De l’évaluation des acquis à l’élaboration des savoirs info-documentaires : Le cas des questionnaires-diagnostics dans une approche de type bottom-up

Pour construire les savoirs scolaires de l’Information-documentation, comme pour établir des plans de formation, il s'avère de plus en plus nécessaire de chercher à connaître auparavant comment les élèves se les représentent, ce qu’ils savent déjà ou croient savoir. Le postulat constructiviste est que des conceptions erronées peuvent constituer des obstacles aux apprentissages. Mais comment identifier ces obstacles ? Comment repérer les représentations des élèves ? Pourquoi ne pas partir des tests-diagnostics auxquels certains collègues soumettent les élèves en début d’année ? Il n’est qu’à suivre les exemples des académies de Nantes, de Rennes, de Dijon ou encore de Versailles… Mais ces outils sont-ils fiables ? Une étude succincte de ces tests, indépendamment des résultats qu’ils permettent d’obtenir, révèle que leur constitution témoigne avant tout des attentes et des représentations de leurs concepteurs en matière de définition des contenus à enseigner…


Deux niveaux de savoirs scolaires

La constitution d’un enseignement info-documentaire repose sur l’identification préalable des savoirs spécifiques au domaine concerné. C’est à cette tâche ardue mais nécessaire que se sont attelées différentes équipes d’enseignants et de chercheurs. Mais à trop vouloir focaliser sur les premiers résultats obtenus, le risque est grand de confondre des savoirs scolaires de différents ordres : les savoirs opératoires et les savoirs déclaratifs. Articulés les uns aux autres, ils relèvent toutefois de deux niveaux d’abstraction distincts.

Les savoirs du premier niveau se situent en tant qu’objectifs généraux : ce sont les savoirs opératoires (De Vecchi, 1990 ; J.-P. Astolfi, 1992 ). Ils sont attachés à la maîtrise de familles de problèmes qu’ils sont censés pouvoir résoudre et expliciter. Les problèmes qui nous préoccupent seront en l’occurrence de nature informationnelle. Plastiques, pratiques, ils sont des savoirs applicables à la réalité, des « savoirs qui servent ». Il s’agira par exemple de savoir composer la meilleure requête possible à partir de ce que l’on sait du ou des types d’indexation utilisés par l’outil, ou bien de discriminer entre des ressources à partir de plusieurs types de critères ou encore, à un niveau plus élevé, de savoir constituer une revue de la littérature contradictoire sur un thème défini.

Le second niveau est celui des connaissances déclaratives [Develay, 1992]. Ils sont construits par les élèves, mais cette connaissance théorique, coupée du réel doit être contextualisée pour être efficace. Ce sont tous ces concepts qui se révèlent indispensables à la constitution du premier ordre du savoir. Il est possible de les définir par le biais de leurs caractéristiques et des exemples qui les illustrent. Des listes de ces concepts sont d’ores et déjà disponibles. Il s’agit par exemple des concepts de mot-clé, d’indexation ou d’auteur.

Trois approches didactiques pour produire les savoirs scolaires

Dans nos premières recherches, nous avons focalisé sur les éléments de ce second niveau déclaratif et avons ainsi contribué à identifier, lister, hiérarchiser et définir ces concepts de base du domaine info-documentaire. Pour ce faire, nous avons suivi deux pistes différentes, bien que pas toujours faciles à démêler. Pour dégager des tendances, disons que la première, exploitée dans les travaux de l’académie de Nantes (Duplessis et al., 2006, Duplessis et Ballarini-Santonocito, 2007), est plutôt partie de l’expertise des professeurs documentalistes et qu’elle a par conséquent tenté un traitement didactique de savoirs experts. La seconde s’est quant à elle plutôt appuyée sur les concepts tirés des Sciences de l’information et de la communication, comme dans le groupe de travail FADBEN (2007) pour proposer un traitement didactique des savoirs savants.

Ces premières propositions ont quelquefois été reçues par la profession comme argent comptant, alors qu’il ne s’agissait là que de premiers essais pour tester en quelque sorte la solidité de la « matière » conceptuelle de l’Information-documentation. A la suite du Congrès FADBEN de 2005 était apparue l’urgence de cette démonstration à une époque, rappelons-le, où l’institution rechignait à considérer que les professeurs documentalistes avaient autre chose à transmettre que des compétences procédurales. Ceci étant fait, il ne faudrait pas croire que ces contenus conceptuels sont posés une fois pour toutes ! Une telle erreur d’appréciation mène une partie de notre corps professionnel à réduire l’enseignement info-documentaire à des cours d’Information-documentation basés sur le modèle transmissif ancien de la communication verbale descendante. Ce jugement est préjudiciable à l’avancée de l’idée d’une discipline info-documentaire. Il faut au contraire poursuivre la recherche et explorer d’autres possibles si l’on ne veut pas en rester au niveau déclaratif mais accéder au niveau opératoire des savoirs scolaires.

