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Le LC-3C de Schiltigheim, un modèle déjà obsolète

La présentation du premier projet de Learning Centre pour un lycée public a eu lieu au lycée Emile Mathis de Schiltigheim, le 14 février dernier. A l'invitation du Recteur de l'académie de Strasbourg la presse s'est fait l'écho de cet événement dont la réalisation effective est attendue pour la prochaine rentrée.

De fait, il ne nous sera pas permis de "juger sur pièce" avant six mois et l'on se contentera pour l'instant de pointer quelques lignes de clivage. Il est question "d'espaces séparés pour des usages différents" dont seule la bibliothèque renvoie aux missions du professeur documentaliste ; les "salles modulables" étant, semble-t-il, dédiées aux enseignants disciplinaires. La collaboration de ces derniers avec le professeur documentaliste se limiterait d'ailleurs à la "création d'outils pour une pédagogie différenciée et adaptée" ou encore, selon le proviseur, à l'élaboration d'"outils de formation en ligne, pas disciplinaire". Les "personnels du Learning center" en assureraient la "médiation".

Il résulte, dans ce contexte, que la traditionnelle séparation entre contenus disciplinaires et méthodologie documentaire est maintenue, écartant par conséquent toute possibilité de faire construire par les élèves les savoirs de la culture informationnelle. L'approche est encore et toujours transversale et centrée sur le comportement des élèves, dans une logique pragmatique renvoyant à leur insertion professionnelle.

Vue du lycée Emile Mathis, de Schiltigheim Vue du lycée Emile Mathis, de Schiltigheim

Le ton général est pour le moins évasif et l'on gagnera à s'interroger sur ce que recouvrent des expressions comme ces "nouvelles pratiques professionnelles destinées à faire réussir autrement" par "une dynamique positive impulsée par la qualité des équipements". Nous sommes là, semble t-il, dans le strict domaine de la communication dont le Rectorat de Strasbourg s'est fait le relais en attendant que ce projet se concrétise. Ou alors il s'agit d'insister sur la liaison CDI-Vie scolaire, partie la plus aboutie du projet. Mais dans quel but ? Si la création de ce "pôle" a une finalité pédagogique, alors elle n'a rien d'innovant. Les collaborations professeur documentaliste CPE existent déjà. A moins que, dans cet établissement CLAIR, où le recrutement des professeurs documentalistes se fait sur profil, le travail en équipe avec le préfet des études ait un autre objectif : le basculement implicite dans l'équipe de direction qui, pour les professeurs documentalistes, correspondrait à un renforcement de la mission gestionnaire aux dépens du mandat pédagogique.

Or cette approche, pour nos élèves, n'apporte pas de réponses aux problématiques soulevées par le nouvel écosystème numérique. En particulier, les enjeux sociaux, politiques, éducatifs et sociocognitifs sont largement minorés. A cet égard, la comparaison proposée du Learning Center avec un "couteau suisse", objet purement utilitaire, est bien représentative d'une politique d'intégration des TIC à l'école, pratique et consumériste, visant uniquement la mise à disposition d'outils et de ressources numériques. Ceci a pour conséquence manifeste d'évacuer les enjeux d'une véritable éducation à la culture informationnelle, actuellement formalisée par les enseignants-chercheurs en SIC, et didactisée de manière expérimentale par des enseignants documentalistes sur le terrain. En ce sens, ce modèle de Learning Center, qui prétend à l'innovation, se révèle déjà obsolète. Peut-être doit-on voir là l'une des raisons qui explique l'accueil pour le moins timoré de la profession, notamment sur la liste e-doc, à l'annonce de ce projet. Aucun commentaire n'a en effet salué cette proposition...Ce silence peut aussi être interprété comme la marque d'une désapprobation à l'égard du manque total de concertation qui entoure cette question des Learning centres. Absence de dialogue que d'aucuns dénoncent et rattachent à une stratégie globale de détournement de notre profession...

La récente mention du "centre de connaissances et de culture", nom francisé du Learning centre, dans la circulaire de rentrée 2012, en a surpris plus d'un. Cet état de fait a de quoi alimenter un peu plus le ressentiment à l'égard de cette absence de dialogue.

Bonjour Véronique,

C'est exactement la question que l'on a posé hier à nos inspecteurs académiques quand nous avons visionné la vidéo. Nous avons réagis, moi et mes collègues, en explicant que nous le faisions déjà, que pour nous il n'y avais rien de nouveau!!
Certes nous n'avons pas les moyens ni le mobilier nécessaires pour faire de beaux espaces mais les notions d'échange, d'accueil, de livre en accord avec le numérique, de laboratoire de langues sont déjà en place.

Pourquoi un tel débat autour de la questions des 3C (nom pas très esthétique en plus!)? Pourquoi faire croire que nos CDI ne sont que des bibliothèques et qu'il est temps de changer cela? Savent-ils au moins ce qu'il se passe dans nos CDI?
J'en doute fort.
Réflexion intéressante mais attention aux fautes d'orthographe. Pas crédible justement pour un enseignant ....
Par contre c'est une remarque typiquement "enseignante"...
Bonjour à tous.
Et Eduscol (http://eduscol.education.fr/cid59679/les-centres-de-connaissances-et-de-culture.html) introduit les LC -dont on se rend tardivement compte que le terme est maladroitement anglais et qu'on tente de vite remplacer par ce magnifique 3C- en annonçant que :
"Les centres de connaissances et de culture, dits "3C", sont des projets éducatifs et pédagogiques à part entière. Ils s'appuient sur les compétences du professeur-documentaliste, qui peuvent s'appuyer sur les CRDP. Les 3C font cohabiter le livre et le numérique. Ils proposent une approche centrée sur la maîtrise de la langue, en tant qu'appui indispensable aux autres apprentissages."

De ce point de vue, une question se pose : que faisions-nous donc, jusqu'à présent, dans nos CDI ?
Je partage l'avis de la jeune et de la vieille doc en temps que prof-doc dans la quarantaine... Alors le CDI dans lequel je bosse depuis 10 ans fait 100m2, pas facile d'y intégrer une salle de travail informatique, un bureau de prêt, un pôle fiction, un pôle documentaire, un coin lecture, un vidéoprojecteur, une salle de classe, un bureau d'accueil, un poste d'écoute musicale, un labo de langue, une salle de travail pour les professeurs, une salle d'étude, mais c'est pourtant ce qui se passe dans la réalité, tous les jours...
Le 3c semble être un concept purement architectural. Du point de vue de la cohabitation du livre et du numérique, de la maîtrise de la langue, de la pédagogie innovante et de la collaboration avec l'équipe enseignante, je ne lis rien de nouveau..
Mais venez voir comment se passe la "réalité du terrain" mesdames et messieurs les énarques et inspirez-vous des professeurs-documentalistes en poste !
La seule différence en CDI et CCC pour moi qui travaille dans un collège sans CPE, c'est que le 3C pourrait permettre enfin la nomination d'un CPE dans mon collège... Ensuite je verrais comment coordonner nos efforts et collaborer...
Alors on sera quoi nous, des professeurs de la connaissance et de la culture ?