Référence documentographique

Duplessis Pascal. « Du « bon fonctionnement » de la circulaire de missions des professeurs documentalistes ». Les Trois couronnes, avril 2017.

http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/identite-professionnelle/du-bon-fonctionnement-de-la-circulaire-de-missions-des-professeurs-documentalistes

Du « bon fonctionnement » de la circulaire de missions des professeurs documentalistes

La circulaire de missions du 28 mars 2017 est donc la troisième de ce nom à préciser le rôle et le statut du professeur documentaliste. Quarante ans tout juste après la première (1977) et trente et un ans après la seconde (1986) qui se trouve en conséquence abrogée, cette circulaire, pour le moins attendue par la profession, se présente comme la nécessaire actualisation de ses missions. De fait, un retard important s'était accumulé qui nuisait à la lisibilité de l'identité professionnelle du professeur documentaliste et à la portée de son action. Sur le plan statutaire, le CAPES de Documentation qui a fait du professeur documentaliste un certifié de Documentation est à présent acté. De même est attestée, en tout premier lieu, la référence à l'arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation. La circulaire est ainsi présentée comme découlant de cet arrêté et devant servir à le préciser. En conséquence, sur le plan symbolique cette fois, l'appellation « professeur documentaliste » - sans trait d'union – est clairement affirmée et affichée, ce qui ne peut que renforcer l'identité et l'action pédagogiques des intéressés. Sur le plan pragmatique enfin, l'actualisation opérée prend pour appui la nécessité de faire acquérir aux élèves une culture informationnelle et l'adaptation à l'évolution des pratiques en matière de communication et d'usages numériques. Enfin, le texte prend acte du fait, trop longtemps tu ou dénié, que les professeurs documentalistes témoignent d'une réelle pratique d'enseignement.

Connaissant l'intensité des débats qui ont précédé cette cinquième tentative d'écriture de la circulaire, il est évident que celle-ci ne peut qu'être lue avec circonspection. Ce qui intéresse en effet les acteurs est de mesurer les avancées ou les reculs apportés par le texte, et de savoir si ce nouveau mandat va pouvoir les aider dans leur exercice ou bien au contraire les gêner. Pour apporter un éclairage sur ces questions, nous proposons une lecture de la circulaire du 28 mars à partir des quatre piliers qui nous apparaissent soutenir tout l'édifice : le statut du professeur documentaliste, la vocation du CDI, la nature de la matière d'enseignement et la place de la politique documentaire.


Sommaire

1- Le professeur documentaliste, un enseignant sous conditions

  • . Enseignement...
  • . … et flexibilité
  • . Le professeur documentaliste et les (vrais) enseignants
  • . « Le professeur documentaliste peut exercer des heures d'enseignement ».
  • . Le « bon fonctionnement du CDI »

2- Le CDI : un espace, deux fonctions complémentaires mais exclusives

  • . Exit le 3C ?
  • . Le CDI comme lieu dédié à la formation
  • . « Lieu de formation » et « bon fonctionnement », des injonctions contradictoires

3- L'Information-Documentation, une matière disciplinaire enfin reconnue mais peu consistante

  • . « Ils forment tous les élèves à l'information documentation »
  • . Information-Documentation et EMI : deux champs distincts 
  • . Modalités et objets de l'Information-Documentation
  • . La relance de la didactique de l'Information-Documentation ?

4- La politique documentaire, une fonction détournée

  • . La politique documentaire, un concept exogène
  • . Une contradiction importante entre l'arrêté et la circulaire à propos de la politique documentaire

Conclusion : lecture contre lecture, a-t-on avancé ?


1- Le professeur documentaliste, un enseignant sous conditions

Le titre même de la nouvelle circulaire tranche nettement avec ceux des précédents textes de missions qui s'adressaient aux « responsables » (1977) ou aux « personnels exerçant dans les CDI » (1986). La mission était alors principalement définie au regard du lieu d'exercice qu'il fallait desservir, lequel était, depuis sa création, au centre des préoccupations1. En 2017 donc, le professeur documentaliste fait l'objet d'un traitement distinct bien qu'il conserve, dans le développement, un rapport privilégié avec le CDI. Ce choix consacre, me semble-t-il, une avancée appréciable dans un processus de professionnalisation long et incertain et la reconnaissance, quoique tardive, d'un statut particulier. Il s'inscrit d'ailleurs dans le respect de l'arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles, que la circulaire présente comme structurellement supérieur.

. Enseignement...

L'affirmation du titre de « professeur » se voit d'ailleurs consolidée à plusieurs reprises par l'emploi de termes renvoyant à la fonction enseignante, comme « enseignant » (1 fois) , « enseignement » (3 fois) et « co-enseignement » (1 fois). Ces termes ne sont pas anodins pour qui connaît l'histoire de ces quatre dernières décennies en matière de revendication statutaire et sont appréciés à leur juste mesure par les concernés. Le rappel d'un décret et d'une circulaire récents relatifs aux obligations réglementaires de service (ORS) évoquant la pondération des heures d'enseignement à parité avec les autres professeurs peut également être reçu positivement, en dépit du fait que le contenu de ces textes demeure pour le moins source d'interprétations contraires. Enfin, corollaires de la reconnaissance de cette aptitude à enseigner, une progression des apprentissages de la 6ème à la Terminale est même évoquée, ainsi que la possibilité d'intervenir seul auprès des élèves. Cette ultime précision est, notons-le, remarquable tant elle montre le décalage qui existait aux yeux de certains acteurs entre les effets attendus d'un CAPES, obtenu il y a pourtant 27 ans de cela, et ce qui existe de fait. Sur ce point, la circulaire institutionnalise, dans un mouvement ascendant, une réalité du terrain.

