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Demande de clarification des conditions d’exercice de la mission pédagogique des professeurs documentalistes : lettre au Recteur de l'académie d'Orléans-Tours

Dans l’académie d’Orléans-tours, les professeurs-documentalistes disposent pour chaque année scolaire de quatre journées départementales d’échanges et formation spécifique.

En octobre 2015, dans le département du Cher, lors de notre première journée, notre IPR nous a esquissé un tableau consternant de notre mission pédagogique : aberration d’une formation de base systématique et progressive en info-doc, pas notre rôle d’être à l’initiative de projets ou de progressions en info-doc, mais au contraire d’être au service des disciplines (EPI, etc.), nécessité pour pouvoir travailler de bien s’entendre avec les collègues et le chef d’établissement, etc… Le ciel nous est tombé sur la tête ! Nous nous sommes crus revenir 25 ans en arrière comme si nous n’avions rien construit, rien instauré, rien installé, depuis la création du CAPES de documentation !

Passé le moment de stupeur et de colère, nous avons décidé de nous retrouver pour échanger sur nos pratiques, notre vision du métier et les risques que l’on sentait pointer en filigrane dans la réforme du collège qui ne semblait pas vouloir nous faire la place que l’on aurait pu être en mesure d’attendre malgré l’envergure annoncée de cette entreprise… Il nous a semblé crucial d’agir. C’est pourquoi nous avons alors décidé d’interpeller Madame le Recteur de notre académie sur l’absence de cadres clairement définis (horaire et référentiel) pour l’exercice de notre mission d’enseignant.

Nous lui avons adressé la lettre qui suit et, afin de pouvoir communiquer et échanger librement, avons créé un collectif départemental.

Nous avons également des contacts très réguliers avec des collègues des autres départements de l’académie. Partageant les mêmes inquiétudes, ils souhaitent également réagir auprès du recteur.


Bourges, mardi 23 février 2016

Madame le Recteur de l’académie d’Orléans-Tours,

Suite aux premières journées départementales et aux premières réunions de formation pour la mise en place de la réforme du collège, nous souhaitons vous faire part de nos inquiétudes concernant le devenir de notre profession : professeur-documentaliste.

En effet, alors que l’Éducation aux Médias et à l'Information (EMI) occupe une place centrale dans la réforme du collège et au lycée, nos missions d'enseignement nous semblent paradoxalement menacées.

Depuis la publication de la circulaire de mission en 1986 et la création d'un CAPES de documentation, et donc d'un statut d’enseignant-documentaliste, l'information a pris une place de plus en plus importante dans notre société et est devenue incontournable. Pour répondre à cette évolution, et développer la première de leurs missions, les professeurs documentalistes ont mis en place un enseignement adapté et progressif comportant des phases systématiques de formation initiale et également des séquences ponctuelles d’approfondissement plus spécifiques.

Or, alors que notre discipline qui porte enfin un nom, EMI, est omniprésente dans le nouveau socle de connaissances, de compétences et de culture, ainsi que dans les nouveaux programmes de cycles 3 et 4, les derniers textes parus menacent notre mission d’enseignement.

Dans la réforme du collège qui se met en place, ce nouvel enseignement, dont l’importance est plus que soulignée, n’est pas conçu pour être dispensé en responsabilité par les professeurs qui en sont pourtant les spécialistes certifiés dans l’établissement. Faute de moyens et de souplesse, les différentes lectures rendues possibles par le texte conduisent à des interprétations locales qui débouchent sur des situations pouvant être conflictuelles dans les établissements. Ainsi, de nombreux collègues se voient refuser des heures d'enseignement auxquelles ils pouvaient légitimement prétendre et qui s’inscrivent parfaitement dans les exigences de formation des élèves en EMI, réaffirmées dans l’esprit des nouveaux programmes.

Le décret n°2014-940 du 20 août 2014 précise que "chaque heure d'enseignement est décomptée pour la valeur de deux heures", ce qui signifie que chaque heure d'enseignement, effectuée ponctuellement ou inscrite à l'emploi du temps des élèves, doit être prise en compte, et décomptée du temps de service dans l’établissement (30 heures). La circulaire d'application n° 2015-057 du 29 avril 2015 précise que "les heures d'enseignement correspondent aux heures d'intervention pédagogique devant élèves telles qu'elles résultent de la mise en œuvre des horaires d'enseignement définis pour chaque cycle" (ce qui est bien le cas de l'EMI, dont les contenus sont précisés dans les programmes officiels, mais portés par d’autres disciplines que la nôtre) ; cette circulaire précise également que sont aussi comprises dans ces heures d'enseignement les heures de TPE et les heures d'accompagnement personnalisé en lycée ou en classe de 6e au collège.

Comment comprendre que cette reconnaissance de notre travail du point de vue quantitatif, perçue comme une avancée professionnelle, reste lettre morte dès lors qu’aucun créneau n’est prévu pour l’exercice de nos tâches pédagogiques, pourtant réaffirmées ?

Dans le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture ainsi que dans les nouveaux programmes des cycles 3 et 4, l'Éducation aux Médias et à l'Information semble enfin constituer une discipline, ou tout au moins une pratique interdisciplinaire omniprésente. Comment se fait-il alors que les professeurs-documentalistes qui sont les enseignants spécialistes dans ce domaine ne soient plus en charge directement de cette formation désormais prépondérante ? Comment se fait-il par exemple que les professeurs documentalistes ne puissent pas participer aux EPI en binôme avec leurs collègues ? Comment se fait-il qu'ils ne puissent plus être force de proposition et de conception en matière de projets culturels ou liés au monde des médias et de l'information (comme c'est le cas depuis de nombreuses années) mais que leur rôle soit réduit à celui de simples accompagnateurs, d’assistants ou de conseillers pédagogiques dans ces domaines ? Comment peuvent-ils exercer leur mission de formation des élèves de sixième tel que le demande le programme de cycle 3, alors que leur discipline n’est pas présente dans les 26 heures / élève qui ne doivent pas être dépassées ? Et comment pourront-ils alors apporter leur contribution, comme c’est souvent le cas actuellement, en matière d’aide personnalisée, puisque celle-ci doit être exclusivement dispensée dans les 26 heures de cours qui ne laissent aucune place à notre discipline ?

ALORS que madame le Ministre de l’Éducation Nationale vient de réaffirmer le rôle majeur joué par les professeurs documentalistes lors d’une journée d’étude "Réagir face aux théories du complot" le 9 février dernier : « Merci surtout pour ceux qui se mobilisent au quotidien dans les établissements scolaires : les enseignants bien sûr, mais aussi tout particulièrement nos professeurs documentalistes qui sont les véritables maîtres d’œuvre de l’acquisition par tous les élèves d’une culture de l’information et des médias », afin de pouvoir construire et accomplir la formation de nos élèves dans notre discipline de recrutement, nous vous adressons cette demande de clarification de notre mission pédagogique, ainsi qu’une demande de précisions concrètes quant à ses conditions d’exercice à la rentrée 2016.

Veuillez agréer, Madame le Recteur, l’expression de nos sentiments respectueux.

Signatures de 24 collègues professeurs-documentalistes dans le Cher

Copie à : - Mesdames et Monsieur les IPR vie scolaire de l’académie d’Orléans-Tours, - l’A.P.D.E.N., - aux antennes académiques ou départementales du SNES, de Sud-éducation, de FO, du SGEN, du SNALC, du SE-UNSA


Lettre au Recteur à télécharger (pdf)