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Serres Alexandre. "Circulaire de mission des professeurs documentalistes : les différents regards possibles..." Les Trois couronnes, juin 2017. URL :

http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/table-ronde/circulaire-de-mission-des-professeurs-documentalistes-les-differents-regards-possibles

Circulaire de mission des professeurs documentalistes : les différents regards possibles...

Alexandre Serres est maître de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication à l'Université Rennes 2 et co-responsable de l’URFIST de Rennes. Il est également membre fondateur et animateur du GRCDI (Groupe de recherche sur les cultures et la didactique de l'information).

L'équipe des Trois couronnes a souhaité recueillir sa réflexion à propos de la nouvelle circulaire de mission des professeurs documentalistes.

LTC : Qu'attendiez-vous de cette nouvelle circulaire ? Est-elle à la hauteur de vos attentes ? 

« On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens », dit le célèbre dicton du Cardinal de Retz. C’est peu dire que l’ancienne circulaire de 1986, qui a défini le cadre d’exercice des professeurs documentalistes pendant plus de trente ans, témoignait d’une certaine ambiguïté sur leurs missions, propice à toutes les interprétations, à toutes les conceptions du métier. Cette ambiguïté, voire ce flou des missions, qui n’a jamais permis de trancher entre les deux approches du CDI (gestion documentaire vs pédagogie, pour dire vite), a longtemps pesé sur la profession. Mais elle a aussi laissé de grandes marges de manœuvre sur le terrain, et permis à beaucoup de professeurs documentalistes de se lancer dans la formation et de créer un début de didactique de l’information. Cela étant, le besoin d’une réactualisation, voire d’une refondation des missions, était sinon urgent (mais après trente ans, le caractère d’urgence paraît moins pressant !), du moins indispensable. Et ce besoin, cette attente, portait, selon moi, sur deux points précis : une reconnaissance explicite de la mission pédagogique des professeurs documentalistes, enseignants à part entière et non entièrement à part, et une certaine clarification de leurs missions. Sur ces deux points, il me semble, vu de l’extérieur, que la circulaire de 2017 sort (mais en partie seulement) de l’ambiguïté de celle de 1986. Quant à la nature ou l’ampleur des dépens pour l’institution, il est peut-être encore trop tôt pour les mesurer !

Pour évaluer sa portée, je crois qu’il faut mettre cette circulaire dans une double perspective historique : au regard de son contexte immédiat et, sur le plus long terme, au regard de la fameuse circulaire de 1986. Par rapport au contexte immédiat, il faut reconnaître que les dernières années ont vu plusieurs avancées notables dans la problématique de la formation à l’information-documentation (quel que soit le nom qu’on donne à celle-ci : enseignement, éducation à, etc.), qui ont été souvent saluées comme telles et qui apparaîtront sans doute comme une étape importante dans l’histoire de la culture de l’information : qu’il s’agisse de la Loi de refondation de l’école de 2013, du Socle commun de connaissances, de compétences et de culture de 2015, des programmes des Cycles 3 et 4, du référentiel des compétences des enseignants, tous ces textes institutionnels (et j’en oublie sûrement) mentionnent en toutes lettres la formation à l’information, aux médias, au numérique, rendent obligatoires les deux premières à travers l’EMI, citent un grand nombre de notions infodocumentaires, insistent sur les enjeux liés au numérique, etc. Bref, les choses ont évolué dans le bon sens depuis cinq ans, même si l’on peut juger aussi que ces évolutions ne répondent pas au niveau d’attente de la profession et ne sont pas encore à la hauteur des enjeux de société. Et la circulaire du 31 mars 2017, très attendue par la profession et qui vient « ponctuer », d’une certaine manière, ce cycle institutionnel, permet de clarifier un certain nombre de points problématiques, notamment ceux liés aux incertitudes sur l'EMI, qui ont suscité beaucoup d’émois légitimes dans la profession. Bien qu’il reste dans ce texte des ambiguïtés, des zones d’ombre et des contradictions, il me semble, au premier abord, qu’on peut donc adopter la posture de l’optimiste qui voit le verre à moitié plein et saluer ces avancées.

Par rapport à la circulaire de 1986, lorsque l’on compare les deux textes, il est intéressant d’observer les changements et les continuités. Du côté des continuités, j’ai relevé la mission d'ouverture du CDI : le professeur documentaliste est « acteur de l'ouverture de l'établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel », et il « prend des initiatives pour ouvrir l'établissement scolaire sur l'environnement éducatif, culturel et professionnel, local et régional voire national et international », véritable copier-coller d’un passage de la circulaire de 1986 qui disait : « Sous l'autorité du chef d'établissement, il prend des initiatives à la fois pour mieux faire  connaître, à l'extérieur, l'établissement scolaire et pour l'ouvrir sur l'environnement local et régional, voire national et international. ». On peut trouver d’autres exemples de cette parfaite continuité, tout à fait normale et légitime par ailleurs.

