Référence documentographique

Yvinec Yaëlle. "La notion d'URL : pourquoi la didactiser à l'heure de l'éducation aux médias et à l'information ?". Les Trois couronnes, mai 2017. URL :

http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/didactique-information/la-notion-d-url-pourquoi-la-didactiser-a-l-heure-de-l-education-aux-medias-et-a-l-information

La notion d'URL : pourquoi la didactiser à l'heure de l'éducation aux médias et à l'information ?

Étudier l’adresse URL c’est en révéler de nombreuses dimensions à la fois théoriques, techniques et pratiques. Serait-il alors pertinent de lui accorder une véritable place dans les enseignements ?

Cette étude, conduite dans le cadre d'un mémoire professionnel, a pour objectif de proposer une évaluation diagnostique de la place accordée à l’adresse l’URL dans l’enseignement secondaire au travers des programmes scolaires et de l’utilisation qui en est faite lors de la navigation par des élèves de collège, afin d’appréhender le bien fondé de sa potentielle didactisation à l’heure où l’information-documentation intègre l’EMI (Éducation aux Médias et à l’Information).

Nous nous limiterons ici à présenter la problématique de cette étude et à livrer quelques unes de nos conclusions. Notons également que ce mémoire, soutenu en juin 2015, s’appuie sur des référentiels, des programmes et des lois antérieurs à la réforme du collège applicable à la rentrée 2016.

1. Présentation de la problématique

L’URL est par exemple utile lors du processus de recherche et de sélection de l’information. Or, ce processus est l’un des axes de l'enseignement méthodologique que peut proposer le professeur documentaliste. Cependant, comme l’explique Alexandre Serres dans sa définition de la culture informationnelle selon la formule des « 3 R », Réaliser, Réfléchir et Résister1, l’enseignement info-documentaire se prolonge bien au-delà de l’aspect technique et méthodologique du travail d’analyse du besoin, de recherche, d’évaluation, de sélection, de collecte, de traitement et d’utilisation de l’information. Il s’agit donc pour la profession de pouvoir faire évoluer la teneur des enseignements et la didactisation des savoirs théoriques que le travail de recherche en S.I.C. (Sciences de l’Information et de la Communication) a permis et permet encore d’identifier.

L’institution, au travers des programmes de technologie au collège et dans les voies technologiques au lycée, ou par le biais d’option d’enseignement spécialisé comme en terminale S, impose l’enseignement d’aspects techniques et informatiques liés à l’usage des outils numériques. Jusqu'à la rentrée 2017, certains de ces apprentissages sont évalués grâce au dispositif du B2i (Brevet Informatique et Internet) au collège (2011) et au lycée (2013)2. Néanmoins, étant centré sur l’usage des outils numériques, cet enseignement n’est pas un enseignement scientifique à proprement parlé, c'est-à-dire faisant appel à des savoirs théoriques.

En 2013, la nouvelle loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a inscrit l’EMI (Éducation aux Médias et à l’Information) dans son article 53. L’EMI prend ainsi place au centre des préoccupations du professeur documentaliste. Elle semble trouver ses origines dans la translittératie, un concept né en 2005, issue du monde anglo-saxon et d’un rassemblement riche en chercheurs d’horizons très variés. Sue Thomas, chercheuse britannique, définit la translittératie comme : « l’habileté à lire, écrire et interagir par le biais d’une variété de plateformes, d’outils et de moyens de communication, de l’iconographie à l’oralité en passant par l’écriture manuscrite, l’édition, la télé, la radio et le cinéma, jusqu’aux réseaux sociaux »3

En France, dès 2007, des chercheurs comme Olivier Le Deuff et Alexandre Serres travaillent sur les articulations à trouver entre les littératies informationnelles, médiatiques et numériques. La translittératie apparaît alors comme un concept intégrateur. Divina Frau-Meigs, qui anime le projet Trans-lit, note ainsi que : « le néologisme de « translittératie », […] peut être considéré comme opératoire, car il regroupe en son sein la triple maîtrise de l’information, des médias et du numérique et englobe la notion d’éducation (à la française, comme dans « éducation aux médias ») et la notion d’alphabétisation (à l’anglaise, comme dans « media literacy »), rendant compte de la double dimension abstraite et pragmatique du phénomène considéré. »4

L’EMI regroupe cette triade que forment la culture médiatique, la culture informationnelle et la culture numérique, aujourd’hui au centre de préoccupations scientifiques, professionnelles et institutionnelles dans le champ des S.I.C. Elle implique des notions d’information-documentation qui doivent être étudiées dans le cadre des enseignements disciplinaires.