Quelles pistes reste-t-il alors à explorer ? Si l’on se réfère au triangle représentant toute situation didactique (fig. 1) et visualisons ses trois pôles Savoir, Professeur, Élève, il est facile de comprendre que les deux pistes évoquées précédemment, « savoirs savants » et « savoirs experts » réfèrent respectivement aux deux premiers pôles « Savoir » et « Professeur ».

Triangle dida1

Il apparaît alors aussitôt un laissé-pour-compte qui est le pôle « Élève ». Si les deux premières pistes peuvent être qualifiées d’approche descendante, dite top-down (« transposition didactique restreinte ») ou horizontale (par les pratiques sociales de référence ou « transposition didactique générale »), la troisième constitue quant à elle une approche ascendante, dite bottom-up (« contre-transposition didactique »). La question reste de savoir comment révéler, construire des savoirs scolaires à partir de ce troisième pôle. Par opposition aux approches par les savoirs savants et par les savoirs experts, appelons celle-ci approche par les « savoirs expérienciels »1 (fig. 2).

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Trois méthodes bottom-up pour construire les savoirs scolaires de l’Information-documentation

Les pistes à suivre sont multiples et non exclusives les unes des autres. Je n’en esquisserai ici que trois. La première consiste à étudier les usages que font les élèves de l’information et la manière qu’ont ceux-ci de la traiter. Pour ne convoquer qu’un exemple tiré de l’actualité de la recherche, on peut lire à ce propos la contribution d’André Tricot [2008] au dernier congrès de la FADBEN. Il choisit d’aller « Des pratiques informationnelles aux savoirs documentaires chez les élèves du secondaire ».  L’auteur se réfère à la thèse de Nicole Boubée qu’il a co-dirigée et donne quelques exemples très éclairants : des élèves utilisent de préférence Google Images pour trouver des pages web pertinentes, d’autres se servent du copié-collé comme procédure de filtrage différé de l’information. Le postulat défendu ici est de « commencer par se demander ce que les élèves savent faire pour envisager ensuite ce qu’il faudrait leur enseigner ». Dans cette optique, l’enseignement à construire viendrait habiter en creux les usages des élèves.

La seconde possibilité est actuellement explorée par une équipe de professeurs de l’académie de Nantes que je coordonne, et qui s’inscrit dans le prolongement des travaux des années précédentes (voir supra ). Cette équipe part de l’idée héritée du constructivisme selon laquelle les élèves appréhendent les savoirs scolaires à partir de connaissances antérieures et de représentations individuelles qui peuvent être à l’origine de blocages épistémologiques. Il reste alors à reconnaître ces conceptions2 dans le but de mettre en place des dispositifs pédagogiques permettant aux élèves de dépasser ces obstacles en construisant, en déplaçant ou en rectifiant celles-ci. Pour notre part, nous n’avons pas choisi de partir des usages observés mais des verbalisations écrites des élèves et produites à propos des concepts qu’ils seraient en mesure de construire. Ces énoncés langagiers, composés soit en amont soit en aval de la séquence, renvoient en fait à des niveaux d’abstraction, ou niveaux de formulation [Giordan et De Vecchi, 1994] atteints par les élèves à un moment donné. La compilation de tels énoncés (en cours actuellement) et leur organisation en corpus destinés à être analysés devraient aboutir à l’élucidation des difficultés rencontrées par les élèves. Nous espérons que ces résultats pourront contribuer à fournir des éléments intéressant la construction des savoirs scolaires de l’Information-documentation.

Une troisième piste consiste à partir cette fois-ci de tests-diagnostics réalisés à grande échelle sur des niveaux de classe emblématiques (6°, 2nde) ou non. L’exemple type que je présente ici vient de l’académie de Nice et a été mis en ligne en février 2006.