Les changements ont été déjà relevés par plusieurs commentateurs et il est inutile d’y revenir en détail ; le plus notable étant sûrement celui qui touche au statut, au positionnement et à l'appellation même des « personnels exerçant dans les CDI » (selon la circulaire de 1986) qui, de « documentalistes-bibliothécaires » sont devenus désormais « professeurs documentalistes ». Il était temps que le droit rattrape la réalité ! Mais l’apport le plus essentiel de cette circulaire est évidemment la priorité, la primauté donnée à la mission pédagogique des professeurs documentalistes, très explicitement mentionnée à plusieurs reprises (notamment dans cette phrase : « La mission du professeur documentaliste est pédagogique et éducative »). Sur ce plan, oui, la circulaire de 2017 correspond à mes attentes, à la fois en tant qu’ancien professeur documentaliste, déjà engagé dans la formation des élèves il y a plus de vingt ans et convaincu que celle-ci était notre première et principale mission, et en tant qu’enseignant-chercheur, attaché à travailler sur les enjeux et les contenus de cette formation à la culture de l’information.

Dans cette affirmation de la mission pédagogique, il y a notamment quatre points que je trouve très positifs, car ils constituent, sinon une reconnaissance, du moins une sorte de confirmation officielle, de validation de ce que ne cesse d’affirmer la communauté des chercheurs en information-documentation depuis plus de quinze ans (si l’on prend comme repère les Assises nationales pour l’éducation à l’information de 2003) :

  • l’idée d’une progression des apprentissages info-documentaires, qui évoque implicitement la perspective de ce curriculum infodocumentaire, sur lequel l’ERTé « Culture informationnelle et curriculum info-documentaire » et surtout le GRCDI ont beaucoup travaillé ;
  • la prise en compte des pratiques informationnelles des élèves (même si la circulaire n’explicite pas davantage le sens, les modalités et les objectifs de cette prise en compte). Tous les chercheurs ne cessent de plaider pour cette prise en compte des pratiques, pour leur intégration dans les apprentissages ;
  • la reconnaissance officielle de "l'expertise" du professeur-documentaliste en SIC (sur laquelle je reviens dans une autre question) : enfin, serait-on tenté de dire ! La circulaire affirme et reconnaît ici la nécessité d’un ancrage théorique en SIC, que nous sommes nombreux à revendiquer depuis longtemps. Notons que cette référence aux SIC n’était pas du tout présente dans la circulaire de 1986 ;
  • enfin, la définition de nouveaux objectifs pédagogiques de la formation (par rapport à 1986), notamment le « développement de l’esprit critique face aux sources de connaissance et d’information » : même si elle constitue aujourd’hui une quasi-banalité, cette affirmation officielle et très claire d’une finalité éducative majeure, assignée aux professeurs documentalistes (à savoir développer l’esprit critique, dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information), ne peut évidemment que me réjouir !

Je citerai également un autre motif de satisfaction, à travers la phrase reconnaissant la nécessité d’une « pédagogie favorisant l'autonomie, l'initiative et le travail collaboratif des élèves, autant que la personnalisation des apprentissages, l’interdisciplinarité et l’usage des technologies de l’information et de la communication. » : les CDI ont souvent été des lieux d’innovation et d’expérimentation pédagogiques, favorisant d’autres modalités d’apprentissage, et il est essentiel que la circulaire conforte cette dimension novatrice. En bref, pour reprendre la question posée, oui, la circulaire répond « globalement » à mes attentes, mais elle recèle néanmoins plusieurs points critiques, notamment :

  • les contradictions persistantes sur l’espace du CDI, à la fois « lieu de formation », mais dont le « bon fonctionnement » doit être respecté par les heures d’enseignement ;
  • la curieuse affirmation de la primauté de la politique documentaire sur la pédagogie : étonnant mélange des genres, dont Pascal Duplessis a fort bien décortiqué les incohérences et les risques 1 ;
  • les ambiguïtés persistantes sur le rôle pédagogique du professeur documentaliste.

