conceptuelle plus théorisante afin de donner aux élèves la possibilité de construire des bases plus solides ?

Les trois formes du savoir : conceptuelle, analytique, opératoire

Pour nous permettre de répondre à cette question, nous répartirons les contenus des 67 énoncés recueillis en trois catégories distinctes fondées sur une diffraction des savoirs en trois formes, conceptuelle, analytique et opératoire.

La forme conceptuelle est cette part du savoir qui cherche à connaître son objet au travers de sa définition, de sa fonction, mais aussi de ce qui le rapproche ou de ce qui le discrimine d’autres objets proches. Le but est tout simplement de « savoir » ce qu’est cet objet. Les verbes relevant de la forme conceptuelle peuvent être identifier, connaître, différencier, étudier, relier, comparer.

La deuxième forme possible est la forme analytique, qui, au travers d’une analyse plus poussée de l’objet, va chercher davantage qu’un « savoir que » et s’intéresser à son fonctionnement, à son intelligibilité, à sa compréhension, ainsi qu’au rôle qu’il peut jouer et aux enjeux qu’il sous-tend. Les énoncés relevant de cette forme vont inciter les élèves à se demander comment cela fonctionne, ce que cela implique et pourquoi est-ce ainsi. Des verbes tels que analyser, interpréter, comprendre, s’interroger, prendre conscience ou encore appréhender de manière critique seront ici réquisitionnés.

Enfin la forme opératoire du savoir se détachera nettement des formes de « savoirs en soi » précédentes pour intégrer les besoins du sujet qui cherchera là des « savoirs pour soi ». Dans le cadre de situations fortement contextualisées qui impliquent l’apprenant, les savoirs opératoires permettent à celui-ci de résoudre un problème et de mener à bien une tâche qui le concerne. Les scénarios d’apprentissage vont alors mettre en œuvre des situations mettant l’élève en demeure de construire ce savoir pour réussir son activité.

Cette approche est cependant distincte de celle de la compétence par la finalisation de l’activité d’apprentissage. L’approche par la compétence vise à apprendre à l’élève à savoir « repérer et utiliser » un savoir pour résoudre un problème donné. De nature pragmatique, elle cherche avant tout à construire une « habileté à mobiliser ». L’approche par les savoirs opératoires, en revanche, ne regarde pas le savoir comme un moyen au service de la performance, mais comme une fin pour l’étude, considérant le pouvoir structurant qu’il exerce sur le sujet. Le savoir opératoire intégré, outre le fait qu’il donne prise sur le réel, permettra par suite d’expliquer et de prédire un grand nombre de faits, de résoudre des problèmes dans des familles de situations et favoriser des réinvestissements dans des situations nouvelles.

Les verbes et les expressions les plus utilisés dans les fiches se répartissent ainsi selon les trois formes du savoir :

tableau 3

3. Classement des expressions relevées dans les 10 fiches du document Pacifi pointant des connaissances info-documentaires selon les différentes formes du savoir

Quelle est l’orientation de cette didactisation feutrée ?

Chacun des énoncés repérés n’est pas contraint à l’expression d’une seule forme de savoir. Certains d’entre eux expriment ainsi deux directions au travers de verbes distincts. C’est ainsi que les 67 énoncés véhiculent en fait 91 occurrences des trois formes confondues. Ces occurrences sont graissées dans le tableau « Les savoirs info-documentaires dans le Pacifi » (voir annexe 1) et sont chacune désignées comme appartenant à la forme conceptuelle, analytique ou opératoire. Il est ainsi possible d’obtenir une image plus précise de l’orientation épistémique implicitement prise par le groupe de travail concepteur des 10 fiches :

tableau 4

4. Occurrences relevant des trois formes du savoir, toutes fiches confondues.

Le décompte, contre toute attente, indique sans équivoque que la forme opératoire du savoir, celle qui se rapproche le plus de la compétence intégrative est peu sollicitée (10%) alors que les formes conceptuelle et analytique le sont très majoritairement et à parts égales (45%).

