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Trois postures ordinaires du prof doc, trois raisons d’avoir une formation didactique et pédagogique

Il y avait un moment que je souhaitais commenter sur le blog des Trois Couronnes ce paragraphe du rapport de l’IG sur la formation des PLC2 dans la partie consacrée aux professeurs-documentalistes. La parution du compte-rendu de la journée des IANTE et l’émotion de Pascal, me rappellent ce projet.

         « La notion de séquence éducative ne doit pas être comprise comme une séquence de classe, un cours traditionnel ; il s’agit d’un temps de formation pendant lequel le documentaliste apporte ses compétences spécifiques pour aider les élèves à rechercher des informations utiles à leurs travaux scolaires, le plus souvent demandés par leurs enseignants, mais quelquefois à leur initiative personnelle. Cette séquence doit mettre en évidence les qualités relationnelles du futur professeur certifié en documentation, elle doit aussi montrer ses autres qualités professionnelles : comment il a organisé l’accès à l’information et, de manière générale, comment il a su se situer dans ses relations au sein de la communauté éducative dans lequel il exerce » (1)

 

        La vision du professeur-documentaliste qui ressort de ce texte est parfaitement claire. Les qualités professionnelles renvoient au système d’information mis en place. Le documentaliste est un professionnel de l’information qui, en plus, par « ses qualités relationnelles », saura aider l’élève à chercher…. Notre « double mandat » consisterait-il dans son deuxièmes aspect à être auprès des élèves des sortes d’aides-éducateurs améliorés, moins glamours certes et beaucoup moins disponibles… Nous nous rappelons tous, les mouvements qu’il y a eu quand il s’était agi de laisser ces derniers seuls en présence d’élèves ! Il avait fallu bagarrer ferme dans les établissements pour affirmer la professionnalisé du prof doc face à ce nouvel intervenant dont les qualités relationnelles, justement, étaient la principale justification ! Et voilà qu’il faut recommencer.

 

        Mon propos ne consistera pas à exposer les enjeux sociétaux de la culture de l’information, thème du prochain Congrès de la FADBEN. Il ne consistera pas non plus à revendiquer plus de séances et séquences, des programmes, des horaires pour affirmer davantage la réalité de notre fonction de professeur…Non ! Il consistera juste à affirmer que dans les postures diverses et actuelles du professeur documentaliste face aux élèves, des qualités pédagogiques et didactiques sont d’ores et déjà indispensables, sous peine d’inefficacité et de perte de temps. C’est en cela qu’on le veuille ou non, que nous sommes des professeurs.

 

        I

        Prenons pour commencer l’aide aux élèves décrite ci dessus. C’est en effet une posture très fréquente, la plus fréquente peut-être. Le texte affirme qu’il s’agit d’un temps de formation. Et sur ce point très précis nous sommes bien d’accord. Le tout est de s’entendre sur le mot « formation » ainsi défini dans le TLF « Fait de développer les qualités, les facultés d'une personne, sur le plan physique, moral, intellectuel ou de lui faire acquérir un savoir dans un domaine particulier». Développer des qualités chez des élèves ce n’est pas certainement pas indiquer où il faut cliquer.

 

        Il ne suffit pas d’être compétent techniquement pour former des élèves, même dans une relation individuelle. Les professeurs des disciplines classiques cessent-ils d’être des professeurs quand ils aident les élèves à l'occasion de travaux individuels ? les IDD, les TPE pourraient-il être confiés à d’autres ? La capacité de diagnostic rapide de l’obstacle rencontré par l’élève, la mobilisation du concept qui va le mieux faire comprendre ce qui est en jeu, le soutien métacognitif pour aider à surmonter la difficulté, supposent un niveau d’expertise pédagogique et didactique supérieur peut-être même à ce qui peut être fait dans un cours collectif. Il s’agit d’intervenir rapidement sans perte de temps, de telle façon que les élèves ne se reposent pas sans cesse la même question.