La méthode par le test-diagnostic : le cas de l’académie de Nice (2006)

Ce questionnaire d’évaluation à l’entrée en 2nde [Académie de Nice, 2006] a été soumis à différents lycées du bassin Nice-Cagnes. Ses 17 items sont regroupés en cinq thèmes :

  1. Repérage dans un CDI 
  2. Utilisation des usuels
  3. Utilisation du logiciel documentaire
  4. Connaissance d’Internet en tant que ressource documentaire
  5. Les sources documentaires

L’intérêt de ce test tient principalement à ce qu’il centre son investigation sur les connaissances conceptuelles des savoirs info-documentaires plutôt que sur des savoir faire ou des usages. Cela est confirmé par les commentaires rédigés de trois collègues qui ont testé ce questionnaire sur les 19 classes de seconde du lycée Renoir. Bien que restreints à quelques lignes, ces commentaires livrent de précieux renseignements qui suffisent à laisser imaginer tout le profit qui pourrait être tiré d’une analyse plus fine et plus exhaustive de cette matière. En première analyse donc, il ressort néanmoins, et de manière non équivoque, que les difficultés que rencontrent les élèves sont de nature spécifiquement conceptuelle. Ainsi sont relevées :

  • des confusions entre supports et types de documents ;
  • des confusions entre la cote et le dos du livre ;
  • des confusions entre les notions de « périodicité »  et de « périodique » ;
  • des confusions entre document primaire et document secondaire ;
  • des confusions entre banque de données et bases de données ;
  • des difficultés à propos de la notion de mot-clé ;
  • des difficultés à distinguer adresse de la page et adresse du site.

Les auteurs soulignent par ailleurs l’homogénéité des résultats d’une classe à l’autre, ce qui peut conforter l’intérêt de cette méthode.

Nécessité de procéder à l’analyse des questionnaires-diagnostics

Autant il est utile d’analyser les résultats engrangés, autant il est nécessaire de regarder de plus près les tests qui en sont à l’origine, tant il est vrai que les résultats ne peuvent être saisis indépendamment des outils qui les ont générés. En effet, qui pourrait croire à la fiabilité d’une analyse des résultats qui ne prendrait pas en compte les conditions particulières de leur production ? Il faut alors commencer par se demander ce qui est recherché par l’intermédiaire de ces questionnaires. Mais en l’absence de programme de référence pour cadrer le domaine de contenus à explorer, comment prétendre à une expertise rationnelle des acquis des élèves ? Comment viser l’exhaustivité ? Comment assurer une quelconque homogénéité des objets considérés et des regards à porter sur eux ?

A défaut de savoir quoi repérer, quoi étudier, le risque est grand d’un éparpillement des perspectives d’un questionnaire à l’autre. La recherche, isolée, sporadique, se fait alors partielle, et même partiale. Les contenus visés dépendent davantage de préoccupations micro-régionales que nationales, ce qui se comprend aisément dans un contexte de désintéressement national en matière d’enseignement info-documentaire.

Et quand bien même ces contenus seraient unifiés en programme et progressions adaptées aux différents niveaux curriculaires, il faudrait encore rechercher une cohérence s’agissant des différents types de connaissances : examinera-t-on plutôt les compétences procédurales (ex. : savoir conduire une recherche), les concepts (ex. : document primaire, tag, caution scientifique) ou encore les savoirs opératoires tels qu’ils ont été présentés plus haut ?

Enfin se pose la légitime question de la méthode d’interrogation employée : quelles modalités de questionnement utiliser pour cerner au mieux ces acquis et quelles conditions organisationnelles choisir ?

A comparer quelques produits entre eux, il apparaît très rapidement une telle diversité que la lecture des résultats appelle à une nécessaire prise de distance. Si l’on voulait rapprocher les résultats des différents tests entre eux, il faudrait alors rapprocher les tests eux-mêmes… et c’est là que les difficultés les plus évidentes ne manquent pas de surgir. Ces comparaisons ont au moins le mérite de faire apparaître des sensibilités différentes, et, à travers elles, des attentes particulières quant aux contenus estimés devoir être acquis par les élèves à un certain niveau de leur scolarité. Attendre plutôt la maîtrise de compétences procédurales ou plutôt la compréhension de phénomènes informationnels renvoie-t-il à la même vision de l’enseignement de l’Information-documentation, au même profil professionnel ? En bref, l’outil spéculaire que l’on construit ne renverrait-il pas, tout d’abord, l’image de nos propres représentations en ce domaine ?

Méthodologie d’analyse des questionnaires-diagnostics

Afin de rationaliser quelque peu les intentions de ces outils diagnostiques, je propose de leur appliquer une grille d’analyse dont l’objet est d’identifier leur positionnement à partir de deux dimensions, l’une concernant les contenus d’enseignement recherchés par l’évaluation, l’autre les modalités techniques retenues pour celle-ci (voir en annexe). Cinq diagnostics conçus par des équipes de professeurs documentalistes agissant dans un cadre académique ont été retenus, dont quatre s’intéressant aux élèves entrant en classe de 2nde et un visant les classes de fin de 3ème.