Dans ce contexte, avec l’entrée en vigueur de l’EMI dans les programmes, nous cherchons à étudier l’adresse URL dans un cadre d’enseignement extra-méthodologique. Ainsi, l’URL pourrait-elle être considérée comme un objet d’étude info-documentaire et justifier l’engagement d’un travail pour sa didactisation ?

Une première partie définitoire, suivie de l’étude des potentiels enjeux économiques, commerciaux, éthiques et politiques liés à l’adresse URL, nous mène à un état des lieux de la place qui lui est actuellement donnée dans les programmes et dans les enseignements menés sur le terrain. Nous définissons alors ce qu’est un objet d’étude afin d’en délimiter les contours et ainsi déterminer des angles d’approche de l’adresse URL selon les différents champs disciplinaires impliqués avant d’énoncer les suppositions qui ont guidé nos axes d’étude dans l’enquête. Nous abordons dans un second temps l’élaboration d'une enquête menée auprès de 60 collégiens du Maine-et-Loire, en présentant le questionnaire, le cadre de son déroulement et de sa conduite, puis en expliquant le mode opératoire choisi pour l’analyse des résultats. Enfin, nous présentons les résultats bruts et leur analyse avant d’engager une discussion qui permet de confronter nos suppositions aux cas concrets du terrain puis d’apporter des éléments de réponse à notre interrogation initiale.

2. Conclusion des travaux menés

Nous avons engagé ce travail de recherche dans le but de proposer une évaluation diagnostique de la place accordée à l’adresse URL dans l’enseignement secondaire au travers des programmes scolaires et de l’utilisation qui en est faite par des élèves de collège lors de la navigation. Nous souhaitions ainsi appréhender le bien fondé de sa potentielle didactisation à l’heure où l’information-documentation intègre l’EMI.

Nos recherches ont mis en lumière la grande absence de l’adresse URL dans les programmes5. Nommée à deux reprises seulement, elle est aperçue dans le programme de technologie de 6e comme une source d’information utile à la recherche d’information sur l’internet et proposée à l’étude en spécialité « informatique et science du numérique » pour les élèves de terminale de la série scientifique. La place qui lui est accordée paraît donc dérisoire.

2.1. L’URL dans les pratiques professionnelles

Après cette première approche sous l’angle institutionnel avec entre autre l’analyse des programmes, nous avons choisi une approche basée sur les pratiques professionnelles en analysant par exemple le contenu de séances pédagogiques disponibles sur le WEB et mentionnant l’URL quel qu’en soit le dessein. L’objectif est alors de sonder une possible disparité entre les deux. Nous avons ainsi constaté que l’adresse URL est un sujet peu investi par les enseignants et en particulier par les professeurs documentalistes. Nous n’avons par ailleurs trouvé aucune illustration de son enseignement dans les séances pédagogiques de technologie mises en ligne sur les sites académiques et ministériels. En revanche nous avons observé sur ces mêmes sites quelques propositions émanant de professeurs documentalistes. L’étude de ces séances nous a amenée à découvrir que les objectifs visés relevaient de ceux mentionnés dans le programme de technologie de 6e.

Il nous a ainsi semblé important de proposer une délimitation des enseignements afin d’offrir une spécificité à chacun et d’assurer une complémentarité entre eux. Nous avançons donc l’idée que l’adresse URL, en tant que source d’informations, puisse être étudiée selon les trois caractéristiques de l’information identifiées par Daniel Bougnoux, à savoir l’ info-data pour une approche du côté des mathématiques, l’ info-knowledge pour une approche technologique et info-documentaire et l’ info-news uniquement en information-documentation.