L’orientation majeure est donc double. Elle révèle que lorsque les concepteurs du Pacifi recommandent - de manière toujours implicite - l’apprentissage de savoirs info-documentaires, il s’agit à 90% de savoirs plutôt théoriques. Ce sont en effet des savoirs d’identification et des savoirs de compréhension. Ils s’inscrivent par conséquent dans une approche majoritairement disciplinaire, essentiellement axée sur les savoirs « en soi ». Ce constat est encore plus étonnant lorsqu’on prend conscience que cette approche est au demeurant bien plus « fondamentale » que celle prônée par les tenants d’une didactique de l’information-documentation qui, aujourd’hui, orientent majoritairement leurs travaux vers des entrées plus opératoires, comme les situations-problèmes.

Pour une meilleure lecture de cette évolution, voici un relevé des résultats obtenus fiche par fiche :

tableau 5

  1. Occurrences des trois formes du savoirs dans les 10 fiches du Pacifi

La fiche n°9 « Moteurs de recherche » caracole toujours largement en tête. L’analyse révèle qu’elle le doit particulièrement à l’intérêt qui a été porté pour la dimension analytique de l’objet. La précision concernant Google, « Situer la place de Google dans l’accès de l’information », renforce cette supposition de l’impact des deux articles que Frédéric Rabat a consacrés à la didactisation de ce moteur emblématique. Un travail similaire devrait par conséquent être conduit à propos des sources, des médias et autres objets d’études pour l’information-documentation !

70 concepts info-documentaires corrélés aux 10 fiches « Repères »

Ces énoncés de savoirs à enseigner aux élèves font bien évidemment état de concepts et de thèmes qui leur sont corrélés. La plupart de ceux-ci ont été portés dans la dernière colonne du tableau « Les savoirs info-documentaires dans le Pacifi » (Annexe 1). Un examen plus attentif et plus expert mettrait certainement à jour une quantité et une variété plus grande de concepts.

Après un travail rapide de prospection, il ressort néanmoins 125 occurrences de concepts suggérés par les 67 énoncés de savoirs. Parmi ces occurrences, il reste 70 concepts ou thèmes distincts qui, de « accès à l’information » à « type de médias : média d’actualité » dessinent à la manière des peintres pointillistes le portait conceptuel de l’info-documentation… selon le Pacifi. Voir la liste des 70 concepts et thèmes corrélés aux 10 fiches du Pacifi (Annexe 2).

Bref retour sur la structuration en capacités et en attitudes

A la fin de cette analyse, il est plus facile de juger de la pertinence d’une soi-disant structuration du domaine par les « capacités et attitudes » décrites en page 13 du document Pacifi. Prenons l’exemple de la fiche 6, révélateur de ce qui peut être généralisé pour l’ensemble des fiches. Il n’est qu’à comparer la richesse conceptuelle exprimée par les formulations que nous venons d’analyser à ce qu’indique le « Tableau des correspondances des fiches et des compétences » (p. 13). D’un côté dix formulations riches de savoirs de différentes formes, dont quatre conceptuelles, huit analytiques et une opératoire, pointant vers 16 concepts ou thématiques à étudier. De l’autre (p. 13), une corrélation des plus simplistes et des plus fantaisistes qui soient à une seule capacité et deux attitudes tirées du Socle commun :

tableau 6

6. Comment les savoirs théoriques de l’information-documentation repérés par les auteurs de la fiche « Repères » n°6 « Sources organisées du savoir » sont réduits à seulement trois critères dans le tableau de correspondance du cadrage institutionnel (p. 13)

Que dire de tels procédés de réduction et d’appauvrissement extrême d’une matière aussi riche et aussi essentielle aujourd’hui ? Est-il besoin d’en appeler au préalable, comme le fait le cadrage institutionnel du document Pacifi, au renouvellement des formations et à la culture de l’information pour offrir de telles propositions aux enseignants documentalistes ? Ceux-ci trouveront ici de quoi se plaindre d’un tel traitement et bien du souci à se faire pour leur avenir.

