Référence documentographique

Duplessis Pascal. Élaboration d'un curriculum info-documentaire pour une éducation à la culture informationnelle : les 12 propositions du GRCDI. Introduction. Les Trois couronnes, 2010.

http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/didactique-information/elaboration-d-un-curriculum-info-documentaire-pour-une-education-a-la-culture-informationnelle

Élaboration d'un curriculum info-documentaire pour une éducation à la culture informationnelle : texte d'introduction

Texte d'introduction à "Élaboration d'un curriculum info-documentaire pour une éducation à la culture informationnelle  : les 12 propositions du GRCDI"

Sommaire :

  1. Douze propositions servant de cadre à la réflexion sur l’élaboration du curriculum
  2. La nécessité d’un curriculum pour l’information-documentation
  3. Un plan structuré d’actions éducatives intégrant les expériences de l’enseignement et de l’apprentissage
  4. Les deux axes du curriculum : l’entrée par les situations et l’approche participative

1. Douze propositions servant de cadre à la réflexion sur l’élaboration du curriculum

Le projet de constitution d’un curriculum de l’information-documentation couvrant le cursus de l’élève de la maternelle à l’université est né des Assises nationales « Éducation à l'information et à la documentation » qui se sont tenues en 2003. Depuis, un vaste chantier s’est ouvert autour de cette question, notamment autour de l’ERTé « Culture informationnelle et curriculum documentaire » qui a proposé un état des lieux des formations documentaires ainsi que des perspectives épistémologiques et didactiques. Souhaitant amorcer une réflexion axée de manière plus restreinte sur les seules conditions d’élaboration du curriculum, le GRCDI formule douze propositions qui, si elles n’ont pas pour intention de construire directement un curriculum, ont néanmoins pour ambition de préparer les acteurs à son élaboration en installant un balisage et en éclairant les différentes facettes structurant le projet curriculaire. Il s’agira ainsi de fournir les orientations particulières, du moins les pistes à explorer, de la matrice disciplinaire qui se dessine pour l’information-documentation, relativement à ses intentions, à ses contenus et à son organisation.

Ces propositions sont émises par un collectif réunissant des chercheurs et des professionnels et sont destinées à tous les types d’acteurs susceptibles de participer à l’élaboration curriculaire, à savoir les prescripteurs institutionnels, les chercheurs en S.I.C. et en Sciences de l’éducation, les didacticiens, les enseignants et les formateurs des trois nivaux concernés, à savoir le primaire, le secondaire et le supérieur.

2. La nécessité d’un curriculum pour l’information-documentation

Pourquoi est-il urgent, aujourd’hui, d’écrire le curriculum de l’information-documentation ? L’idée de constituer un tel document provient du constat réitéré par les enseignants, les formateurs et certains chercheurs des énormes lacunes des formations documentaires tant sur le plan des contenus que sur celui de leur simple existence. L’absence de cadrage institutionnel portant sur les contenus et l’organisation des apprentissages est sans doute la première cause structurelle de cette carence. S’ajoute à cela l’insuffisance de l’expertise scientifique et pédagogique des responsables de ces formations s’agissant des savoirs à transmettre et des nouveaux objets d’étude relatifs à la société et à la culture de l’information. On peut alors déplorer la distance qui existe encore avec les savoirs de référence, qu’ils soient scientifiques, professionnels ou domestiques. Il est enfin remarqué combien ces formations souffrent d’un manque de visibilité et de légitimité.

Professionnels et chercheurs voient dans la constitution d’un curriculum une réponse structurelle à ces questions pour la simple raison que la fonction première d’un curriculum est de permettre à l’école de s’adapter et d’anticiper les évolutions de la société. Or la mutation sans précédent que traverse aujourd’hui la société en matière d’information et de communication numériques conduit très sensiblement à creuser le fossé entre la société et l’école, en même temps qu’elle tend à modifier les représentations, les pratiques et la responsabilité des usagers de l’information, les faisant entrer ex abrupto dans une nouvelle culture de l’information. Les réponses du système éducatif à cet impératif de formation systématique, consistant tantôt en une intégration désordonnée dans les programmes disciplinaires institués, tantôt à entretenir une confusion avec la culture numérique (B2i), ne suffisent pas à doter les élèves des compétences dont ils ont besoin pour comprendre le monde et en être acteur. Laisser la situation en l’état, nous l’avons déjà noté, est bien loin d’être satisfaisant. Outre le fait qu’elle ne permet pas de préparer, de manière raisonnée, tous les élèves à cette acculturation vitale, ses contenus se sont toujours limités à des formations méthodologiques qui n’avaient de sens que dans un monde où régnait encore l’ordre documentaire.