Sur tous ces points, Pascal Duplessis, l’APDEN et d’autres collègues ont déjà fait des analyses très fines et très pertinentes 2. Et le verre peut paraître aussi à moitié vide, à bien des égards. J’ajouterai pour ma part une autre remarque critique, sur la persistance de cette image de divinité indienne à plusieurs bras, image qui avait cours à une certaine époque pour désigner la multiplicité des missions et des tâches qui incombaient à ce « super-enseignant ». La liste de ses responsabilités, de ses compétences, de ses activités, de ses interactions avec d’innombrables partenaires, reste presque aussi longue qu’en 1986 !

Alexandre_Serres_Les_Trois_Couronnes Les différents regards possibles. Source

LTC : L'introduction officielle de l'expression "Information-Documentation" a-t-elle, ou devrait-elle revêtir un sens particulier ?

Notons que « l’information documentation » (écrite d’ailleurs sans tiret) n’est citée qu’une seule fois dans la circulaire, dans cette phrase certes importante : « Ils forment tous les élèves à l’information documentation... ». Je vois d’abord cette mention officielle comme le signe positif d’une double reconnaissance : d’une part de l’existence du domaine, d’autre part de la nécessité de son enseignement. Cela dit, il reste un questionnement sur la définition et la délimitation de ce domaine : que recouvre exactement « l’information-documentation » aux yeux des rédacteurs de la circulaire ? Aucune indication n’est donnée et cette absence de définition, même minimale, me rappelle une remarque que nous avions faite, au GRCDI, dans un document collectif de commentaires et de propositions, à propos du projet de Socle commun de connaissances, de compétences et de culture, en 2014 : « Les savoirs relevant de l'information-documentation sont présents dans le Socle, sans que leur spécificité n’apparaisse clairement »3. On pourrait réitérer cette remarque à propos de la circulaire.

Sur ce point précis, la circulaire de 2017 est peut-être, paradoxalement, plus ambiguë que celle de 1986, qui ne parlait pas d’information-documentation, mais qui définissait au moins assez précisément les contenus de formation, qui étaient alors ceux de la « recherche documentaire » : (« se repérer dans le C.D.I. et connaître ses ressources et les différents types de documents ; définir un objectif de recherche et identifier les mots clés correspondants ; utiliser les instruments de recherche de l'information (dictionnaires, encyclopédies, tables des matières, index, systèmes de classement, fichiers informatisés ou non...) ; sélectionner des documents pertinents en fonction des objectifs de recherche ; comprendre les informations contenues dans un document (écrit, sonore, visuel) ; prendre en note et résumer ces informations ; organiser logiquement les informations recueillies en vue de la communication finale indiquée par le professeur (fiche de lecture, exposé, dossier, exposition, affiche...) »4. Il aurait été plus qu’utile de donner un aperçu des savoirs info-documentaires, en rappelant par exemple les « notions essentielles » sur lesquelles chercheurs et professionnels travaillent depuis longtemps. Sur « l’information-documentation », le regard pourrait être ainsi quelque peu « relativiste », trouvant le verre à la fois à moitié vide et à moitié plein... Ainsi la circulaire 2017 reste-t-elle étrangement silencieuse sur un point crucial : la didactique qu’implique cette formation « de tous les élèves » (i.e. d’un véritable enseignement, obligatoire de facto), sur une « matière » reconnue (l’information-documentation, la culture des médias, etc.). Et la référence à la politique documentaire pour définir « les modalités de la formation des élèves... », en guise de didactique infodocumentaire, paraît pour le moins étonnante : en quoi une politique documentaire devrait-elle déterminer la pédagogie ? L’image de ce curieux mélange des genres n’évoque-t-elle pas ici celle de la vision « surréaliste » du verre à la fois vide et plein ? Sur le fond, je renvoie à l’analyse critique faite par Pascal Duplessis.

LTC : Comment percevez-vous la présence concomitante des expressions "information-documentation", "culture de l'information et des médias", "EMI" et leur articulation ?

Je la vois à la fois comme l'expression d'un certain embarras de l'institution à nommer et à distinguer clairement les cultures de l’information, et derrière celles-ci les objets d’enseignement, mais aussi comme un nouveau signe de la reconnaissance sociale, institutionnelle, de ces cultures.

L’embarras sémantique n’est guère surprenant et il est le reflet de la confusion persistante sur les différentes cultures de l'information. Comment distinguer culture des médias, culture de l'information et information-documentation ? Ces expressions sont-elles synonymes, interchangeables, comme pourrait le laisser croire la circulaire, qui les emploie successivement ou alternativement, sans jamais se risquer à une définition : « enseignant et maître d’œuvre de l’acquisition par tous les élèves d’une culture de l’information et des médias », « ils forment tous les élèves à l’information documentation... », « l’acquisition d’une culture et d’une maîtrise de l’information par tous les élèves ». On retrouve ici le problème d'expressions assez proches mais jamais clairement définies, et au final appréhendées comme des « allants-de-soi », que tout le monde est censé comprendre.

