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http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/table-ronde/pour-une-education-aux-medias-et-a-l-information-efficiente

Pour une éducation aux médias et à l'information efficiente

Sur le site du Sénat, M. David Assouline, sénateur de Paris, vient d'ouvrir un blog sur lequel il dénonce le retard et les carences de l'Education nationale en matière d'éducation aux médias. Chargé de rédiger un rapport sur « l'impact des nouveaux médias sur la jeunesse », M. Assouline souhaite recueillir sur ce blog les idées, les témoignages et les réflexions des internautes sur « les risques et les opportunités des nouveaux médias pour la jeunesse. », ces contributions devant servir à alimenter les analyses faites pour le rapport final. Or, dans les propos tenus, aucune allusion n'est faite au rôle du professeur documentaliste dans cette éducation qui, au-delà des médias, concerne le domaine de l'information-documentation. Il nous a donc semblé utile de faire connaître à M. Assouline la place et le rôle qu'y tient le professeur documentaliste, ainsi que les combats et les revendications qui sont les nôtres depuis de nombreuses années afin d'instituer dans le système éducatif français une éducation, voire un enseignement, cohérent et opérant visant à développer chez les élèves une véritable culture de l'information.

Voici donc le billet-commentaire publié sur le blog du sénat :

Je partage tout à fait votre avis sur le manque d'éducation efficiente aux médias dans l'enseignement actuel. Certes, les intentions existent (création du CLEMI et incitation dans les textes officiels, prise en compte dans le socle commun...) mais la concrétisation sur le terrain reste aléatoire et, disons-le, inopérante car non encadrée par un curriculum formalisé, dont la mise en oeuvre serait généralisée dans un cadre horaire défini pour chaque niveau d'enseignement et confiée à un enseignant ayant reçu une formation spécialisée dans ce domaine.

Un autre handicap, me semble-t-il, tient au fait que cette éducation est considérée comme non spécifique, « transversale » et donc relevant de toutes les disciplines. Cet éclatement disciplinaire ne favorise pas la cohérence des apprentissages propres au domaine de connaissance particulier que recouvre l'éducation aux médias et, plus largement, à l'information. Le récent rapport sur l'éducation aux médias que vous évoquez pointe et fait ressortir ces carences.

Or, il existe dans le système éducatif français un corps d'enseignants spécialisés dans le domaine de l'information et de la documentation, il s'agit des professeurs documentalistes, recrutés par un CAPES en sciences et techniques documentaires et régis par une circulaire (1986) qui les charge d'une mission pédagogique de formation des élèves.

Les professeurs documentalistes ont toujours pris en charge des formations liées à l'éducation aux médias et à l'information. Mais, contraints à un travail en partenariat avec les collègues des autres disciplines, sans obligation pour ces derniers ni de concevoir des séquences sur les médias, ni de travailler avec le professeur documentaliste, les formations qu'ils mettent en place ont peu d'impact et aucun programme systématique et progressif ne peut être envisagé. Ces formations restent ainsi soumises aux aléas des conjonctures propres à chaque établissement et relèvent plus du « saupoudrage » éducatif que d'un véritable enseignement visant des objectifs d'apprentissages précis et construits.

Depuis de nombreuses années, les professeurs documentalistes revendiquent la reconnaissance et la formalisation des contenus d'enseignement qui relèvent de leur domaine de spécialité, à savoir l'information-documentation, domaine qui recouvre les connaissances relatives aux médias. Ces revendications sont portées, depuis sa création en 1972, par la FADBEN, association professionnelle des professeurs documentalistes de l'Education nationale, qui, face au vide institutionnel, à toujours été force de proposition en matière de pédagogie et de didactique de l'information. Elle conduit une réflexion féconde et son récent 8ème congrès de Lyon (28-30 mars 2008) était consacré aux pratiques informationnelles des jeunes, thématique que vous interrogez à juste titre sur ce blog. La Fadben a aussi élaboré des outils d'aide à la conception de séquences d'apprentissage tels que le référentiel de compétences élève publié en 1997, devenu une référence en matière d'apprentissages documentaires, et, en 2007, le corpus didactique de savoirs scolaires en information-documentation. Cette réflexion professionnelle à contribué à l'émergence de la didactique de l'information, laquelle trouve aujourd'hui une assise scientifique dans les travaux menés par l'ERTé « Culture informationnelle et curriculum documentaire » pilotée par Annette Béguin et rattachée à l'université de Lille3.

Pour répondre à la question que vous posez : « comment faire pour que les élèves puissent développer une analyse critique de l’image et de l’information diffusée sur Internet ? », il me semble qu'il faut en passer par un enseignement identifié en tant que tel, formalisé par un curriculum intégrant les contenus d'enseignement à développer, les modalités de leur mise en oeuvre dans le système scolaire, ainsi que les situations d'apprentissage et d'évaluation de ses apprentissages à prévoir.

Pour prévenir les risques liés à l'utilisation d'Internet et à la diffusion de plus en plus foisonnante d'une information non validée autant qu'incontrôlable, il faut certes une législation et la mise en place de protections pour les jeunes, mais je crois avant tout aux vertus de l'éducation et de la formation des esprits. Education qui en passe nécessairement par l'acquisition de connaissances favorisant le développement et l'exercice d'une pensée réflexive autant que critique, seule garante d'une émancipation autant personnelle que citoyenne.

Pour en savoir plus sur les travaux en didactique de l'information et sur l'action des professeurs documentalistes, voici quelques sites et références :