Une différence de perception entre le cadrage institutionnel et les fiches « Repères »

Comment rendre compte de ce qui semble bien, faute d’éclairage complémentaire, constituer une divergence profonde entre le cadrage institutionnel et les concepteurs des fiches, sur le plan des savoirs info-documentaires ? Que ces divergences soient conscientes ou non, qu’elles aient été débattues à l’interne ou pas, ne peut pas être pris en compte ici. Nous ne pouvons juger que sur ce que nous donne à voir le document Pacifi…

Nous constatons ainsi, d’une part, que ces savoirs ne sont ni perçus ni évoqués par l’institution, mais qu’ils le sont bien auprès de la plupart des auteurs des fiches. Dans les deux cas cependant, il n’est pas question de les enseigner.

Cette manière de saisir le statut épistémique du savoir au travers des représentations diverses qui en sont faites nous rappelle ce que Yves Chevallard écrivait au sujet des différents régimes du savoir en relation avec les enseignements [^1] . Partant de l’idée que tout objet de savoir ne saurait être pour autant un objet à enseigner, il distinguait trois catégories de savoirs selon leur degré d’implicite et leur désignation en tant qu’objets d’enseignement. De ces trois catégories de savoirs, seule la première donne lieu à un enseignement explicite. Les deux autres sont acquises ou développées implicitement. Cependant, seule la dernière (le proto-savoir) n’est pas consciemment perçue par le maître ou par l’élève lorsqu’elle est convoquée. Ce que nous pouvons représenter ainsi :

tableau 6

7. Le processus de professionnalisation saisi comme dépendant de l’évolution des représentations à propos du cadre épistémique des savoirs info-documentaires (à partir de Chevallard, 1985).

A la lumière de ce tableau, il est possible de saisir le point de divergence entre les uns et les autres.

Du point de vue de l’évolution de la professionnalisation du corps des certifiés de Documentation, la représentation des auteurs des fiches est plus avancée que celle de l’institution dont la position n’a guère bougé depuis le début des années 90. Il faut savoir que des notions info-documentaires avaient d’ailleurs été spontanément et explicitement dégagées et présentées sur les fiches produites par les équipes lors de la phase de travail. Par contre, elles ont été par la suite purement et simplement retirées du document final par l’institution. Les traces seules de ces notions demeurent dans les « exemples d’actions », puisque les retirer aurait compromis leur pertinence. La plupart de ces fiches montrent ainsi, aujourd’hui, à quel point les apprentissages info-documentaires sont indissociables des savoirs théoriques propres à cette discipline non instituée.

Pour le moins, l’existence de ces formulations à caractère didactique dans les fiches « Repères » constitue un signe positif de l’émergence de ces savoirs dans la profession, notamment si l’on considère l’évolution depuis ces 10 dernières années !

Cette position contraste cependant très fortement avec le discours de cadrage et le plan de mise en œuvre situant les 10 capacités et les 10 attitudes tirées du Socle commun au centre des formations… Mais la réception totale de ces nouveaux objets d’enseignement est encore loin d’être actée par les protagonistes concernés et il faudra encore du temps pour effectuer cette conversion épistémologique qui doit faire de ces proto-savoirs auxiliaires des disciplines de véritables savoirs à la fois perçus et enseignés en tant qu’objets construits et définissables, discursifs et opératoires, selon la définition qu’en donne Yves Chevallard.

Conclusion

La conséquente représentation des savoirs info-documentaires dans les fiches « Repères » du document Pacifi constitue un témoignage fort de la richesse potentielle d’un ensemble constitué d’objets à enseigner et de leur actualité. Il est regrettable que le choix d’en faire une entrée pour le Pacifi n’ait pas été retenu. Cela aurait permis à la profession de progresser en lui apportant une référence, du sens et de la cohérence, tout en affermissant son identité professionnelle. Un choix bien différent a été fait, qui nie explicitement ces savoirs en refusant d’en tenir compte malgré une référence appuyée au Socle commun qui, pourtant, intègre une partie de ces savoirs.