Beaucoup de travaux ont pourtant été menés sur ces questions de définition (à commencer par ceux de l’ERTé « Culture informationnelle et curriculum info-documentaire », de 2004 à 2008, mais on peut en citer beaucoup d’autres.). Et si on a pu saluer, dans un premier temps, la confirmation de quelques acquis de la recherche, on peut regretter que les travaux sur la question de la définition des cultures de l’information ne soient pas davantage présents ici.

Cela étant dit, il faut aussi souligner l’intérêt de la reconnaissance sociale, institutionnelle de ces cultures de l’information, à travers leur simple mention dans une circulaire officielle, même avec toutes les limites que l’on vient de pointer. En effet, une rapide recherche des occurrences de ces trois expressions (culture de l’information, culture des médias et information-documentation) dans trois textes officiels récents (le Socle commun de 2015, les Programmes du Cycle 3 et ceux du Cycle 4) montre une absence totale d’occurrences de ces expressions. Si l’on ne peut affirmer avec certitude que c’est la première fois que ces trois termes sont présents dans un texte officiel, institutionnel, du Ministère5, leur présence et leur concomitance dans cette circulaire méritent donc d’être soulignées. J’adopterai ici la posture du « réaliste » (la circulaire évoque bien les cultures de l’information...), mais pas celle du « chimiste » (puisque la circulaire ne dit rien sur la nature et la composition de ces cultures).

LTC : La référence aux Sciences de l'information et de la communication, dans le préambule du texte, doit vous satisfaire. Pour autant, vous semble-t-elle pouvoir se concrétiser facilement à la lecture des axes de mission tels qu'ils sont décrits ?

Là encore j’exprimerai une satisfaction et une triple interrogation. Satisfaction de voir reconnu l’ancrage du professeur documentaliste (à travers son « expertise ») dans les Sciences de l’Information et de la Communication6. Il me semble que la référence aux SIC n’a jamais été aussi forte dans un texte officiel sur les professeurs documentalistes. J’ai mentionné également l’intérêt de la prise en compte des pratiques informationnelles des élèves.

Pour répondre à cette question difficile, je partage l’interrogation sous-jacente sur la possibilité de « concrétiser » vraiment cette référence aux SIC par rapport aux axes de missions. On peut s’interroger par exemple, comme d’autres l’ont déjà fait, sur la contradiction entre « l’expertise » en SIC du professeur documentaliste et son rôle de « contribution aux enseignements » : s’il est un « expert » reconnu dans le domaine des SIC, pourquoi le professeur documentaliste est-il considéré comme un simple « contributeur », une sorte de référent pour tout ce qui touche aux Sciences de l’Information et de la Communication ? Ne peut-on le voir comme un enseignant maîtrisant un champ disciplinaire ?

Par ailleurs, le dit champ des Sciences de l’Information et de la Communication est en lui-même tellement vaste, tellement diversifié et complexe, qu’il aurait été intéressant de préciser le « sous-domaine » d’expertise du professeur documentaliste : s’agit-il des sciences de l’information et de la documentation, des sciences de la communication, de l’histoire et de la sociologie des médias, de la sociologie des usages numériques, etc. ? Quel est le profil attendu des professeurs documentalistes, en matière de SIC, eu égard aux missions qui sont les leurs ? La circulaire ne dit rien sur ce point.

D’où une troisième interrogation sur l’expertise réelle des professeurs documentalistes en matière de SIC. Non point que je remette en cause les compétences, les connaissances et le bagage scientifique et professionnel des professeurs documentalistes. Mais ce n’est pas leur faire injure que de relever un fait bien connu : la situation très contrastée de ce « background » en SIC. En formation initiale, tous les formateurs des ESPé connaissent la grande hétérogénéité des parcours de base des étudiants des Master MEEF, provenant de toutes les disciplines, notamment de SHS. Ils n’ont généralement qu’une seule année pour assimiler les fondamentaux des SIC. Là encore, la circulaire ne dit mot sur la question, même si ce n’est pas son objet que de définir les conditions de la formation initiale des professeurs documentalistes. Position « relativiste » là encore sur un verre aussi vide que plein...

LTC : Quelles répercussions ce texte pourrait-il avoir sur la formation initiale et continue des professeurs documentalistes ?