Les recherches que nous avons menées ont fait émerger un certain nombre d’enjeux économiques, sociaux, politiques et éthiques directement liés à l’adresse URL. La gouvernance et le pouvoir de l’ICANN, le contrôle, la circulation et l’accès aux informations et aux données sont autant de sujets cruciaux pour lesquels l’adresse URL a une place centrale.

2.2. L’URL, une « notion scolaire »

Nous avons cherché à déterminer si l’adresse URL pouvait prétendre au statut d’objet d’étude afin de savoir s’il était légitime de la qualifier de notion et en particulier de notion info-documentaire dans un cadre scolaire. Il apparaît que l’adresse URL mêle des caractéristiques théoriques présentables sous la forme de savoirs et des caractéristiques pratiques expérimentées sous la forme d’une utilisation technique ou d’un outil. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’elle peut accéder à la qualité de "notion scolaire".

La population de collégiens de la 6e à la 4e auprès de qui nous avons mené notre enquête a montré de nombreuses lacunes en matière de connaissances théorique et pratique liées à l’adresse URL. Ainsi, de manière générale, les élèves ne savent nommer ni le nom de domaine, ni l’adresse URL. Ils l’ignorent massivement lorsqu’il s’agit d’évaluer l’information a priori sur une page de résultats et lorsqu’ils doivent identifier d’où provient une image affichée au premier plan sur un écran. L’étude a également révélé que les élèves ne font pas de liaison entre adresse URL et lien hypertexte. Ils ont donc une méconnaissance des « instruments de navigation » intégrés au navigateur. Ils surfent sur l’internet sans savoir et sans comprendre d’où ils partent, par où ils passent et où ils arrivent. Ils effectuent un voyage aléatoire, guidé par les bons soins du moteur de recherche, ne faisant preuve d’aucun recul technique ou méthodologique et donc encore moins de recul critique. En résumé, la population interrogée semble majoritairement mettre ses recherches entre les mains du hasard nommé « Google » qui s’occupe de tout pour eux.

Pourtant, il s'avère que ne pas connaître le nom ou l’utilité de l’adresse URL et ne pas l’employer comme outil lors de la navigation n’est pas un obstacle majeur à la recherche d’information ou même à la localisation des ressources lors de la navigation.

Cependant, l’éluder ou l’ignorer nous semble être un frein important à la réalisation de recherches rapides et efficaces, à l’évaluation de l’information, à la localisation des ressources et donc à la bonne maîtrise de ses choix de navigation surtout lors de la navigation hypertextuelle. L’adresse URL est un outil utile à l’élève et porteur d’une dimension théorique qui lui échappe totalement actuellement.

3. Savoir définir l’URL en fin de collège

Notre étude nous a donc amené à faire des propositions destinées aux enseignants et aux professeurs documentalistes en particulier, mais également à l’ensemble des professionnels et de la communauté scientifique s’intéressant à la question de la didactisation des notions info-documentaires. Le tableau suivant présente trois niveaux de formulation s’appuyant sur les « 3 R » d’Alexandre Serres. Ainsi chaque formulation élève permet de répondre à une des trois dimensions cognitives de la culture de l’information.

Tableau1 Tableau2 Tableau3 Tableau 1. Propositions de niveaux de formulation de la notion URL en fin de collège, selon les trois dimensions cognitives de la culture de l'information.

Conclusion

Notre travail de recherche pour ce mémoire s’arrête ici, mais il engage à poursuivre un travail important dans le domaine de la didactique de l’information documentation. Il serait à la fois nécessaire de mener une enquête auprès d’un échantillon plus large, sur l’ensemble des niveaux du collège et sur une population issue d’établissements montrant des profils variés. Mais il est également indispensable d’étudier la question des conceptions des élèves, étape incontournable pour élaborer des niveaux de formulation élèves adaptés, visant à déconstruire leurs représentations erronées et à les modifier ou à les renforcer lorsqu’elles sont justes et/ou incomplètes. Étudier leurs conceptions permettrait une transposition didactique interne pertinente et complète. Identifier les obstacles qu’elles révéleront permettrait par ailleurs d’élaborer des séances pédagogiques sous forme de situation-problème.