Présentation de l’axe des objets de l’évaluation

Le premier axe détaille ainsi les différents domaines de la connaissance attendue, distinguant les domaines cognitif, métacognitif et comportemental. Le premier domaine, quelque peu aménagé pour faire apparaître nos préoccupations, s’appuie sur les six niveaux de la taxonomie cognitive de Bloom [Roduit, 2006] qui hiérarchisent ainsi les processus intellectuels :

1- Connaissance : attente d’une restitution à l’identique. Il s’agit là de connaissances de type assertorique, proposées comme des vérités de fait. Pour exemples tirés des tests :

  • Quels sont les différents supports de documents que vous pouvez trouver au CDI ? (Académie de Nice, 2nde, 2006)
  • Qu’est-ce qu’une bibliographie ? (Académie de Versailles, 2006)

2- Compréhension : attente d’une restitution du sens. Il n’est pas demandé ici de se rappeler ainsi qu’au niveau précédent, mais bien de montrer que l’on a compris. Nous retrouverons là les différentes approches définitionnelles du concept que nous utilisons en didactique de l’information, à savoir la détermination des caractéristiques (« Qu’est-ce que… ? »), la production d’exemples (« Donnez deux exemples de… ») et l’explicitation des fonctions (« A quoi sert… ? ») [Duplessis (b), 2008]. Pour exemples tirés des tests :

  • Donne trois critères pour valider la fiabilité d’un site Internet (Académie de Nice, 3ème, 2006) ;
  • Nommez au moins deux moteurs de recherche (Académie de Versailles, 2006) ;
  • A quoi servent les opérateurs booléens ET/OU ? (Académie de Dijon, 2004)

3- Application (attente de l’application de règles). Pour exemple tiré des tests :

Quelle est la cote du Horla de Maupassant ?  (Académie de Versailles, 2006)

4- Analyse : attente d’une réflexion à partir de l’observation des composantes d’un objet ou de la comparaison entre plusieurs objets. Nous distinguerons par conséquent les réponses produites par l’observation de celles qui exigent de pouvoir différencier deux concepts. Pour exemples tirés des tests :

  • Comment sont classés les livres documentaires ? (Académie de Dijon, 2004)
  • Quelle est la différence entre le Web et Internet ?  (Académie de Nice, 2nde, 2006)

5- Synthèse : attente d’une mise en relation d’informations et de production d’un raisonnement personnel pour proposer des solutions à un problème posé. Pour exemple tiré des tests :

  • Indique un « mot clé » qui pourrait te permettre de lancer ta recherche pour savoir comment vivaient les seigneurs au Moyen Age (Académie de Rennes, 2004).

6- Évaluation : attente d’une production d’arguments pour décider de la meilleure réponse à apporter à un problème posé. N’ayant relevé aucun item permettant de révéler cette capacité dans les questionnaires étudiés, nous proposons l’exemple suivant :

  • A la suite d’une requête sur le nombre des victimes de la Shoah en Pologne pendant la seconde guerre mondiale, tu obtiens les 3 premiers résultats suivants. Lequel décides-tu de retenir. Explique ce choix.

S’agissant du domaine méta-cognitif, il est proposé de distinguer entre la connaissance de soi et la gestion de l’activité. La première opération concerne la prise de conscience par le sujet de ses propres possibilités tant cognitives que procédurales. Pour exemples tirés des tests :

  • Je sais utiliser Internet :
    • pas du tout
    • un peu
    • beaucoup (Académie de Rennes, 2004) ;
  • Savez-vous ce qu’est une cote ? (Académie de Versailles, 2006)

La seconde opération concerne la gestion de la tâche et le repérage de savoirs liés à la planification, à la régulation et à l’évaluation de l’activité. Nous n’avons trouvé qu’en seul item correspondant dans les questionnaires du corpus.

