Un nouveau référentiel qui intègre les savoirs info-documentaires

Extrait de la carte sous FreeMind

Sur le site FORMDOC de l’IUFM de Rouen vient de paraître un nouveau référentiel de compétences articulant des savoirs info-documentaires aux savoir faire et aux savoir être. S’adressant aux BEP des métiers du bâtiment, il a été élaboré à partir d’une analyse des référentiels professionnels. Une avancée importante pour la didactique de l’information.

    Ce Référentiel info-documentation BEP, très sommairement introduit par ses auteurs, parle de lui-même : une carte heuristique (FreeMind) déroulant les niveaux du référentiel au fur et à mesure des avancées de la souris.

    A gauche : les 10 compétences du référentiel professionnel relevant du domaine info-documentaire ; à droite : les compétences et sous-compétences info-documentaires correspondantes. Celles-ci se déploient sur 5 niveaux hiérarchisés. Le premier niveau correspond aux objectifs intermédiaires des taxonomies d’objectifs (Structure des référentiels de compétences info-documentaires), à savoir une décomposition de la recherche documentaire en 4 étapes (cerner son sujet ; rechercher et sélectionner des documents ; traiter l’information ; restituer l’information). Un deuxième niveau voit ces 4 étapes déclinées en 9 sous-compétences (ou objectifs spécifiques), telles « Déterminer une stratégie de recherche professionnelle » ou « Choisir l’outil de recherche adapté ». Dans un troisième niveau, chacune de ces 9 sous-compétences est ensuite décomposée en « savoirs », « savoir faire » et « savoir être ». Les « savoirs » sont pour leur part encore dissociés (4ème niveau) en objectifs de type déclaratif et en « notions » (5ème niveau).

    Ainsi, pas moins de 19 objectifs déclaratifs sont proposés, tels « Connaître les usuels spécialisés », « Connaître les modalités d’interrogation de chaque outil de recherche » ou encore « Connaître les critères de pertinence d’un document ». Leur sont adjoints 51 notions, dont « Mot-clé », « Document primaire et secondaire », « Requête », « Source d’information », « Structure du document » ou « Propriété intellectuelle ». Avant d’aller plus loin, une réserve peut être émise concernant la formulation de quelques objectifs : ainsi, « Mobiliser son vocabulaire technique et professionnel » (étape 1), « Savoir interroger les outils de recherche » (étape 2) et « Acquérir des méthodes de prélèvement de l’information » (étape 3) nous semblent indiquer des objectifs de type procédural plutôt que des objectifs de type déclaratif.

 

    Cela dit, cet outil référentiel présente de véritables atouts qu’il convient de faire valoir. Si le fait de réunir dans un même outil les savoir faire et les notions est une idée qui a su faire son chemin ces dernières années, ce référentiel est le premier, du moins à notre connaissance, à rendre cette idée concrète et opérationnelle. La compétence est ici prise au sens de connaissance syncrétique, intégrant différents type de connaissances : déclaratives (les savoirs et les notions), procédurales (les savoir faire) ainsi que les attitudes (les savoir être). Pour cette raison, nous classerons ce référentiel Information-documentation BEP dans le type des référentiels à « approche par compétence intégrale » (voir Typologie des référentiels de compétences info-documentaires). Dans les années 90, souvenons-nous que la compétence était confondue aux seuls savoir faire, interdisant alors de penser qu’il pouvait y avoir des savoirs spécifiques en Information-documentation et justifiant ainsi, au travers du mythe de la transversalité des compétences, l’impossibilité de voir naître un champ disciplinaire spécifique.

    Aujourd’hui, l’Education nationale, suivant en cela les recommandations européennes, reconnaît le caractère intégrateur de la compétence comme en témoigne le Socle commun dont elle constitue l’architecture puisqu'elle y est diffractée en connaissances, capacités et attitudes. L’enjeu est plus important qu’il n’y paraît à première vue : reconnaître qu’une compétence ne peut être envisagée sans prendre en compte les savoirs de type déclaratif, c’est reconnaître l’existence de savoirs en Information-documentation et, au-delà, l’existence d’un champ conceptuel et d’une spécificité s’adossant à une discipline universitaire et réclamant l’expertise d’un enseignant. Des enjeux éducatifs et professionnels se constituent ainsi autour de la réhabilitation de la notion de compétence en générale, et info-documentaire en particulier.

 

    Par ailleurs, l’intérêt de l’outil référentiel Information-documentation BEP réside également dans le processus d’élaboration et de formalisation accompli à partir d’un référentiel disciplinaire. Les auteurs démontrent que si des compétences peuvent exister de manière dispersée, erratiques dans des programmes ou référentiels professionnels ou disciplinaires, il est possible de les regrouper et de les compléter pour servir de matrice à une formation raisonnée. Encore faut-il qu’une réflexion didactique d’importance, révélatrice d’une expertise pédagogique particulière, soit menée pour

            - structurer la formation, la planifier et l’organiser ;

            - hiérarchiser les niveaux de compétences ;

            - distinguer entre les différents types de connaissances ;

            - identifier et structurer les notions  corrélées pour pouvoir les enseigner.

 

    Un travail analogue pourrait être conduit à partir des programmes des autres disciplines. Il conduirait à positionner l’Information-documentation comme discipline partenaire plutôt que servante. L’élaboration des contenus disciplinaires gagnerait ainsi beaucoup à ce que les élèves développent un véritable savoir de l’information à partir duquel interroger les autres « savoirs » qui leur sont proposés. Se limiter à une simple recension des occurrences documentaires dans les programmes disciplinaires, tel que cela a été effectué en 2006 dans l’académie de Toulouse qui a publié un ouvrage abusivement intitulé Culture de l’information et disciplines d’enseignement, paraît bien dérisoire à côté du chantier à accomplir. Pire, au contraire du travail constructif proposé par l’équipe de Rouen, l'entreprise de Toulouse ne semble avoir d’autre intérêt que de vouloir démontrer l’inutilité des professeurs documentalistes en éparpillant les contenus info-documentaires, réduits uniquement à des savoir faire, au grand vent des programmes. A l’opposé de cela, le référentiel Information-documentation BEP montre la nécessaire cohérence d’un enseignement maîtrisé et confié à des professeurs responsables d’une matière spécifiée.

    Aussi ce référentiel ne s’adresse-t-il pas seulement aux professeurs documentalistes exerçant en LP, mais à tous, quel que soit leur niveau d’exercice, afin de puiser là un modèle structurant et une approche très professionnelle pour préparer les séquences à partir de la définition d’objectifs appropriés et de l’articulation maîtrisée des savoirs, des savoir faire et des compétences. Les étudiants préparant le CAPES et les jeunes professeurs y trouveront quant à eux une base structurée d'objectifs les aidant à appréhender l'action pédagogique ou les guidant dans leurs premiers pas.

 

    Cette publication semble être le premier fruit d'un projet collaboratif intitulé "Mutualisation LP" et coordonné par Angèle Stalder, professeur documentaliste. Créé en 2005, ce projet se donne pour but de "mettre en place un espace numérique de travail collaboratif entre professeurs documentalistes des lycées du métier du bâtiment de l'académie de Rouen". Nous attendons les récoltes à venir avec impatience !