Annexe

Nous nous proposons de publier ici quelques pages de notre mémoire susceptibles d'intéresser la profession. Ces pages correspondent à la partie « 3.4 – Un pont vers la didactisation de l'adresse URL » (p. 106 à 114) et traitent particulièrement des niveaux de formulation enseignant et élève de 3e pour la notion URL.


3.4 – Un pont vers la didactisation de l’adresse URL

3.4.1 Le cadre de notre réflexion

Le 9 avril 2015, le Conseil Supérieur des Programmes publiait son projet de programme pour le cycle 4 qui concerne les niveaux 5e, 4e, et 3e. Ce dernier dédie une partie entière à l’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI). Il répertorie, dans un tableau synthétique, pour chaque domaine du socle commun un certain nombre de compétences à construire qui sont mises en regard de notions listées dans la colonne « connaissances associées ». Nous y constatons l’absence de l’adresse URL et du lien hypertexte.

Cependant, il nous semble qu’une des premières remarques que nous pouvons faire suite à notre étude, est que l’adresse URL est porteuse d’informations techniques, pratiques et théoriques non négligeables. L’enquête menée a révélé bien des lacunes chez les élèves interrogés, et ce, en simple situation d’application de l’utilisation de l’adresse URL. Ils se montrent globalement dans l’incapacité de localiser les ressources qu’ils consultent et d’identifier leur source. Ils sont en difficulté lorsqu’ils doivent distinguer sur une page de résultats des sites officiels, et, bien que cela semble s’améliorer avec l’âge, ils sont majoritaires à donner des réponses peu pertinentes ou à s’appuyer sur des données secondaires pour évaluer a priori l’information. Il est probable que le manque d’attention accordée à l’adresse URL dans les enseignements ait une conséquence directe sur la négligence que portent ces jeunes à cette source d’informations utile au cours de la recherche d’informations ou de la navigation.

Nous considérons à ce stade du travail qu’ignorer l’adresse URL dans la pratique quotidienne de la navigation est un frein à son bon déroulement sans être un obstacle majeur. En effet, les informations fournies par l’adresse URL fluidifient les recherches, permettent d’affiner l’évaluation de l’information a priori et d’être plus efficace dans ses démarches. Systématiser la lecture de l’adresse URL permet de se familiariser avec les noms de domaines et d’acquérir une culture générale sur les entreprises, les organisations, les institutions et les différents médias qui investissent l’espace intellectuel virtuel. L’ignorer c’est multiplier les risques de se confronter à l’éparpillement dans ses recherches, de sélectionner plus d’informations inadaptées à ses besoins, de faire confiance à une page ou un site sans savoir s’il est officiel ou authentique, mais c’est avant tout se laisser dicter ces premiers choix par les résultats donnés par un moteur de recherche ou des « clics » hasardeux sur des liens hypertextes attractifs.

Nous pensons donc que l’adresse URL devrait faire l’objet d’un apprentissage spécifique. C’est la raison pour laquelle nous cherchons à apporter à la profession des éléments concrets qui pourraient nourrir une réflexion sur la didactisation de la notion d’adresse URL. Nous proposons donc de croquer une première passerelle vers celle-ci pour le niveau collège. Pour cela nous détaillerons des contenus possibles qui pourraient s’apparenter à des "niveaux de formulation pour les enseignants", puis nous en déduirons des niveaux de formulation élève.

L’appellation « niveau de formulation » désigne en didactique une étape centrale de la phase de structuration d’une séance pédagogique. Le niveau de formulation est pour l’enseignant la traduction lexicale et conceptuelle de ce qu’il souhaite que les élèves soient capables d’exprimer par eux-mêmes et pour eux-mêmes après une phase d’apprentissage, d’expérimentation ou d’application. Un niveau de formulation ne peut donc être figé. Il doit être adapté aux niveaux scolaires, aux élèves, aux contextes, à la progression, etc. Il permet à l’enseignant d’organiser la séance pour permettre aux élèves d’atteindre cet objectif puis d’évaluer le degré de pertinence des choix pédagogiques opérés pour les atteindre. Enfin il permet à l’enseignant et à l’élève d’évaluer la progression de ce dernier dans ses apprentissages.