… et flexibilité

Il peut être intéressant de relever que, en plus des occurrences relatives à l'enseignement, le texte présente une grande variété de termes voisins, relatifs à l'activité de transmission, mais pas synonymes pour autant :

  • « la formation »
  • « la contribution à des formations »
  • « la contribution à des enseignements et à des dispositifs »
  • « des activités pédagogiques »
  • « des activités de médiation documentaire »
  • « une participation aux travaux disciplinaires ou interdisciplinaires »
  • « l'accompagnement de la production d'un travail personnel d'un élève ou d'un groupe d'élèves »
  • « la conception et la mise en œuvre d'activités dans le cadre de la SPME »
  • « la contribution à l'acquisition des connaissances et des compétences du Socle commun »

La circulaire fournit ainsi une typologie très variée des activités de nature pédagogique que peut exercer le professeur documentaliste, sans pour autant les définir et les hiérarchiser. Proche sur ce point de la confusion qui régnait à ce propos dans le texte de 1986, il ne fait aucun doute que les acteurs auront du mal à démêler cet écheveau et à faire distinctement valoir ce qui participe réellement de l'enseignement.

. Le professeur documentaliste et les (vrais) enseignants

Ainsi, l'élan statutaire observé et remarqué se trouve-t-il quelque peu contrarié dès que l'on entre dans la description des activités proprement dites. Mais il est encore d'autres points qui tendent à minorer, et même à contredire cet élan. L'un des moindres est ce recours inattendu à l'expression « les enseignants » pour désigner les « autres » enseignants avec qui les professeur.e.s documentalistes travaillent. Il apparaît ainsi que, dans l'esprit du rédacteur, comme dans celui de nombreux acteurs, la circulaire s'adresse encore et toujours aux « personnels des CDI », plutôt appréhendés comme des « documentalistes » en comparaison des vrais « enseignants ». Il aurait été par exemple plus simple et plus respectueux de recourir à l'expression « enseignants de disciplines ».

. « Le professeur documentaliste peut exercer des heures d'enseignement ».

Plus préoccupantes sont les conséquences à tirer des deux repères suivants. Tout d'abord cette phrase, inscrite dans l'axe 1 : « Le professeur documentaliste peut exercer des heures d'enseignement. » Dirait-on qu'un.e professeur.e de Mathématique, d'EPS ou d'Histoire-Géographie « peut » enseigner ou plutôt qu'il-elle le « doit » ? L'emploi de cette modalité sous-entend en effet qu'il-elle peut tout aussi bien ne pas enseigner, ce qui entrerait dès lors en contradiction avec l'obtention de ce CAPES qui a pourtant été rappelé dans le préambule du texte. Rappelons qu'un CAPES est un certificat qui délivre une obligation d'enseignement, et non pas une permission, comme un permis de conduire ou de pêcher. Nous pointons là une contradiction majeure qui risque d'invalider, en la niant par l'emploi d'une condition, toute revendication d'ordre statutaire et de simple application sur le terrain d'exercice. Imaginons, comme c'est encore le cas dans certains établissements, qu'au nom du CAPES et de cette circulaire, un.e collègue demande des heures pour être en mesure d'enseigner et fasse valoir une pondération de celles-ci, sa demande pourrait alors lui être refusée au motif qu'enseigner, pour un.e professeur.e documentaliste, n'est pas une obligation...

. Le « bon fonctionnement du CDI »

Deuxième point, cette phrase qui conclut l'axe 1 et qui abat bien des espérances : « Les heures d'enseignement sont effectuées dans le respect nécessaire du bon fonctionnement du CDI. » Plus encore ici se donnent à voir les limites à ce qui est attendu comme une « reconnaissance » de statut. Deux lectures sont ici possibles, selon que l'on juge qu'il y a duperie sur la réelle intention de la circulaire, ou selon que l'on observe une inadéquation surprenante entre les fins affichées et les moyens mis en œuvre en termes de recrutement et de capacité d'accueil des CDI existants. Ainsi l'enseignement, qui plus est destiné « à tous les élèves », ne serait possible que lorsque ses modalités ne contreviendraient pas au « bon fonctionnement » du CDI. Cela reviendrait à affirmer, contre tout ce qui précède depuis la première ligne de la circulaire, qu'il existerait quelque chose qui serait plus important encore que la formation des élèves et qui relèverait de la fonction du CDI. Nous retomberions là dans une conception datant des années de la création des CDI et nous avons fait remarquer plus haut qu'elle correspondait en effet à une précession de la fonction du lieu sur la mission de son personnel. Sans le dire clairement, et alors que l'on croyait qu'une nouvelle circulaire de missions allait pouvoir lever des incertitudes sources de conflits à l'intérieur des établissements autour de la conception d'un CDI « ouvert », cette lecture ferait le constat contraire qu'au-delà d'un discours progressiste, les vieilles idées reçues sont toujours à l’œuvre. Un « bon » CDI resterait un CDI « ouvert », c'est-à-dire où l'accueil libre serait privilégié. Ne serait alors toujours pas intégrée l'idée qu'un CDI accueillant un groupe au travail dans une situation d'enseignement-apprentissage est de loin plus efficient qu'un CDI faisant office de permanence. Par ailleurs, l'utilisation d'un adjectif d'emploi aussi subjectif que « bon » a de quoi étonner dans un texte institutionnel et l'on ne s'attendait pas, en conclusion de l'axe 1 dédié à l'enseignement et aux apprentissages, que les acteurs soient ainsi appelés au bon sens.

