Référence documentographique

Stalder, Angèle. PACIFI/CIRCULAIRE : Et si le but était de nous transformer en chef de travaux de l’information et de l’informatique de l’EPLE ? Les Trois couronnes, janvier 2011.

http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/table-ronde/pacifi-circulaire-et-si-le-but-etait-de-nous-transformer-en-chef-de-travaux-de-l-information-et-de-l-informatique-de-l-eple

PACIFI / CIRCULAIRE : Et si le but était de nous transformer en chef de travaux de l’information et de l’informatique de l’EPLE ?

Le rôle attribué au professeur documentaliste dans le PACIFI et le projet de circulaire envoyé par la DGESCO aux syndicats et à la FADBEN pour « information » me font penser à celui de Chef de travaux dans les lycées technologiques et professionnels. L’échec de la mise en place du B2i depuis des années, les difficultés et les réticences rencontrées sur le terrain pour la mise en place du Socle commun et du livret de compétences dans les collèges, de l’accompagnement personnalisé dans les lycées, sont dus à une seule chose : l’absence d’un personnel qualifié connaissant le système scolaire et capable de fédérer l’ensemble des enseignants autour d’un projet. L’annonce récente du ministère de développer les ENT, la mise en place du Webclasseur et des PDMF ne font que renforcer ma crainte. Il manquait un cadre : désormais il existe, le conseil pédagogique. Néanmoins, une autre question se pose : qui pour mettre tous ces dispositifs en place ? Les COP ? Ils ne sont plus présents dans les établissements. Les professeurs principaux ? Leurs charges s’alourdissent d’année en année. Les principaux ou proviseurs adjoints ? Leur temps est compté et leurs charges s’alourdissent aussi. Les CPE ? On y arrivera aussi, ne sont-ils pas cités dans le projet de notre circulaire ? Mais qui alors pour gérer l’absentéisme et le décrochage scolaire, ce à quoi on les réduit de plus en plus et qui constitue, à juste titre, une des priorités du Ministère ?

Eh bien nous.

On pourrait se réjouir car pour le coup, certaines de nos compétences sont reconnues :

  • notre connaissance du système scolaire

  • notre travail de collaboration avec les autres enseignants

  • notre connaissance des programmes et des dispositifs éducatifs

  • notre compétence technologique : nous avons su développer des compétences en la matière parce qu’il fallait évoluer avec les technologies pour gérer notre fonds

  • notre compétence pédagogique : c’est de là que le danger vient.

Sous couvert de reconnaissance de cette compétence, on ignore une autre compétence liée, celle de la maîtrise d’une didactique propre à notre enseignement.

Et je vois le danger de nous transformer en chef de travaux. Lui aussi voit son rôle pédagogique mis en avant. Lui aussi doit être un expert conseiller du chef d'établissement. Lui aussi a une expertise qu'il doit mettre au service de la communauté scolaire. Lui aussi a un emploi du temps qui lui permet d'être présent dans l'établissement suffisamment longtemps pour connaître tous les paramètres à prendre en compte pour la mise en place de dispositifs éducatifs. Mais ce n'est pas ça mon métier : faire des plannings, rédiger des synthèses, tenir des arbitrages entre collègues, faire de la formation pour les autres enseignants, acquérir du matériel informatique, des logiciels, gérer un ENT, le site de l'établissement.

Cette expertise pédagogique convoquée est à comparer avec celle du chef de travaux, personne clef des lycées technologiques et professionnels.