Nous souhaitons, pour que ce travail puisse s’inscrire dans une perspective évolutive, donner à l’adresse URL une place qui pourrait venir s’inscrire systématiquement dans une progression des enseignements désormais liés à l’EMI. Pour cela, nous organiserons notre réflexion autour des trois « R » d’Alexandre Serres. Le chercheur décline ainsi la culturelle informationnelle selon trois niveaux de connaissance et de conscience qu’il distingue par « Réaliser, Résister et Réfléchir »

« Réaliser » place l’apprenant dans le champ du concret. Il s’agit de connaître les outils numériques et d’en comprendre le fonctionnement pratique pour les utiliser pleinement et permettre à l’utilisateur de créer et d’inventer de nouveaux usages.

« Réfléchir » place l’apprenant dans le champ de la connaissance. Il s’agit de permettre le développement d’une réflexion nourrie par l’acquisition de connaissances et de savoirs théoriques issus des sciences de l’information et de la communication comme de l’informatique. Réfléchir est donc possible grâce à l’apprentissage (et à la didactisation) de notions durables rattachées à un système pérenne indépendant de son évolution technique et pratique.

Enfin, « Résister » interpelle l’apprenant en tant que citoyen. Il s’agit pour lui de prendre de la distance avec ses propres pratiques, techniques et applications concrètes, pour les confronter à la dimension théorique. Il chemine ainsi dans sa réflexion en s’appuyant sur ses connaissances pour apposer un regard critique, autonome, nouveau sur les outils qu’il utilise mais également sur la manière dont il est lui-même utilisé par le biais de ces outils. Résister c’est être conscient et agir en fonction des aspects socio-économiques et politico-éthiques qui animent le monde numérique et médiatique.

Rappelons aussi que pour nous, l’enseignement de l’adresse URL dispensé par le professeur documentaliste relèverait du domaine de l' info-news. En conséquence, nous proposons de détailler des contenus et d’envisager des niveaux de formulation élèves dont pourrait s’emparer la profession, en respectant les cadres énoncés ci-dessus.

[...]

3.4.2 Proposition de niveaux de formulation enseignant et élève

Afin de mettre en évidence les points saillants permettant de définir l’adresse URL, nous avons mis en gras les caractéristiques essentielles à la construction de sa notion. Ce sont, d’après nous, des mots de vocabulaire indispensables à la discrimination des différents composants des outils ou de la technique, des concepts qu’il est nécessaire de saisir pour lier les idées et construire une pensée cohérente et éclairante sur le sujet ou des notions info-documentaires intrinsèquement liées à la notion d’adresse URL.

  • L’adresse URL pour « Réaliser » : employée d’un point de vue pratique et technique : proposition d’un niveau de formulation enseignant.

Une adresse URL sert à localiser précisément une ressource disponible sur l’internet, elle permet ainsi d’accéder à une page qui s’affiche grâce au navigateur. C’est un élément central dans la navigation sur l’internet. Elle permet que cette navigation soit non linéaire et personnalisée, grâce au système de l' hypertexte et donc à l’insertion de lien hypertexte dans une page Web.

Il existe deux zones d’affichage de l’adresse URL sur un navigateur. La première, est permanente et toujours visible. Elle se situe dans la barre d’adresse du navigateur dans la partie supérieure et correspond à l’adresse de la ressource affichée au premier plan à l’écran. La deuxième apparaît en bas de l’écran à gauche lorsque le pointeur de la souris survole un lien hypertexte et indique où se trouve la ressource pointée. Celle-ci permet de contrôler sa navigation et de choisir s’il est nécessaire de cliquer ou non, d’afficher la ressource souhaitée dans un nouvel onglet ou non, etc.

L’adresse URL ou le nom de domaine est également utilisé sur les pages de résultats des moteurs de recherches pour indiquer la provenance de la page proposée.