  • Je sais définir les étapes de la recherche documentaire. Range dans l’ordre croissant (de 1 à 5) :
    • restituer une information […]
    • questionner son sujet : définir des mots-clés
    • etc. (Académie de Rennes, 2004) 

Pour le domaine des comportements, enfin, nous proposons les items « Attitudes » et « Usages ». Le premier permettrait de tenir compte des questionnaires qui cherchent à identifier chez les élèves ce qui relève de la pensée critique ou du respect de la propriété intellectuelle en termes de postures morale ou éthique. Le second, concernant les usages, pointe les questions interrogeant les élèves sur leurs habitudes et leurs pratiques, par exemple :

  • Je fréquentais le CDI les années passées […] (Académie de Rennes, 2004) ;
  • Je connais Internet parce que je l’ai déjà utilisé :
    • chez moi
    • au collège (Académie de Nice, 2nde, 2006)

Présentation de l’axe des modalités de l’évaluation

S’agissant des modalités de l’évaluation, sur l’axe de la restitution des réponses des élèves, j’ai regroupé les techniques les plus souvent utilisées sous les deux catégories générales des questions à réponse ouverte et courte (QROC) d’une part, et des questions à choix multiples (QCM) [Bravard, 2005] d’autre part.

Dans la première catégorie (QROC), ont été distinguées :

  • les questions exigeant une réponse rédigée, et qui permettent ainsi de rendre compte des « niveaux de formulation » :
  • les questions n’exigeant pas une réponse rédigée, appelant à citer, à lister, à énumérer ;
  • les énoncés à trous, ou tests de closure.

Dans la seconde catégorie (QCM), ont été distinguées :

  • les questions appelant à sélectionner parmi plusieurs réponses possibles celle(s) qui semble(nt) la (les) meilleure(s). Il s’agit alors pour l’élève de cocher, d’entourer, ou de souligner ;
  • les questions qui proposent de choisir entre Vrai et Faux ;
  • les questions qui demandent de relier diverses propositions entre elles, ou test d’appariement ;
  • les questions qui sollicitent la mise en ordre de propositions rangées de manière aléatoire, ou test de réarrangement.

Résultats de l’étude

Cette proposition de grille analytique permet ainsi de regrouper sur un même tableau les deux types de données que sont le fond (l’axe des objets de l’évaluation) et la forme (l’axe des modalités de l’évaluation). Appliquée à des tests de la même famille, elle fournit des critères permettant de les typer et de les classer selon les caractéristiques qu’elles privilégient. Par voie de conséquence, la grille favorise une distanciation d’avec sa pratique et offre la possibilité de contextualiser les résultats en fonction des demandes exprimées dans les questionnaires. Elle peut enfin être utilisée pour aider à l’élaboration de nouveaux questionnaires.

Cinq questionnaires ont donc été analysés à partir de la grille présentée ci-dessus3. Si le corpus n’est pas assez grand pour être réellement significatif, il n’en demeure pas moins intéressant pour nous permettre de dessiner quelques pistes qui corroborent cette idée qu’une trop grande diversité des outils ne favorise pas le rapprochement des résultats entre eux.

Sur le plan des contenus recherchés

Sur l’axe des objets de l’évaluation, il faut d’abord observer une constante partagée par tous les questionnaires : un seul des dix niveaux taxonomiques se détache notablement de l’ensemble, ce qui a pour effet de marquer chaque questionnaire avec précision. Ainsi les questionnaires des académies de Nice pour les 2nde et les 3ème , et de Dijon concentrent-ils respectivement 50%, 36% et 36% de leurs items sur le seul niveau « compréhension ». Le test de l’académie de Rennes s’intéresse quant à lui principalement aux « usages » de ses élèves (31%), et celui de Versailles à leurs « connaissances » (de type assertorique), pour 70% des items proposés. On constate ainsi qu’un seul questionnaire cherche à prendre la mesure des comportements (académie de Rennes) tandis que les autres s’intéressent plutôt au domaine cognitif.

Cela ne signifie pas pour autant qu’à l’intérieur de ce domaine, tous les niveaux taxonomiques font l’objet d’une égale attention. Bien au contraire, on peut remarquer que ce sont les capacités de bas niveau taxonomique (connaissance, compréhension, application) qui l’emportent de loin (80%) sur les capacités de haut niveau (analyse, synthèse, évaluation), lesquelles sont faiblement représentées (20%). Est-ce à dire que nos collègues se montrent peu exigeants dans leurs attentes, ou bien qu’ils intègrent le fait que l’état actuel de l’enseignement de l’Information-documentation en France ne permet pas de nourrir davantage d’ambition ?

S’agissant du domaine méta-cognitif, notons que seul l’item « connaissance de soi » polarise les 9% enregistrés. Si le domaine des comportements, enfin, totalise 14% des attentes, elles sont toutes réservées à la question des « usages » documentaires des élèves.