Cette subjectivité inattendue appelle pour le moins à la présentation de critères permettant de juger un « bon » fonctionnement d'un « mauvais », mais ceux-ci ne sont pas fournis. Le CDI étant placé sous l'autorité du chef d'établissement et ses modalités fixées collégialement dans une politique documentaire validée par le CA, il est aisé de voir à quel point ce premier axe, qui entendait positionner «  le professeur documentaliste, enseignant et maître d'œuvre de l'acquisition par tous les élèves d'une culture de l'information et des médias » serait à relativiser et à contenir dans un cadre dont les conditions ne sont pas affichées, pire, tenues à la discrétion de qui a autorité sur l'utilisation du CDI.

Placée à la suite du paragraphe relatif aux ORS, il est également possible de lire dans cette conclusion un exercice de modération destiné à contenir les effets que produiraient ces obligations réglementaires si elles étaient appliquées à la lettre. L'impasse dans laquelle s'est fourvoyé le rédacteur, en l'absence de mesures de recrutement ambitieuses pour les rendre possibles, trouve son apogée dans cette circulaire de missions lorsque celle-ci incite notamment le professeur documentaliste, dans un pari plus que risqué, à former « tous les élèves ». Le résultat confine à l'absurde lorsque l'on met face à face d'un côté les préconisations en matière de formation – et nous avons vu qu'elles étaient variées et nombreuses – et les pondérations horaires relatives au statut reconnu de professeur et, de l'autre, le manque de moyens pour leur réalisation. Si la lecture à retenir devait être celle-ci, on ne pourrait que s'alarmer de cette stratégie d'un écart maximum entre les fins et les moyens dont la conséquence pourrait être la division de la profession suite à la multiplication des situations locales.

On tourne en rond

2- Le CDI : un espace, deux fonctions complémentaires mais exclusives

. Exit le 3C ?

Depuis la tentative d'intégration du concept de learning centre dans le secondaire par l'Inspection générale en 20112, la profession a toujours craint la conversion forcée des CDI en Centres de culture et de connaissances (3C)3. Si la publication d'une nouvelle circulaire pouvait être l'occasion de cette transformation, à la demande réitérée de l'IGEN, force est de constater qu'il n'en est rien : Le CDI reste le CDI, du moins dans son appellation, laquelle est rappelée à 11 reprises. Tout au plus relevons-nous dans le texte de la circulaire l'expression « espace de culture, de documentation et d'information » qui avait vu le jour dans les propos de l'IGEN François Durpaire en novembre 20104 mais sans majuscules ni guillemets dans le texte pour en souligner la référence. De même, la prescription engageant à penser « l'articulation du CDI (et son utilisation) avec les différents lieux de vie et de travail des élèves (salles de cours, salles d'étude, internat) en lien avec les autres professeurs et les personnels de vie scolaire », si elle reste une entrée possible vers le 3C, conserve ici un étiage raisonnable d'autant plus que le paragraphe s'ouvre sur l'affirmation du CDI comme « espace de formation ».

. Le CDI comme lieu dédié à la formation

En effet, il semble bien que les rédacteurs de la circulaire aient eu à cœur de recentrer la vocation du CDI vers la formation et les apprentissages en donnant à ceux-ci une place prépondérante :

  • « lieu de formation, de lecture, de culture et d'accès à l'information » (préambule) ;
  • « le CDI est un espace de formation et d'information » (axe 2) ;
  • « un lieu privilégié d'ouverture de l'établissement sur son environnement ainsi qu'un espace de culture, de documentation et d'information, véritable lieu d'apprentissage et d'accès aux ressources pour tous. » (axe 3)

Cette affirmation est plus importante qu'il n'y paraît à première vue. En effet, la question de l' « ouverture » à tout le monde du CDI, qui se pose lorsqu'il y a cours, doit être comprise à partir de la représentation que se font les uns et les autres de la fonction du Centre. Soit celui-ci est regardé comme étant avant tout un centre de ressources régi par un documentaliste et, dans ce cas, il est perçu comme « fermé » à ses usagers lorsque des cours (ou des animations) s'y tiennent. Soit il est prioritairement considéré comme « lieu de formation », et se présente par conséquent en tant qu'outil didactique, ou salle d’enseignement spécialisé, et doit dès lors être estimé « ouvert » quand il sert à ce pourquoi il est conçu et dédié. Ainsi, la circulaire semble-t-elle pencher très largement en faveur de cette seconde acception lorsqu'elle fait du CDI un « véritable lieu d'apprentissage ».

. « Lieu de formation » et « bon fonctionnement », des injonctions contradictoires

Cette orientation claire devrait permettre de mieux définir le « bon fonctionnement du CDI ». Si la fonction d'accès à l'information et à la documentation est également systématiquement rappelée dans les extraits que nous venons de citer, elle est très nettement placée au second rang. Le CDI pourrait ainsi être considéré comme fonctionnant bien lorsqu'il est prioritairement utilisé au service de la formation et des apprentissages. Mais la phrase qui clôt très maladroitement l'axe 1 est conçue de telle manière qu'elle oppose clairement l'usage des heures d'enseignement - dont on craint que le nombre important n'entraîne une réduction de l'accès libre aux ressources - à l'ouverture du CDI. Le « bon fonctionnement » appelle alors sans doute à trouver un équilibre satisfaisant entre ces deux fonctions qui ne s'opposent de fait que structurellement, parce qu'elles partagent à la fois le lieu et son responsable. De fait, un agencement adapté de l'espace5 et une dotation suffisante en personnel rendraient plus aisée cette juxtaposition des fonctions documentaire et didactique du CDI.