Confinée dans le cadre exiguë de 10 capacités et 10 attitudes non structurantes et très maladroitement formulées, la profession se voit une fois de plus confinée à l’auxiliariat par l’indifférence que l’institution porte à la singularité de ses objets d’enseignement. L’entrée dans la culture de l’information se fait ainsi par la petite porte de la maîtrise de l’information. Rien de nouveau par conséquent pour les professeurs documentalistes, à part l’exiguïté dans laquelle les force à présent cette lecture pour le moins particulière du Socle commun.

On peut se demander, dans ces conditions, quel besoin il pouvait y avoir de réaliser un Pacifi pour en rester au point mort ? Certes, certains collègues trouveront dans l’immédiat le document institutionnel qui leur manquait pour légitimer des partenariats, alors que d’autres s’en passaient bien. Mais le prix à moyen terme pourrait s’avérer lourd à payer pour une profession dont l’identité enseignante compte beaucoup. A ce propos, le projet de circulaire du 18 janvier 2011 a fourni aux observateurs de nombreuses raisons de s’inquiéter, notamment à propos de la rupture du mandat pédagogique au profit du seul mandat gestionnaire.

Mais sans doute faut-il encore chercher ailleurs les raisons de la publication de ce document. Peut-être bien du côté de l’évaluation…

A suivre…

        **---------------------------- *ANNEXES* ------------------------------------**

Annexe n°1 : Les savoirs info-documentaires repérables dans les 10 fiches « Repères » du document Pacifi

tableau 7

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Annexe n°2. Liste des 70 concepts implicitement mobilisés dans les 10 fiches « Repères » du document Pacifi

NB. Le nombre d’occurrences est signalé entre parenthèses (125 au total).

. accès à l’information

. accès à l’information : cote (2x)

. accès à l’information : notice catalographique

. accès à l’information : page de résultats

. accès à l’information et au document : notice

. autoritativité collaborative

. circulation de l’information

. communication de l’information

. construction de l’information (3x)

. description du document (2x)

. document primaire / secondaire

. documentarisation de l’homme (2x)

. droit de l’information

. économie de l’information

. épistémologie de l’information

. épistémologie du document

. équipement : signalétique

. espace informationnel : bibliothèque virtuelle ; CDI

. fait / événement

. gestion et organisation de l’information : base de données (2x)

. identité numérique

. indexation automatique (5x)

. indexation manuelle

. indexation sociale

. information : dimensions législative (2x)

. information : dimensions législative et économique (2x)

. langage documentaire (2x)

. langage documentaire : classification (2x)

. langage documentaire : histoire des classifications

. langage documentaire : mot clé

. média d’actualité : dimensions sociologique, économique, politique (3x)

. média d’actualité : enjeu démocratique

. média d’actualité : langage (3x)

. média d’actualité : typologie

. média : objet technique

. média : outil de communication

. média-source (2x)

. métadonnées

. moteur de recherche : classement des résultats (2x)

. moteur de recherche : dimension sociologique

. moteur de recherche : modèle économique (4x)

. moteur de recherche : page de résultats

. nature de document

. OPAQ (2x)

. outil de recherche (7x)

. production et diffusion de l’information

. recherche d’information : arborescence, sommaire

. recherche d’information : index

. recherche d’information : langage d’interrogation ; recherche en langage contrôlé ; recherche en texte

intégral

. recherche d’information : moteur de recherche (7x)

. recherche en langage contrôlé (2x)

. recherche en langage naturel (2x)

. réseau social

. source d’information (3x)

. source d’information : typologie (3x)

. source de l’information (6x)

. structuration du document (3x)

. support d’information

. support documentaire : historique

. système de classification

. type d’information

. type d’information : analogique (3x)

. type de document (2x)

. type de document : dictionnaire, encyclopédie

. type de document : encyclopédie numérique collaborative (2x)

. type de document : image (2x)

. type de document : presse d’actualité

. type de document : usuels (2x)

. type de média : média d’actualité


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