Ce sont bien ces écueils qu’il faut éviter et cet enjeu d’intégration à la culture de l’information que les acteurs du curriculum doivent mesurer et assumer. Le projet curriculaire peut ainsi apporter une vision globale et exhaustive des conditions nécessaires aux formations documentaires, et ce au travers des axes suivants :

  • la rationalisation et la systématisation des enseignements
  • la planification séquentielle des apprentissages
  • la formalisation des objets de savoirs scolaires
  • la légitimation des formations

3. Un plan structuré d’actions éducatives intégrant les expériences de l’enseignement et de l’apprentissage

. Le curriculum est un plan d’actions éducatives structuré et formellement prescrit qui, dans le cadre d’une politique éducative, a pour fonction de permettre la transmission effective d’un capital de connaissances données à un public ciblé. Cette structure organisationnelle, de nature pluri-dimensionnelle, délimite par conséquent le domaine d’études propre au champ disciplinaire concerné, ses objets d’enseignement et ses objectifs pédagogiques, le tout en cohérence avec des finalités assignées par l’institution. Elle traite également des questions relatives à l’organisation temporelle des apprentissages, aux démarches pédagogiques à mettre en œuvre, aux activités et aux objets didactiques à proposer aux apprenants, à l’articulation aux autres disciplines, à l’évaluation des acquis et à la formation des enseignants.

A la différence des programmes, le curriculum s’efforce de prendre très largement en compte la réalité des processus de formation, embrassant non seulement la dimension formelle des prescriptions, mais encore la dimension réelle de l’enseignement-apprentissage tel qu’il se déroule effectivement dans les situations didactiques, incluant les expériences de l’enseignant ou du formateur comme celles de l’enseigné ou du formé. Ainsi l’élaboration du curriculum doit-elle tenir compte de la circulation hétérogène des savoirs scolaires dans le système didactique et des différentes ruptures observées entre les différents niveaux curriculaires : ce qui est prescrit dans les textes officiels n’est pas forcément ce qui est enseigné sur le terrain et encore moins ce qui est appris par les destinataires. Ces considérations attirent l’attention sur le fait qu’il serait bien imprudent de maintenir la réflexion curriculaire dans l’illusion qu’une simple approche technocratique, si bien formalisée soit-elle, conduirait aux meilleurs résultats.

4. Les deux axes du curriculum : l’entrée par les situations et l’approche participative

Outre la question du caractère processuel de l’élaboration du curriculum, qui appelle à l’utilisation rigoureuse d’une méthode et au respect du déroulement des phases qui mènent des premiers essais à la généralisation en passant par l’expérimentation, deux autres dimensions essentielles méritent une réflexion poussée devant aboutir à des choix de principe : celui de l’entrée par les contenus d’une part, celui de la stratégie de développement du curriculum d’autre part.

S’agissant tout d’abord de l’entrée par les contenus, le choix est assez large qui va de la prééminence des savoirs académiques à la réalisation personnelle, en passant par l’accent mis sur les processus cognitifs, ou encore par la centration sur les objectifs ou sur les résultats, via un pilotage par des standards nationaux ou internationaux. L’entrée défendue ici est mixte, puisqu’elle s’appuie le plus largement possible sur la dimension culturelle de l’information, de la documentation et de la communication. Pour ce faire, l’élucidation des savoirs scolaires devrait passer par la synthèse des apports scientifiques, des expertises professionnelles de référence, des pratiques informelles des apprenants et des attentes sociales. Il s’agira ainsi de promouvoir une entrée par des situations complexes ancrées sur des phénomènes informationnels contemporains permettant aux apprenants de construire des compétences intégratives, i.e. des connaissances combinant concepts, capacités et attitudes dans la résolution de problèmes d’information, et des savoirs opérationnels transférables à d’autres situations de même type.

S’agissant enfin de la stratégie de développement du curriculum à adopter, il reste à déterminer la part qui revient à chaque catégorie d’acteurs dans le processus d’élaboration, ainsi que le rôle que doit jouer l’institution dans ce dernier. Si la formalisation du curriculum, in fine, doit être de type prescrit afin de garantir l’obligation scolaire de cette formation dans le cadre d’une institution nationale de service public d’enseignement, le rôle tenu par cette institution ne doit pas être pour autant orienté du haut vers le bas lors du processus d’élaboration. Le risque étant, rappelons-le, une trop grande distorsion entre la prescription officielle, la réalisation sur le terrain et l’appropriation effective par les apprenants. A l’inverse, une construction radicalement tirée du bas vers le haut, de la seule demande sociale vers l’institution, conduirait sans doute à un pragmatisme voué aux aléas du court terme. La solution, aujourd’hui, semble prendre appui sur une dynamique de concertation et d’interactions entre les différents acteurs (institution, recherche, profession) et à différents niveaux, plaçant l’institution au centre d’un réseau d’instances de propositions et de décisions avec une fonction d’animation. Cette approche négociée, participative, favorise ainsi un partenariat fondé sur la compétence plutôt que sur l’administration et fait du professeur, clé de voûte de la réalisation du curriculum, non pas un simple technicien exécutant, mais un acteur responsable et concerné.


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