Il est difficile de prévoir les répercussions réelles qu’un texte officiel aura, notamment sur la question sensible de la formation. Ce qu’on peut dire concerne plutôt les répercussions que l’on souhaiterait voir advenir. La remarque faite plus haut sur les faiblesses de la formation initiale me conduit à plaider pour un renforcement massif de la formation initiale et continue des professeurs documentalistes, notamment dans ces trois domaines :

  • les Sciences de l’Information et de la Communication : si l’on veut que les futurs professeurs documentalistes soient à la hauteur de cette expertise que leur reconnaît la circulaire, il faut une formation initiale renforcée en SIC, de même que des efforts importants en formation continue, compte tenu de la diversité des parcours, des formations disciplinaires de nombreux professeurs documentalistes en exercice. On ne dira jamais assez l’importance d’un bagage théorique solide pour l'exercice de ce métier, rendu toujours plus complexe à la fois par les évolutions incessantes des techniques et la mobilisation de très nombreuses notions informationnelles et communicationnelles implicites dans les usages de ces techniques. Si l’on n’a pas une maîtrise théorique suffisante des concepts, des théories, des modèles de l‘information et de la communication, ainsi qu’un regard critique sur les phénomènes informationnels, toute visée éducative devient dès lors assez fragile et peut se transformer en simple accompagnement des élèves.
  • les cultures de l'information et des médias : domaine à la fois intérieur et extérieur aux SIC, les cultures de l’information constituent le cadre général, la finalité, le matériau pédagogique de toute la mission éducative des professeurs documentalistes ; ils doivent avant tout former les élèves aux cultures de l’information et des médias (et non aux sciences de l’information et de la communication). Ce qui présuppose la nécessité d’avoir une vision claire, complète de ces cultures, de leurs délimitations, de leur définition, de leurs contenus, des enjeux dont elles sont porteuses, etc.
  • la didactique de l'information-documentation : si les professeurs documentalistes doivent « former tous les élèves à l’information-documentation », et viser l’acquisition d’une culture de l’information et des médias, comme le proclame la circulaire, cela passe obligatoirement par la constitution d’une didactique de cette information. Et la formation, tant initiale que continue, devrait être également renforcée sur ce domaine, pour développer la maîtrise de la didactique infodocumentaire, la maîtrise des notions à enseigner, des situations d'apprentissage à mettre en place, des progressions curriculaires, etc.

Pour conclure, je voudrais revenir à l’image de la pluralité des regards sur le verre « à moitié vide ou à moitié plein ». Trois regards doivent être évités, selon moi : évidemment le nihiliste (il s’agit quand même d’une vraie circulaire !), le sceptique (il s’agit bien d’une affirmation de la mission pédagogique des professeurs documentalistes), mais aussi l’utopiste (une circulaire de missions ne peut définir et instaurer à elle seule une nouvelle discipline scolaire). Et il faut sans aucun doute se saisir des opportunités ouvertes par ce texte, malgré toutes ses contradictions, ses points faibles, ses absences. Comme jusqu’à présent, la formation des élèves à l’information-documentation est d’abord entre les mains des professeurs documentalistes et cette circulaire 2017 n’est qu’une nouvelle étape sur une route encore longue et incertaine.


  1. Duplessis Pascal. « Du « bon fonctionnement » de la circulaire de missions des professeurs documentalistes ». Les Trois couronnes, avril 2017. 

  2. APDEN. « Nouvelle circulaire de mission(s) des professeurs documentalistes : Analyse critique de l’A.P.D.E.N ». APDEN, avril 2017. Reynaud Florian. "D’espoirs en désespoir, en attendant les moyens de ces missions". Les Trois couronnes, mai 2017. Dimier Gildas. "Circulaire de missions : la double incertitude". Les Trois couronnes, mai 2017. 

  3. GRCDI. Projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture : propositions du GRCDI pour une formation à la culture de l’information. 22 septembre 2014 

  4. M.E.N. Missions des personnels exerçant dans les centres de documentation et d’information. Circulaire n° 86-123, du 13 mars 1986. Bulletin Officiel n° 12, 1986, 4 p. 

  5. Ils sont bien sûr présents dans un grand nombre de textes éducatifs, pédagogiques, politiques..., produits par différents acteurs du Ministère de l’Education Nationale. 

  6. Citons la phrase en entier : « Par son expertise dans le champ des sciences de l'information et de la communication (Sic), il contribue aux enseignements et dispositifs permettant l'acquisition d'une culture et d'une maîtrise de l'information par tous les élèves. » 


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