Au total, retenons que 78% des items exprimés visent des « connaissances » appartenant au domaine cognitif, dont près d’un tiers sont des connaissances figées. Cependant, l’allure globale que revêt cette statistique ne doit pas empêcher de considérer l’existence de fortes disparités et par conséquent une tendance à la spécialisation des questionnaires qui ne privilégient pas les mêmes niveaux taxonomiques à l’intérieur du même domaine.

Le cas de la liaison collège/lycée

Ce type d’analyse peut se montrer éclairant dans le cas d’une liaison collège-lycée. Si l’on prend l’exemple de l’académie de Nice qui consacre deux tests-diagnostics, l’un à la fin de 3ème, l’autre au début de 2nde, il apparaît indispensable de chercher à mettre en évidence une éventuelle compatibilité entre les deux projets. Les deux équipes susceptibles de suivre la scolarité de ces cohortes partagent-elles les mêmes attentes ? La confrontation des deux questionnaires montre ainsi des distributions différentes dans les sous-items du niveau « compréhension ». Ainsi le test 2nde s’intéresse davantage à la dimension fonctionnelle des concepts que le test 3ème, lequel va plutôt privilégier le niveau inférieur des « connaissances ». De même, on recherchera chez les 3ème en fin d’année des capacités de « synthèse », mais plus aucune en 2nde… Il ressort de cette simple analyse une certaine discontinuité des attentes des équipes pédagogiques à la charnière collège/lycée. L’élaboration commune des tests, au moins à l’intérieur des bassins, favoriserait sans doute la continuité des apprentissages au bénéfice des élèves.

Sur le plan des modalités de l’évaluation

Sur l’axe des modalités de l’évaluation, les différences sont également assez nettes. Quatre des cinq tests observés préfèrent largement l’emploi de questions à réponse ouverte et courte (QROC) et, parmi les types possibles, les réponses rédigées (trois des cinq tests). Notons toutefois qu’aucune consigne, du moins écrite, accompagnant les tests, n’est donnée quant à la rédaction des réponses : la question est simplement ouverte et aucun signe typographique n’indique dans ce cas une quelconque énumération. Un seul test utilise majoritairement les possibilités offertes par le QCM (académie de Rennes). Sa mise en ligne était d’ailleurs accompagnée de fichiers vierges permettant le dépouillement automatique des résultats. La préférence entre le QROC et le QCM peut ainsi s’expliquer par les techniques de dépouillement choisies, sachant que si les QCM peuvent être traités par les logiciels, les QROC doivent l’être par les professeurs ! Cependant, la préférence va à la première catégorie, plaidant en faveur du courage des auteurs, ou de leur inexpérience !4

Pour autant, certains choix ne sont pas dépourvus d’implications pédagogiques. Ainsi la verbalisation exigée par les professeurs lorsqu’ils orientent vers des réponses rédigées offre des moments de structuration aux élèves et situe par conséquent le temps du renseignement du test dans le temps de l’apprentissage. Le groupe de travail de Nantes, qui étudie les représentations des élèves au travers de leurs énoncés langagiers fournirait là des arguments en faveur de cette modalité. En outre, il émettrait certainement le regret que les réponses des élèves ne soient pas numérisées en l’état et mises en ligne afin de pouvoir les analyser.

Perspectives de travail

Si ces cinq questionnaires ouvrent des perspectives intéressantes en matière d’attentes des professeurs, s’inscrivant dans une approche par les savoirs experts, ils n’offrent par contre aucun matériau pour connaître les représentations et les lacunes des élèves. Dans les cas recensés, aucun bilan complet n’est mis en ligne accompagnant le questionnaire. C’est l’outil seulement qui est mutualisé, comme si les résultats qu’il générait ne pouvaient intéresser que ceux qui l’utilisent. Ce faisant, la profession fait montre d’un isolationnisme en matière de formation info-documentaire, ne prenant pas suffisamment la mesure de l’urgence qu’il y aurait à penser cet enseignement de manière globale et rationnelle. Les rares exceptions à ce principe, qu’elles aient lieu dans le secondaire [Aubert, 2005], dans l’enseignement supérieur [Poissenot, 2004] ou à l’articulation des deux [Candalot dit Casaurang, 2005] suffisent pourtant à montrer tout ce qui peut être tiré de ces enquêtes, même si une synthèse globale manque toujours.