Ces deux conditions n'étant toujours pas réunies, ni annoncées comme devant l'être, le texte de la circulaire semble donc ne pas apporter grand chose de neuf à une question déjà fort ancienne et qui paraît, si l'on s'en tient à ce statu quo, insoluble. La seule avancée que pointeront les plus optimistes tiendra dans le fait qu'à trois reprises, le texte tranche sur la priorité à donner à la vocation des CDI, ce qui est déjà appréciable. C'est bien cette position qu'il importe désormais d'utiliser en appui par le professeur documentaliste pour faire valoir le fait que le CDI n'est pas « fermé » lorsqu'il fait cours, mais que celui-ci « s'ouvre » aux groupes et aux classes qui viennent y apprendre l'Information-Documentation.

3- L'Information-Documentation, une matière disciplinaire enfin reconnue mais peu consistante

. « Ils forment tous les élèves à l'information documentation »

Cette injonction de former tous les élèves à l'Information-Documentation, que l'on trouve dans le préambule de la circulaire, dépasse ce que l'on pouvait attendre à la lecture de l'arrêté de 2013. Cette simple mention de l'Information-Documentation constitue même un événement majeur dans la mesure où non seulement elle est employée pour la première fois dans un texte institutionnel mais encore qu'elle le soit pour caractériser la matière d'enseignement spécifique des professeur.e.s documentalistes. Fondées en 1994 par Jean Meiriat, les Sciences de l'Information-Documentation n'ont fait qu'entériner des pratiques professionnelles datant des années 1960. L'appellation est apparue un peu plus tard, au tournant des années 2000, dans la sphère scolaire pour désigner la matière enseignable à l'école, mais n'était jusque là usitée que par le monde de la recherche et par une partie de la profession intéressée par la construction de sa didactique naissante. Il est donc naturel de saluer cette reconnaissance dans le nouveau texte de mission des professeur.e.s documentalistes. Ce que ces derniers enseignent, ou ce à quoi ils forment particulièrement peut désormais être identifié et nommé, et par conséquent être convoqué – idéalement - pour faire valoir une posture d'enseignant au conseil pédagogique par exemple, pour participer sans masque aux évaluations, pour constituer un binôme dans les EPI ou pour assumer un co-enseignement en situation d'interdisciplinarité.

Relevons encore que, à l'inverse des projets de circulaire antérieurs ou assimilés, tel le « protocole d'inspection » de 2007, il n'est pas ici question de « contribution » ou de « participation » à une quelconque formation, mais bien de l'affirmation simple et sans détour d'une matière spécifique d'enseignement identifiée. La circulaire ne fait d'ailleurs qu'appliquer le décret du 20 août 2014 qui fixe les obligations de service des « professeurs de la discipline de documentation et des professeurs exerçant dans cette discipline »6. Cet arbitrage vient également à point pour fixer une appellation qui, depuis les années 1980, a connu beaucoup de variantes. Cette grande instabilité relative aux nombreux noms donnés à la matière (IRD, Méthodologie, Recherche documentaire, Maîtrise de l'information, EMI, Culture numérique, Éducation à l'information, Éducation à l'information et à la communication, etc.) a porté préjudice à la reconnaissance de la discipline tandis qu'elle témoignait de la pluralité et de la complémentarité de ses matrices7.

Mais si la matière de la discipline est nommée dans la circulaire, elle n'est cependant pas qualifiée de « discipline » en tant que telle comme le fait le décret, ce qui introduit un nouveau hiatus et peut relancer un débat déjà ancien. De la même manière, si le texte de la circulaire reconnaît « les » heures d'enseignement du professeur documentalistes quand elles ont lieu, il ne va pas jusqu'à préconiser « des » heures pour l'enseignement de l'Information-Documentation. Et s'il arrête que cet « enseignement s'inscrit dans une progression des apprentissages de la classe de sixième à la classe de terminale, dans la voie générale, technologique et professionnelle », il ne pointe aucune proposition concrète relative à cette progression, se contentant sans doute de soutenir les initiatives du terrain dans ce domaine. Un éventuel programme n'est d'ailleurs pas mentionné non plus. Ainsi assiste-t-on à la reconnaissance d'une discipline aux caractéristiques (heures, progression) et au contour insuffisamment précisés ou simplement ignorés. Une fois de plus, l'avancée remarquée semble davantage symbolique que pratique, tant ses effets risquent d'être quasi nuls si le mince avantage de cette reconnaissance n'est pas bien exploité par les intéressés. Le texte, quant à lui, se contente là encore d'enregistrer des pratiques de terrain en matière d'enseignement ce qui, pour certains, peut à juste titre constituer un petit pas appréciable. D'autres, en revanche, rétorqueront qu'un petit pas franchi tous les 31 ans laisse encore l'horizon hors d'atteinte pour longtemps.

. Information-Documentation et EMI : deux champs distincts ?