Lisons des morceaux choisis extraits de la circulaire des fonctions du chef de travaux (Circulaire n° 91-306 du 21 novembre 1991) :

« La fonction de chef de travaux, essentiellement de nature pédagogique, doit tenir compte des évolutions de l'enseignement et de l'organisation des établissements scolaires. (…) Le chef de travaux est à la fois un spécialiste d'une discipline et le détenteur de compétences élargies qui en font un véritable « généraliste » de l'enseignement technique. Il exerce sa fonction à l'intérieur et à l'extérieur de l'établissement, sous l'autorité directe du proviseur et dans le cadre du projet d'établissement.(…) Le chef de travaux joue un double rôle d'organisateur et de conseiller du chef d'établissement, tant pour l'enseignement initial que pour la formation continue. »

Transposons maintenant ces missions à notre cas : le professeur documentaliste devient un élément subitement incontournable dans l’EPLE où il exerce : "on s'appuie sur lui" en tant qu’expert de l’information communication pour la mise en place de la politique documentaire de l’EPLE, la gestion des ressources et leur accès pour l’ensemble de la communauté éducative, voire scolaire (ce serait l’occasion de faire entrer les familles pour de bon dans les établissements), pour l'organisation pédagogique du PACIFI, des PDMF, de l’Accompagnement personnalisé, du B2i, pour l'élaboration des emplois du temps (planning de la salle info), pour la gestion et les commandes des matériaux (logiciels, ordinateurs, vidéoprojecteurs...), pour la maintenance des installations, pour la gestion du droit de l’information au sein de l’établissement dont on sait qu’il n’est pas respecté (diffusion de documents sans les droits afférents, copies illégales de logiciels, détournements de licences monopostes par des installations sur le serveur, etc.). Mais, comme pour les chefs de travaux, on nous laissera la possibilité de faire quelques heures de cours, histoire de justifier notre statut d’enseignant pourtant vidé de sens.

Et les départements et les régions dans tout cela ? Ne perdons pas de vue l'intérêt pour les collectivités territoriales d'avoir des chefs de travaux de la culture de l'information et de l'informatique, dans le cadre de la mise en place des ENT... La réforme des collectivités territoriales est annoncée pour 2014. Le PACIFI et la circulaire en l’état préparent le modèle d’un nouvel enseignant transférable aux collectivités territoriales qui déjà financent le lieu que nous gérons « sous l’autorité du chef d’établissement ».

Que de gâchis si cette circulaire en l’état est adoptée, entérinant de fait le PACIFI. Que faire de toutes les recherches en didactique, que faire de toutes les réflexions menées sur le terrain pour tenter d’établir des progressions d’apprentissage non pas sur des compétences procédurales, mais bien sur des concepts clés de l’information documentation ? Comment l’institution va-t-elle gérer cette ressource humaine riche qui a pris et continue de prendre part à la construction d’une profession que d’autres pays nous envient ? Comment ne pas tomber dans l’amertume et la frustration de compétences professionnelles reconnues en matière d’enseignement de qualité ? Et l’élève dans tout ça ? Comment se contenter pour lui de ce saupoudrage ? Ne devons-nous pas assurer un service public de qualité et donner toujours le meilleur aux apprenants ? La politique d’excellence tant vantée serait-elle si difficile à mettre en œuvre ? Nous sommes utilisés pour pallier des fonctions vicariantes des EPLE.

Je ne peux m’empêcher de croire désormais que la pluralité de nos profils professionnels a été maintenue voire entretenue par l’institution et ce n'est pas un hasard. L'identité du professeur documentaliste n'a jamais été aussi plurielle... c'est plus facile pour faire passer en force un texte qui semble un palimpseste de dispositifs passés qui n’ont pas abouti faute de moyens humains et matériels, Le danger est grand que l'élève se perde dans un dédale de nouveaux dispositifs vidés de sens, n'ayant pour fil d'Ariane que la RGPP qui, pour le coup, se décline davantage en Réduction qu’en Révision Générale des Politiques Publiques.

Mais d’un mal naît toujours un bien, n’est-ce pas ? Peut-être ne devrions-nous pas craindre cette révolution, ce serait un moyen certainement plus rapide pour nous d’accéder à l’agrégation, tout comme les chefs de travaux, sans que cela ne pose quelque problème institutionnel.


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