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En direct du 9ème Congrès FADBEN. Journée du 24 mars 2012

Troisième journée du 9ème congrès de la FADBEN. Dans la tradition des congrès précédents, cette dernière matinée de travail permet aux congressistes de débattre sur l'actualité et l'avenir de la profession. Françoise Chapron a ensuite conclu le cycle de conférences en réaffirmant la mission pédagogique des professeurs documentalistes et en proposant des stratégies pour prolonger l'action. Se tenait en parallèle une table ronde réunissant des chercheurs en sciences cognitives à propos de l'influence du numérique sur la relation entre information et cognition. Divina Frau Meigs, enfin, en tant que grand témoin de ces trois journées, s'est livrée à la synthèse des travaux et a encouragé les professeurs documentalistes sur la voie de leur engagement pédagogique.

Questions vives de la profession

La journée s'est ouverte sur un temps d'échange sur les questions vives de la profession. Elles ont porté sur :

  • un développement des relations entre le Bureau national de la Fadben, les Adben et le "terrain" afin de faciliter l'appropriation des différents apports en lien avec la recherche et leur réinvestissement dans les pratiques pédagogiques quotidiennes.
  • les relations avec les différentes institutions ministérielles et rectorales afin de développer le dialogue et porter les idées de la Fadben, ceci malgré les difficultés rencontrées actuellement avec l'IGEN.
  • la question de la formation initiale mais surtout continue avec un appauvrissement croissant de cette dernière.
  • les relations avec les autres associations professionnelles pour se faire connaître et porter nos idées.

Le Manifeste 2012, lancé à l'occasion de ce 9ème congrès, a remporté une très large adhésion et il a été décidé de lancer un appel à signature sur le site de la Fadben.

Conférence de Françoise Chapron

Suite à ce temps d'échange associatif, Françoise Chapron a questionné le métier de professeur documentaliste au regard de l'évolution de sa fonction et de son statut lors d'une conférence intitulée "Former les élèves à une culture de l’information : une mission à réaffirmer et affermir au cœur de notre profession". Elle s'est employée à rappeler la dynamique en cours depuis la création de l'ERTé et du groupe de recherche Limin-R, en lien avec l'émergence du concept de culture de l'information qui place le professeur documentaliste dans le champ des SIC. Elle dénonce, en revanche, l'imposture intellectuelle présentant les professeurs de discipline comme les plus à même d'assurer cet enseignement. Celui-ci doit au contraire reposer sur un curriculum dans lequel s'articulent savoirs scolaires et savoirs acquis par les élèves hors de l'école. Sur la question du statut, elle insiste sur la nécessité d'anticiper les orientations à venir de l’Éducation nationale, en particulier la 3ème phase de décentralisation qui prépare un transfert de compétences vers les collectivités territoriales. Pour répondre à ces enjeux, elle suggère d'insister sur le volet communicationnel vers les partenaires associatifs, et d’œuvrer pour la formation continue.

Table ronde "Nouveaux outils : nouvelles compétences et nouveau rapport au savoir ?

La table ronde sur les "Nouveaux outils : nouvelles compétences et nouveau rapport au savoir ?" a notamment porté sur l'influence du numérique sur la relation entre information et cognition. Elle a donné un éclairage des sciences cognitives sur la culture informationnelle. Face à ce qu'il considère comme une inadaptation de nos enseignements, Jérôme Dinet suggère une approche par les besoins. Cette approche anthropocentrée propose d'analyser les compétences dont les apprenants auront besoin. A sa suite, Nicole Boubée a présenté un champ de la recherche peu exploré : la part et l'influence des émotions dans les processus de recherche d'information. Enfin, Pascale Gossin a livré l'état de ses recherches actuelles : une étude comparative à 10 ans d'intervalle sur les stratégies de recherche d'information d'élèves de seconde générale, et plus particulièrement leurs compétences de lecture et d'approche de l'hypertexte. Selon ses premiers résultats, si en 2012 les élèves sont plus habiles dans la recherche, ils sont en revanche moins rapides et l'exactitude des réponses est en baisse.