Dans la même phrase sont mentionnées l'Information-Documentation et l’Éducation aux médias et à l'information (EMI) : « Ils forment tous les élèves à l'information documentation et contribuent à leur formation en matière d'éducation aux médias et à l'information ». Il faut remarquer d'emblée qu'elles ne sont pas pour autant présentées comme équivalentes ni sur le même plan. En effet, le rédacteur a tenu à préciser que le professeur documentaliste assure la formation à l'Information-Documentation, tandis qu'il « contribue » à celle de l'EMI, marquant ainsi une différence nette entre les deux objets. Par ailleurs, si la première est spécifique, la seconde est transversale. Ces distinctions, placées en préambule de la circulaire, posent d'entrée de jeu le décor qui manquait gravement à la scène pédagogique où, depuis l'introduction de l'EMI en 2013, les professeurs documentalistes semblaient ne plus tenir de rôle particulier. En plus de leur contribution à l'EMI, donc, ils ont à présent pour mission spécifique de former tous les élèves à l'Information-Documentation. Reste à savoir de quoi il retourne concrètement et si la suite du texte apporte les précisions attendues.

. Modalités et objets de l'Information-Documentation

Située en amont de la description des axes de mission et même avant la mention de l'EMI, la formation à l'Information-Documentation prend une stature intégrative, recouvrant et articulant l'ensemble des modalités et des objets évoqués par la suite. Nous avons déjà commencé à procéder au relevé des premières pour faire ressortir la flexibilité attendue de cet enseignement. Nous remarquons ainsi que tout l'éventail des formes de la « transmission » sont convoquées : enseigner, former, intervenir, contribuer, participer, médiatiser, accompagner, aider, concevoir et mettre en œuvre, laissant à tous l'impression générale d'une compétence large et éclectique et à chacun celle de pouvoir y retrouver son propre profil pédagogique. On peut également percevoir dans cette dispersion terminologique la volonté de minimiser l'importance et la fréquence de l'acte d'enseignement. Ainsi, la possibilité d' « intervenir seul auprès des élèves » se trouve-t-elle environnée d'une multitude de situations évoquant le professeur documentaliste en position de participant ou de contributeur.

Les objets et les domaines de cette transmission paraissent également à la fois démultipliés et peu précis. Nous relevons ainsi :

  • l'EMI (4 fois)
  • la culture de l'information et des médias
  • la culture et la maîtrise de l'information
  • la recherche et la maîtrise de l'information
  • l’Éducation aux médias (EAM)
  • l'orientation
  • développement de l'esprit critique
  • l'autonomie (2 fois)
  • l'initiative
  • les compétences du Socle

L'expertise dans le champ des Sciences de l'information et de la communication (SIC) est en outre attendue du professeur documentaliste, comme elle l'était dans l'arrêté de 2013. Elle concerne les cinq premiers items de cette liste. Les cinq derniers, par contre, relèvent de la transversalité et concernent tous les acteurs enseignants et éducateurs de l'établissement. Pour en revenir aux cinq premiers, nous remarquons qu'une distinction est établie, à juste titre, entre un but, qui est l'acquisition d'une culture informationnelle, et le moyen qu'est l'EMI. L'Information-Documentation, dont la valeur intégrative a été soulignée, n'est cependant plus convoquée dans le corps du texte. Comment l’interpréter ? Doit-on penser qu'elle aussi concourt à l'acquisition de la culture informationnelle, recouvrant dès lors l'EAM, la recherche et la maîtrise de l'information mais tout en se démarquant de l'EMI qui semble, quant à elle, servir de cadre à cet ensemble ? Pour l'exprimer autrement, nous retiendrons qu'il est bien difficile de retrouver confirmation, dans le corps du texte, de la distinction annoncée dans le préambule entre Information-Documentation et EMI...

Loin de clarifier la situation des objets d'enseignement-apprentissage et des domaines considérés, le texte de la circulaire semble plutôt introduire des couches de complexité importantes qui n'auront d'autre effet que d'appeler des interprétations et des lectures plurielles ou, pour les plus opportunistes, d'y insérer ce qu'il veulent ou ce qu'il peuvent. Mais comment, à partir de cet édifice incertain, inscrire raisonnablement cet enseignement dans « une progression des apprentissages de la classe de 6ème à la classe de terminale » ? La circulaire montre donc à nouveau, dans le domaine de l'axe 1 dédié au mandat pédagogique du professeur documentaliste, les limites de ses ambitions.

. La relance de la didactique de l'Information-Documentation ?

Les diverses ambiguïtés et contradictions de la circulaire vont obliger les professeur.e.s documentalistes à tirer un parti le plus avantageux possible des éléments positifs qui actent leurs pratiques. La reconnaissance de leur enseignement et la qualification de la matière enseignée en Information-Documentation en sont les principaux. Au-delà du fait de pouvoir positionner cette dernière au sein des disciplines aussi bien dans les différents conseils que dans le projet d'établissement, et de la faire valoir aux yeux des élèves, des collègues et des parents, il est désormais possible de chercher, par tous les moyens possibles, à lui donner consistance. Cette consistance devrait pouvoir s'exprimer de deux manières, sa lisibilité et sa vitalité. La lisibilité de l'Information-Documentation peut prendre appui sur toutes les interfaces utilisées par les professeur.e.s documentalistes et même au-delà : ENT des établissements, pages dédiées des sites académiques, EDUSCOL, SavoirsCDI, CANOPE, sans oublier bien évidemment la « profdocosphère »8 qui devrait pouvoir se faire le relais de cette avancée décisive. La vitalité de l'Information-Documentation, quant à elle, tient principalement de l'activité didactique des professeur.e.s documentalistes, manifestée par des publications, des journées d'études associatives et académiques et des (demandes d') actions de formation continue. Elle devrait naturellement se trouver stimulée par un infléchissement significatif des épreuves des concours de recrutement, ce qui devrait avoir un impact sur les formations continue et initiale en amont.