D’un point de vue purement technique, lorsqu’elle est saisie directement dans la barre d’adresse, elle permet d’ accéder sans détour à la ressource désirée (sans passer par un moteur de recherche ou l’arborescence d’un site ou d’un serveur). Il est possible d’agir directement sur une adresse URL dans la barre d’adresse pour la tronquer et accéder directement à un dossier parent ou à la page d’accueil.

Lire une adresse URL permet de savoir qui est responsable de l’affichage des informations présentes à l’écran et de contrôler sa navigation. Étant toujours visible et accessible à l’internaute en tant que paratexte et ce, quelle que soit la page affichée, elle joue également un rôle majeur dans l’ évaluation de l’information que cela soit pour évaluer la crédibilité, l’ autorité, la qualité et la pertinence des informations que l’on consulte ou souhaite consulter. Pour cela il suffit avant tout de savoir repérer le nom de domaine, comprendre le sens de son extension qu’elle soit nationale (.fr, .ca, .br, etc.) ou générique (.com, .net, .gouv, etc.) et de repérer le type de document affiché (.html, .jpeg, .pdf, etc.). Lire et comprendre une adresse URL permet de gagner du temps dans ses recherches parce qu’elle précise qui est l’ éditeur ou l’ auteur d’un site, mais cela demande également d’avoir un peu de culture générale et de pratique afin de repérer rapidement et efficacement ces informations sans avoir besoin de consulter un site et de chercher les mentions légales.

Niveau de formulation élève proposé comme objectif à atteindre en fin de collège :

Une adresse URL permet de localiser précisément la ressource affichée par le navigateur. Elle est toujours inscrite dans la barre d’adresse du navigateur. Sa lecture systématique et le repérage des noms de domaines permettent de savoir qui a édité la ressource affichée et donc participent à l’ évaluation de l’information. Lorsqu’on navigue à l’aide de liens hypertextes, elle apparaît en bas à gauche du navigateur et permet de savoir avant de cliquer où se trouve la ressource pointée et donc de contrôler ses choix.

  • L’adresse URL pour « Réfléchir » : étudiée d’un point de vue théorique, proposition d’un niveau de formulation enseignant.

Le sigle URL signifie Uniform Ressource Locator. Les adresses URL sont nées avec la création du Web de Tim Berners-Lee à la fin des années 1980. Elles en sont un élément technique clé puisqu’elles contiennent les informations indispensables à l’accès aux données. Elles indiquent avec précision la méthode d’accès à une ressource selon trois fondamentaux : le protocole de communication, le nom du serveur et le chemin d’accès à la ressource sur ce serveur.

Le protocole de communication qui est indiqué est un protocole dit d’application, les plus connus sont HTTP (ou HTTPS) qui permettent d’accéder à un serveur Web (sécurisé), et SMTP qui permet le transfert des courriers électroniques entre serveurs de messagerie.

Le nom du serveur se présente dans les adresses URL du Web sous la forme des noms de domaine de premier et de second niveau. Dans le nom de domaine « elysee.fr », .fr est un nom de domaine de premier niveau, elysée est un nom de domaine de second niveau.

Le chemin d’accès à la ressource sur le serveur désigné en amont permet de prendre connaissance de l’ organisation et de la hiérarchisation des dossiers sur ce serveur. Chaque dossier est séparé par le signe « / ». La dernière information donnée est le nom de la ressource affichée, elle contient dans l’extension finale le format du fichier consulté dont voici quelques exemples, .html pour les pages Web, .jpeg, .bmp pour les images, .pdf pour les fichiers dont la mise en forme a été figée par l’auteur.

Une ressource localisée par une adresse URL est accessible de n’importe quel appareil connecté à partir du moment où elle est stockée sur un serveur relié au réseau de l’internet. Pour y accéder, un système complexe de routage a été mis en place. Ce système répond à une hiérarchie stricte qui permet un accès international.

Les noms de domaines de premier niveau sont attribués dans le monde entier par une société américaine appelée l’ ICANN. En France, c’est ensuite l’ AFNIC qui gère l’attribution des noms de domaine de second niveau qui finiront par une extension géographique française (.fr, .pm, .re, etc.).