 

        II

        L’observation d’une certaine répétitivité des problèmes rencontrés dans les travaux documentaires amène naturellement le professeur documentaliste à anticiper sur certains points et à proposer des séances de formation. Monsieur l’inspecteur général. Durpaire dans ses propos lors de la journée des IANTE documentation en janvier 2008 affirme en ce qui concerne ces séances et les réflexions didactiques en cours que « la réflexion ne nous paraît pas avoir encore atteint nombre d’enseignants-documentalistes qui poursuivent des formations que je qualifie de trop technicistes. Lorsque l’on forme à un outil, il faudrait toujours s’interroger à l’intérêt de cet outil pour l’élève ».

 

        On peut regretter en effet que dans l’urgence, on se contente de la technique de base pour réaliser une tâche. On ne peut pas nier que nos séances ne permettent pas toujours aux élèves d’atteindre une véritable compréhension des systèmes d’information et de leurs enjeux. Mais pour Monsieur Durpaire, est-ce un regret ? Quelques phrases plus loin en effet, il réaffirme, ce qui avait déjà été dit autrement dans le rapport de mars 2007 : « Je sais que ce cahier des charges comporte trois points inadaptés à la profession de documentaliste : « Organiser le travail de la classe / Évaluer les élèves / Concevoir et mettre en oeuvre son enseignement ». Cherchez la contradiction !

 

        En fait, elle ne sera visible que pour ceux qui militent pour une véritable formation info-documentaire des élèves. Pour les autres la logique est plutôt pas de formation que des séances insatisfaisantes. Non seulement la qualité de nos interventions est contestée mais toute possibilité de nous former pour mieux les concevoir et les réaliser nous est déniée.

 

        III

        Enfin une troisième posture est illustrée par une question du devoir STD du CAPES externe de documentation 2007 : « Dans un contexte scolaire que vous préciserez, vous exposerez schématiquement une proposition de guide méthodologique utilisable en ligne pour l’éducation à l’information.»

 

        Les professeurs documentalistes réalisent en effet très souvent des guides d’aide à la recherche, voire des didacticiels et des tutoriels. Qu’attend de nous le jury du CAPES ? Que nous réalisions de belles brochures de procédures pas à pas (à refaire à chaque modification des interfaces), des grilles d’évaluation toutes faites (mais qui fera la synthèse pour conclure ou non à « l’usabilité » des ressources ?), ou que nous guidions par un questionnement approprié à leur niveau, le cheminement des élèves ? Là aussi, il semble évident qu’une réflexion sur les notions et concepts apporteurs de sens, les obstacles et les moyens de les lever est indispensable.

 

        Dans ce cas comme dans les précédents, comment ferons-nous pour faire évoluer ces outils si nous ne sommes pas ensuite capables d’évaluer leur impact en tant qu’outils de formation auprès des élèves, soit encore une compétence qui ne nous concernerait pas dans le cahier des charges de la formation des PLC2 ?

 

        Les professeurs qui conçoivent des cours par correspondance ou des FOAD sont-ils moins des professeurs que les autres, évaluent-ils moins que les autres ?

 

 

        Depuis des années, il semble que je vis dans l’illusion qu’un professeur ne l’est pas que devant « sa » classe, en situation « expositive » ; j’en viens à conclure que je m’illusionne à l’idée que l’évolution des moyens d’information dans la société apporte non seulement des besoins de formation nouveaux, mais transforme le métier de professeur en introduisant de nouvelles postures.

 

        Je dois manquer d’intelligence mais je n’arrive pas à comprendre comment on peut penser une minute qu’une fonction comme la nôtre, qui est en contact constant avec les élèves, en charge de leur formation selon notre circulaire de mission et également dans les mots de notre inspection générale, n’est pas une fonction de professeur et ne peut donc être évaluée comme telle à l’IUFM.

 

        J’en suis venue à ressentir comme une injustice profonde ces propos qui consistent à nous dénier les moyens d’être aussi de vrais professionnels de la formation selon la formule du double mandat souvent évoqué dans ces pages, alors même que par ailleurs notre fonction de formation continue d’être affirmée….

 

(1) France. Ministère de l’Education Nationale. Inspection Générale de l’Education Nationale. Le stage en responsabilité dans la formation initiale des professeurs. MEN, 2007. (Rapport 2007-027) http://media.education.gouv.fr/file/26/7/5267.pdf