La recherche professionnelle et universitaire pourrait, pour sa part, puiser là, dans cette introduction institutionnelle d'une matière référée aux Sciences de l'Information-Documentation, un second souffle pour attiser des travaux en didactique. Ceux-ci, initiés au début des années 2000, sont encore loin de constituer le terreau nécessaire au développement espéré, tant le domaine et les attentes sont importants. Ainsi, et pour ne citer que trois chantiers balbutiants, évoquons la dimension cognitive des apprentissages (conceptions des élèves, objectifs obstacles), la dimension épistémologique des savoirs à enseigner (transposition didactique) et la dimension pédagogique dans les situations d'enseignement-apprentissage (méthodes, tâche)9. Gageons ainsi que cette reconnaissance institutionnelle serve d'appui à un renouveau des travaux de la didactique de l'Information-Documentation.

4- La politique documentaire, une fonction détournée

. La politique documentaire, un concept exogène

La politique documentaire est un concept apparu dans les bibliothèques universitaires au milieu des années 1980. Elle s'est développée dans les bibliothèques publiques dans la décennie suivante en réponse à la menace que faisait peser sur leur avenir l'accès généralisé au web. Il fallait justifier, auprès de leurs tutelles, de la plus-value qu'elle pouvaient apporter en milieu numérique et de l'emploi le plus efficient possible des deniers publics. Adoptant une démarche qualité héritée du management en entreprise, la politique documentaire entend rationaliser l'utilisation des ressources au plus près des besoins et des attentes des collectivités servies dans le but de satisfaire le client-usager dans une logique de performance. L'élaboration d'un diagnostic de ces besoins et attentes permet d'élaborer un projet de développement de la bibliothèque appuyé sur l'identification d'axes de progrès. Les grandes lignes ainsi définies sont déclinées en objectifs opérationnels associés à des indicateurs de réussite. Un tableau de bord consignant les données relevées à partir de ces indicateurs permet ensuite d'évaluer la mise en œuvre et de préparer le renouvellement optimisé de la politique menée. C'est ce modèle bibliothéconomique qui a été importé et implanté artificiellement dans le système éducatif du secondaire par le CNDP et et la DESCO en mai 2000 dans le but avoué de reprendre la main sur le dossier des CDI que le CNDP estimait avoir perdu suite à la création du CAPES de Sciences et techniques documentaires en 1990. L'IGEN chargée de la Documentation a en quelque sorte concrétisé cette intégration dans un rapport, appelé rapport Pouzard, paru en janvier 2001 et a proposé une amorce de projet de circulaire où la politique documentaire occupait la première place. Par la suite, pendant 10 ans, tous les projets de circulaire ont consacré un axe primordial à la politique documentaire, en sus d'un axe dédié à la gestion du CDI, faisant par la même occasion reculer l'axe pédagogique à un rang secondaire. Le dernier en date est la proposition avortée de janvier 2011.

. Une contradiction importante entre l'arrêté et la circulaire à propos de la politique documentaire

Si l'arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation prend bien en compte l'idée d'associer la mission des professeur.e.s documentalistes à la mise en œuvre d'une politique documentaire, sa mention explicite disparaît totalement de l'intitulé de l'axe qui lui est consacré. La réaction de rejet de la profession d'une part, et l'échec patent de son implantation sur le terrain d'autre part en sont certainement la cause. L'axe rétrograde de fait en deuxième position dans le texte, redonnant la première place à la mission pédagogique, perd la mention « politique documentaire » et voit celle-ci incorporée dans l'injonction à organiser et à mettre à disposition les ressources pédagogiques de l'établissement. La circulaire de 2017 ne pouvait faire autrement que de décliner ces arrangements. Ce qu'elle a fait... en partie seulement.

Ainsi la politique documentaire est-elle relativement peu visible dans le texte de la circulaire puisqu'elle n'apparaît plus explicitement dans l'un des trois axes et n'est même pas mentionnée dans le préambule. Cet état pourrait être jugé significatif au regard de la place prépondérante que lui accordaient le rapport Pouzard en 2001 et le rapport Durpaire en 2004 et marquer une réelle régression. Pour autant, une différence importante apparaît entre le texte de l'arrêté et celui de la circulaire qui en émane. Elle touche au cœur même de la définition de la politique documentaire et en propose deux conceptions radicalement différentes. L'arrêté donne au concept « pour objectif principal de permettre à tous les élèves d'accéder aux informations et aux ressources nécessaires à leur formation ». En cela, il se montre conforme à la vocation première du concept bibliothéconomique qui est de rationaliser l'accès des usagers aux ressources du centre. La circulaire, quant à elle, ne se satisfait pas de cette conception et présente une seconde orientation, totalement absente de l'arrêté, avec « pour objectif principal la réflexion et la mise en œuvre de la formation des élèves à la culture informationnelle, l'accès de tous les élèves aux informations et aux ressources nécessaires à leur formation. » Ainsi la formation des élèves à la culture informationnelle, pourtant déjà présentée dans l'axe 1 du texte, serait-elle prise en charge par la politique documentaire. Le rédacteur de la circulaire semble ici confondre les dispositifs de formation des usagers propres aux bibliothèques, d'approche essentiellement procédurale (aide à la recherche, prise en main du catalogue), avec les pratiques d'enseignement-apprentissage, ouvertes à l'approche déclarative, qui se déroulent au CDI et qui visent l'accès à la culture de l'information et des médias. Surtout, il met au premier plan la dimension pédagogique au risque d'instrumentaliser la politique documentaire. Ainsi, comment fonder un enseignement de l'Information-Documentation et mettre en œuvre une progression des apprentissages de la 6ème à la terminale en s'appuyant sur une simple consultation des usagers ? Les programmes et référentiels des autres disciplines sont-ils ainsi élaborés ?