Synthèse du congrès, par Divina Frau Meigs

Grand témoin de ce 9ème congrès de la Fadben, Divina Frau Meigs, impressionnée par le dynamisme de l'association, a commencé son intervention par un slogan : "la Fadben j'adore" ou " la Fadben toujours et encore" ! Pensant assister à un congrès de crise, elle a au contraire eu le sentiment que les débats se situaient "en dehors de la crise" avec un saut qualitatif dans les observations, une profondeur de champs qui se dégageait de l'entrée par la technique pour privilégier l'humain. Divina Frau Meigs a fait le constat d'une mutation assumée et nécessaire, de l'ordre de l'énaction. Une mutation vers ce qu'elle appelle "l'ère cybériste". Terme issu du cybernétisme qui associe l'énergie, la matière et l'information. Elle s'est exprimée sur le développement d'une recherche-action, portée par l'équipe de recherche Limin-R qui œuvre pour l'élaboration de savoirs scolaires issus de la convergence des littératies médiatique, informatique et informationnelle (la translittératie), dans une prospective assumée de passage à l'ère cybériste. Il n'y a pas de rupture mais une série d'inversions qui se sont stabilisées autour du concept de culture de l'information. Elle relève quatre séries d'inversions :

  • désormais, l'activité en ligne précède l'activité hors ligne ; le modèle du client-serveur passe à celui du producteur-diffuseur (réseaux sociaux) ;
  • les médias perdent leur caractère de médias pour devenir des services payants (messagerie, etc.) puis des spectacles, l'objectif étant de détruire le service public ;
  • d'une culture livresque, on passe à une culture visuelle, la lecture se faisant à travers les écrans. La culture visuelle est basée sur le calcul et l'action au détriment de la réflexion et du texte, d'où l'apparition de nouvelles formes d'attention et d'engagement dans la culture.
  • apparition d'une intelligence socio-technique qui explique les nouveaux modes d'appropriation des jeunes. Le format socio-technique est un format d'écran, dès lors l'écran devient un objet cognitif ; le document, une unité d'analyse et d'échange ; la culture, un réseau cognitif distribué transfrontières ; le web, un objet transactionnel mais aussi un objet relationnel.

Il nous faut penser le "sujet cybériste". Le jeune vit dans un paysage très mélangé où il devient essentiel de préserver la vie privée. Son identité est multiple et s'exprime en terme de "présence" : présence sociale, présence cognitive (les savoirs), présence désignée (ne pas oublier qu'il y a quelqu'un qui fait le dessin !). Il a une vie en réseau (anonyme) qui est à différencier de la vie en communauté. C'est un sujet "braconnier" mais aussi un sujet travailleur de plus en plus isolé, ce qui sert les grands monopoles.

Divina Frau Meig retire de ce congrès qu'à l'ère cybériste il faut former autrement, intéresser, créer du lien, changer de posture pédagogique, l'heure n'est plus à la transmission des savoirs mais à leur co-construction, une inversion est à opérer entre programme et processus. L'école se doit d'être un "ralentisseur" au sens noble du terme. Elle doit donner du sens à des activités et des pratiques qui sont totalement désignées. Or, il y a des manques, des écarts entre les jeunes et les enseignants avec une sorte d'invisibilité en miroir, il manque un pont entre les deux... La culture de l'information est englobante, c'est un objet d'apprentissage en tant que tel à prendre en charge par le professeur documentaliste, par la mise en place de séquences pédagogiques, en travaillant sur les représentations de chacun (professeurs documentalistes et élèves), en préparant les esprits à l'imprévisible. C'est là l'objectif des travaux de l'équipe Limin-R.

Pour terminer, Divina Frau Meig a incité les enseignants documentalistes à prendre en main leur destin en affirmant leur rôle central en tant qu'acteur, médiateur et force centrale du cybérisme, mais aussi comme garants d'une école républicaine, publique et gratuite face aux puissances financières qui tentent de s'approprier Internet.

C'est sur cette vision du métier que le congrès s'est clôturé. En début d'intervention, Divina Frau Meig n'a pas hésité à saluer la qualité des interventions et la richesse des échanges.


Un grand merci au comité d'organisation pour le travail accompli et au comité scientifique pour le choix des intervenant(e)s.


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