Il faudrait par conséquent que nous prenions l’habitude de publier non seulement nos questionnaires, et tous nos outils didactiques en général, mais également les résultats qu’ils ont permis d’obtenir. Qu’à cela ne tienne ! Je salue le travail de nos collègues et encourage la profession à suivre ces traces et à en faire progressivement des sentiers puis des routes où avancer plus rapidement vers des horizons pédagogiques. Là encore, il importe de resserrer les liens entre le « terrain » et la « recherche », aménageant des espaces de mutualisation et de dialogue, ainsi que tente de le proposer le site des Trois couronnes.

Pour l’heure, le travail à partir des questionnaires-diagnostics gagnerait à être approfondi en tenant compte des préconisations suivantes :

  1. encourager la pratique de l’évaluation diagnostique au niveau de l’établissement, du bassin ou de l’académie ;
  2. fédérer les initiatives afin de réfléchir en commun à l’élaboration des questionnaires, en visant, non seulement la cohérence des programmes, mais une appréhension plus juste et plus exhaustive des connaissances de notre domaine info-documentaire ;
  3. s’accorder sur des questionnaires adaptés aux différents cycles du secondaire ;
  4. proposer en un premier temps des questionnaires à l’échelon de l’académie, étape intermédiaire indispensable pour penser à une synthèse nationale ;
  5. consigner, numériser et mettre en ligne les données produites par les réponses des élèves. Cette opération nécessite un protocole partagé par la profession pour chacun des échelons concernés ;
  6. dresser un bilan par équipes de bassin et viser une synthèse académique ;
  7. redéfinir des projets de formation cohérents et partagés en fonction de ces synthèses

Les enjeux pour la recherche didactique

L’intérêt, rappelons-le, consiste à pouvoir disposer, à terme, d’un corpus permettant aux chercheurs de mieux percevoir les difficultés rencontrées par les élèves, de déceler leurs représentations et de catégoriser les différents types d’obstacles aux apprentissages info-documentaires. A partir de cela, deux perspectives peuvent être esquissées :

  1. repenser les savoirs scolaires de l’Information-documentation à partir de ces obstacles et admettre qu’ils puissent différer des savoirs savants et des savoirs experts ;
  2. élaborer des situations-problèmes permettant aux élèves de construire les concepts et les savoirs alors saisis comme moyens de franchir les obstacles précédemment identifiés.

Documentographie

Le corpus des cinq tests-diagnostics

  • Académie de Dijon :

    • Jaillet Nicole. Evaluation diagnostique [en ligne]. In Diagnostic. Formation des élèves Fiches diagnostiques. Site de l’IUFM de Bourgogne [réf. du 14-04-2008]. Adresse URL : http://www.dijon.iufm.fr/spip.php?article88
  • Académie de Nice :

    • Académie de Nice. Bassin de Draguignan. Questionnaire d’évaluation à l’entrée en 2° [en ligne]. Site Docazur de l’académie de Nice, 2006 [réf. du 22-02-2008]. Adresse URL : http://www.ac-nice.fr/docazur/article.php3?id_article=392
  • Académie de Nice :

    • Académie de Nice. Bassin de Draguignan. Bilan des compétences documentaires des élèves en fin de 3° [en ligne]. Site Docazur de l’académie de Nice, 2006 [réf. du 14-04-2008].
      Adresse URL : http://www.ac-nice.fr/docazur/IMG/fin_3o.pdf
  • Académie de Rennes :

    • Robin Roselyne. Compétences documentaires : l’évaluation diagnostique [en ligne]. Site Citédoc, 2004 [réf. du 23-02-2006]. Adresse URL : http://www.citedoc.net/pedagogie/article.php3?id_article=11
  • Académie de Versailles :

    • Franquet Anita, Bouchez Anne. Test-diagnostic des savoirs info-documentaires : entrée 2nde [en ligne]. Site des Trois couronnes, 2008 [réf. du 14-04-2008]. Adresse URL : http://esmeree.fr/lestroiscouronnes/idoc/chantiers/test-diagnostic-des-savoirs-info-documentaires

Autres documents

  • Astolfi Jean-Pierre [1992]. L’Ecole pour apprendre. 6° éd., E.S.F., 2002, 205 p.