Par ailleurs, nous avons déjà eu l'occasion de dénoncer avec force10, et avec d'autres11, cette proposition irréaliste et périlleuse de faire dépendre le mandat pédagogique des professeur.e.s documentalistes d'une validation du conseil d'administration. Elle a pour conséquence – ou pour but – de déplacer la responsabilité pédagogique des actions de formation vers l'instance du CA et ses membres, en totale contradiction avec leur statut de certifié. Le texte de la circulaire revient ainsi sur les multiples dépendances qui entravent cette chimérique liberté pédagogique : « sous l'autorité du chef d'établissement », « avec les autres membres de la communauté pédagogique et éducative et dans le cadre du projet d'établissement, il élabore une politique documentaire validée par le conseil d'administration, et à sa mise en œuvre dans l'établissement. »

Mais nous préférons insister ici sur cette incompréhensible incohérence entre les orientations prônées par les deux textes, sachant qu'une circulaire ne devrait en aucun cas prévaloir sur un arrêté dont le statut hiérarchique est supérieur. Que l'on ne se méprenne pas. Il ne s'agit pas d'un simple ajout qui pourrait être sans conséquence, mais au contraire d'une disposition contraire à l'arrêté qui modifie totalement la portée de la politique documentaire, lui octroyant une valeur d'axe intégrateur de la mission pédagogique. La précession des missions se trouve dès lors inversée : dans l'arrêté, la mission pédagogique est première et la politique documentaire son moyen, mais dans la nouvelle circulaire, cette dernière reprend la main sur le pédagogique, visant en priorité la formation à la culture informationnelle avant même l'accès aux ressources. Cette manœuvre entend tout simplement donner la main au chef d'établissement, aux membres des communautés pédagogique et éducative et au CA. On peut en tout cas s'attendre à ce que le texte soit ainsi interprété, notamment lorsqu'il sera question de tenir compte, en dernier ressort, du « bon fonctionnement du CDI ».

Afin de sortir de ce qui pourrait être considéré à juste titre comme un piège par la profession, il ne peut être que conseillé, ou bien de jouer sur cette erreur syntaxique repérée et analysée par l'APDEN12, ou bien de se référer avec autorité au texte de l'arrêté qui prévaut sur la circulaire.

Un pas en avant

Conclusion : lecture contre lecture, a-t-on avancé ?

Vingt-sept ans après l'instauration du CAPES, la nouvelle circulaire de missions des professeur.e.s documentalistes entend combler une lacune et un retard en instituant ceux-ci en tant qu'enseignants, avec des missions spécifiques. Si certaines des marques symboliques d'appartenance au corps des enseignants sont présentes, il n'en reste pas moins que cette identité reste partielle. En effet, le texte ne renvoie pas les professeur.e.s documentalistes à un quelconque programme ni ne leur accorde des heures institutionnalisées. Par contre, leur action se voit plus que jamais dépendante de deux textes (projet d'établissement et politique documentaire) et contrôlée par le conseil d'administration.

La question qui importe alors est de savoir si ce texte changera quelque chose dans le quotidien des professeur.e.s documentalistes. Nous avons remarqué qu'il renfermait à la fois des perspectives encourageantes (prise en compte du CAPES, reconnaissance de l'Information-Documentation, décompte des heures d'enseignement, etc.) et des entraves tout aussi conséquentes marquant d'importantes contradictions internes. A géométrie variable, selon l'angle avec lequel on le regarde, ce nouvel objet réglementaire se prête à des lectures plurielles et chaque parti pourra y puiser les arguments qui l'arrangent. Pour qu'il soit utilisable et utile au personnel concerné, il faudra donc faire prévaloir une lecture contre une autre. Dans certains cas, cette autre lecture sera celle du chef d'établissement, dont l'autorité est rappelée à deux reprises dans le texte - alors qu'elle était absente de l'arrêté- , lui permettant d'avoir le dernier mot. Ainsi pourra-t-il être rappelé qu'enseigner n'est pas une obligation mais une simple possibilité, que l'offre d'enseignement est encadrée par un texte de politique documentaire et placée sous un joug collégial et que le « bon fonctionnement du CDI » reste la clé ultime de compréhension des décisions qui pourront être prises.