  • Aubert Marie-Noëlle. Les compétences documentaires des élèves de Terminale : l’exemple du Haut-Rhin. InterCDI n°194, mars-avril 2005. p. 12-17

  • Bravard Stéphane. Usages pédagogiques des QCM : Un guide pour la mise en place d’un questionnaire à choix multiple [en ligne]. Mémoire de Master Ingénierie des médias pour l’éducation. Université de Poitiers, UFR Lettres et Langues. Année 2004 – 2005 [réf. du 14-04-2008]. Adresse URL : http://www.paristech.org/pratiques_tice/IMG/pdf/memoire_mime_sb.pdf

  • Candalot dit Casaurang Christel, « Les TPE : leurs apports dans la recherche documentaire des étudiants à l’université », InterCDI n°193, jan.-fév. 2005, p. 16-22

  • De Vecchi Gérard, « La construction du savoir scientifique passe par une suite de ruptures et de remodelages », Recherche et formation n°7, 1990. p. 35-46

  • Develay Michel. De l’apprentissage à l’enseignement : pour une épistémologie scolaire. ESF, 1992

  • Duplessis Pascal (dir.) et al. Inventaire des concepts info-documentaires mobilisés dans les activités de recherche d’informations en ligne [en ligne]. Académie de Nantes, Site de la cellule CDI du Rectorat de Nantes, janvier 2006. Adresse URL : http://www.ac-nantes.fr:8080/peda/disc/cdi/reseau/crjrl05/jrl49-4.pdf

  • Duplessis Pascal et Ballarini-Santonocito, Ivana (Dir.), Cartographie conceptuelle et didactique de l’information : dix cartes de concepts info-documentaires et étude préliminaire [en ligne]. Académie de Nantes, Site de la cellule CDI du Rectorat de Nantes, 2007 [réf. du 14-04-2008]. Adresse URL : http://www.pedagogie.ac-nantes.fr/1177924054937/0/fiche___ressourcepedagogique/&RH=DOC

  • Duplessis Pascal (a). L’objet d’étude des didactiques et leurs trois heuristiques :épistémologique, psychologique et praxéologique [en ligne]. Séminaire du GRCDI, Didactique et culture informationnelles : de quoi parlons-nous ? 14 septembre 2007. Site de l'URFIST de Rennes, 2008 [réf. du 14-04-2008]. Adresse URL : http://www.uhb.fr/urfist/seminaireGRCDI_2007

  • Duplessis Pascal (b). La fiche-concept : un outil didactique pour l’enseignement et l’apprentissage des concepts info-documentaires [en ligne]. Site des Trois couronnes, 2008 [réf. du 14-04-2008]. Adresse URL : http://esmeree.fr/lestroiscouronnes/idoc/outils/la-fiche-concept

  • FADBEN, « Les savoirs scolaires en information documentation : 7 notions organisatrices », Médiadoc, mars 2007

  • Giordan André, De Vecchi Gérard [1987]. Les origines du savoir : Des conceptions des apprenants aux concepts scientifiques. Delachaux et Niestlé, 1994

  • Langlade Gérard. Essai de délimitation du champ propre d’une didactique de discipline : l’exemple des textes littéraires. Langlade Grérad (coord.). Didactiques Recherches et pratiques. Les cahiers du CeRF n°5, 1er sem. 1997. p. 1-25

  • Poissenot Claude. La fin des « héritiers » : lecture et compétence documentaire des étudiants d’aujourd’hui [en ligne]. Mars 2004 [réf. du 15-04-2008]. Adresse URL : http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00000927.html

  • Roduit Guillaume. La taxonomie cognitive ou Comment mesurer la difficulté des tâches et des évaluations proposées aux élèves [en ligne]. Site Tacite, 2006 [réf. du 14-04-2008]. Adresse URL : http://www.tacite.ch/doc/Droit%20(site)/Didactique/Taxonomie.pdf

  • Tricot André [2008]. Des pratiques informationnelles aux savoirs documentaires chez les élèves du secondaire : l'exemple de la recherche d'information [en ligne]. Site de la FADBEN, 2008 [réf. du 14-04-2008]. Adresse URL : http://www.fadben.asso.fr/spip.php?article29


Notes


  1. C’est ainsi que H. Romian désigne les savoirs empiriques, vecteurs des conceptions des élèves [Langlade, 1997]. 

  2. Le terme de « conception », l’un des plus anciens concepts de la didactique, a été préféré à celui de « représentation » pour en limiter le domaine d’application au seul champ cognitif. Du point de vue de la didactique, les conceptions des élèves ne doivent pas être détruites mais progressivement modifiées si l’on ne veut pas qu’elles perdurent parallèlement aux savoirs scolaires [Duplessis (a), 2008] 

  3. Voir les grilles d’analyse des cinq outils-diagnostics du corpus

  4. Le commentaire des trois auteurs du bilan du questionnaire de Nice (2nde) est sur ce point assez révélateur : « Très gros travail de correction sur un aussi grand nombre de classes on va hésiter à le refaire l’an prochain !…. » ( sic


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