Dans ce contexte, les avancées enregistrées ne se réduisent-elles pas tout simplement à quelques images symboliques ? L'enjeu serait de pallier un réel manque de reconnaissance identitaire, lequel s'est notamment exprimé dernièrement lors de l'apparition de l'EMI, lorsque les professeur.e.s documentaliste se sont aperçus qu'ils n'étaient ni reconnus pour leur expertise, ni même convoqués. Le préjudice moral semble ainsi réparé par cette circulaire13, en sus de combler le retard accumulé aux dépens de la profession et d'actualiser le décompte des missions. Pour autant, peu de choses vont pouvoir bouger concrètement puisque les appuis indiqués dans le texte se révèlent tous, les uns après les autres, instables ou contredits par des propositions inverses, manifestant, à l'analyse, l'incohérence structurelle de ce texte.

La circulaire de 1986 obligeait les professeur.e.s documentalistes à s'appuyer sur les actions énumérées pour faire prévaloir une mission enseignante qui était absente du texte. Celle de 2017 devrait inspirer un changement de stratégie : partir de la reconnaissance officielle – chèrement acquise – du statut et de la discipline pour se dégager le plus possible du carcan de la politique documentaire et faire valoir son action et sa responsabilité. Les avancées tangibles, une fois de plus, sont à attendre de la capacité de la profession à exploiter tout ce qui peut l'être afin de tracer les perspectives les plus ambitieuses dans le but d'ouvrir le chemin de tous les élèves à la culture de l'information et des médias.


  1. Le rapport Tallon (1974), à l'origine de la première circulaire de 1977, titrait « Le Centre de Documentation et d'Information : Son rôle - Son fonctionnement. » 

  2. M.E.N. I.G.E.N.-E.V.S. Du CDI au Learning Centre : Séminaire de l'Esen, 24-26 mars 2011. EDUSCOL, avril 2011. URL : http://eduscol.education.fr/cdi/actualites/archives/2011/LearningCentre 

  3. Duplessis Pascal. « Réinventer les CDI » : analyse d’un slogan. Regard sur la stratégie de communication de l’IGEN EVS pour faire entrer les Learning centres dans le secondaire. Les Trois couronnes, 12-2011. URL : http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/table-ronde/reinventer-les-cdi-analyse-d-un-slogan-regard-sur-la-strategie-de-communication-de-l-igen-evs-pour-faire-entrer-les-learning-centres-dans-le-secondaire 

  4. Durpaire François. « Du CDI à l’ECDI : 50 ans d’expérience de la documentation scolaire en France ». Congrès des milieux documentaires du Québec, Montréal, du 3 au 5 novembre 2010. ENSSIB, 2010 

  5. Ragache Claude, Treut Michel, Viger Jean-Pierre [2000]. « Organiser l’espace CDI, un espace de formation des élèves ». Académie de Rouen, mars 2000. URL : http://documentation.spip.ac-rouen.fr/spip.php?article20 

  6. M.E.N. Décret n°2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d’enseignement du second degré. Légifrance, 2014. URL : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029390906 

  7. Duplessis Pascal. Les trois matrices disciplinaires de l'Information-Documentation. Les Trois couronnes, mars 2017. URL : http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/didactique-information/les-trois-matrices-disciplinaires-de-l-information-documentation 

  8. Profdocosphère est un annuaire de sites de mutualisation des professeur.e.s documentalistes hébergé par le site Docpourdocs. URL : http://profdocosphere.docpourdocs.fr/ 

  9. Duplessis Pascal. « L’objet d’étude des didactiques et leurs trois heuristiques : épistémologique, psychologique et praxéologique ». Séminaire du GRCDI, Didactique et culture informationnelles : de quoi parlons-nous ? 14 septembre 2007. Les Trois couronnes, 2008. URL : http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/didactique-information/l-objet-d-etude-des-didactiques-et-leurs-trois-heuristiques 

  10. Duplessis Pascal. « La troisième version du projet de circulaire de mission des professeurs documentalistes : des contradictions de fond ». Les Trois couronnes, janvier 2017. URL : http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/actu/la-troisieme-version-du-projet-de-circulaire-de-mission-des-professeurs-documentalistes-des-contradictions-de-fond 

  11. APDEN. « Refonte de la circulaire de mission : projet 3. Lecture comparative et analyse ». APDEN, 25-01-2017. URL : http://www.apden.org/Refonte-de-la-circulaire-de-410.html Dimier Gildas. « Circulaire de missions des professeurs documentalistes. A l’heure du choix entre tension et équilibre ». Cactus acide, 25-01-2017. URL : http://www.culturedel.info/cactusacide/?p=8616 

  12. L'APDEN propose de corriger l'erreur syntaxique présente dans la phrase « « [La politique documentaire] a pour objectif principal la réflexion et la mise en œuvre de la formation des élèves à la culture informationnelle » par celle-ci : « [La politique documentaire] a pour objectif principal la réflexion sur la mise en œuvre de la formation des élèves à la culture informationnelle. », qui limiterait ainsi le pouvoir décisionnel des autres acteurs à une réflexion sur les seules modalités. APDEN. « Nouvelle circulaire de mission(s) des professeurs documentalistes : Analyse critique de l’A.P.D.E.N. APDEN, avril 2017. URL : http://apden.org/Nouvelle-circulaire-de-mission-s.html 

  13. Dans le même esprit d'apaisement peut-on lire dans la dernière circulaire de rentrée ceci : « Dans une société de l'information et de la communication, et dans le contexte de prévention de la radicalisation, la formation des élèves impose une éducation renforcée aux médias et à l'information, incombant en particulier aux professeurs documentalistes. ». M.E.N. « Circulaire de rentrée 2017. Circulaire n° 2017-045 du 9-3-2017 ». B.O n°10 du 9 mars 2017. URL : http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=113978 


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