Les adresses URL sont utilisées par les robots des moteurs de recherches qui scannent à chaque instant toutes ressources disponibles sur le Web. Chaque lien hypertexte relié à une adresse URL est un point d’accès vers d’autres ressources que les robots indexent en permanence afin de répondre aux multiples requêtes des internautes.

Niveau de formulation élève proposé comme objectif à atteindre en fin de collège :

L’adresse URL est un élément technique clé du Web, née avec lui à la fin des années 1980. Les robots des moteurs de recherches utilisent toutes les adresses URL qu’ils trouvent pour indexer les ressources qu’elles pointent. Elle contient les trois informations essentielles pour accéder aux ressources stockées sur des serveurs qui peuvent être situés aux quatre coins du monde, le protocole de communication, le nom du serveur et le chemin d’accès à la ressource sur ce serveur. Il existe des sociétés qui gèrent l’attribution des noms de domaine, au niveau international c’est l’ ICANN, au niveau national français, c’est l’ AFNIC.

  • L’adresse URL pour « Résister » : comprise dans une démarche de résistance, proposition d’un niveau de formulation enseignant.

Les adresses URL contiennent des noms de domaines qui pointent des serveurs situés à travers le monde. L’obtention d’un nom de domaine se fait par l’intermédiaire de différentes sociétés. L’ ICANN (Internet Corporation, for Assigned Names and Numbers) est une société américaine et c’est elle qui gère et vend les noms de domaines de premier niveau qu’ils soient génériques (.com, .net, .gouv, etc.) ou nationaux (.fr, .ca, .br, etc.). Elle a donc un pouvoir politique et économique très important sur tous les pays et grandes entreprises de l’économie du numérique du monde entier puisqu’elle impose ses tarifs, ses modalités d’acquisition mais aussi choisit qui peut obtenir la gestion des noms de domaine qu’elle met en vente.

Ainsi, en 2014, pour devenir propriétaire d’un nom de domaine, l’ICANN demande aux candidats de faire une sorte de lettre de motivation accompagnée de la somme de 185 000 dollars. Ensuite, elle choisit, parmi tous les riches demandeurs, qui obtiendra le nom de domaine.

Le nouveau propriétaire n’est en réalité que locataire de son espace virtuel puisqu’il doit payer chaque année 25 000 dollars à l’ICANN pour rester gestionnaire des noms de domaine de second niveau.

En France, l’ AFNIC est propriétaire / gestionnaire des noms de domaine nationaux. Elle vend à son tour des noms de domaines, de second niveau cette fois, c'est-à-dire ceux qui finissent par exemple par .fr comme elysee.fr. Elle les vend à des sociétés privées telles que OVH, BookMyName, Online ou Gandi, qui elles-mêmes revendent ces noms de domaines aux entreprises ou aux particuliers qui souhaitent être propriétaires pour créer leur propre site internet.

Être propriétaire d’un nom de domaine, c’est être propriétaire d’un espace virtuel qui permettra ensuite de produire des richesses et de gagner de l’argent. Le choix du nom de domaine ou l’obtention d’un nom de domaine correspondant à une marque représente un enjeu économique important pour les entreprises. Telle l’enseigne d’une vitrine, il interpelle, attire, fidélise l’internaute. Le nom de domaine "incarne" la marque ou l’entreprise dans le monde virtuel, il vise à garantir l’authenticité des informations et des produits mis en ligne par son propriétaire.

Les entreprises présentes sur le Web travaillent ainsi main dans la main avec les entreprises des moteurs de recherche pour garantir leur bonne visibilité et donc celle de leurs produits. Cela passe entre autre par l’ optimisation et la forme de leurs adresses URL et la multiplication de liens hypertextes sur leur site et ailleurs renvoyant à leurs propres pages.

Les moteurs de recherches de leur côté développent des algorithmes qui permettent de donner une meilleure visibilité aux sites en fonction de la forme de leur adresse URL. L’internaute n’a donc aucun contrôle sur la raison de l’ordre d’apparition des réponses que peut proposer un moteur de recherche.

L’adresse URL parce qu’elle comporte des informations clés pour accéder à une ressource, le protocole de communication, le nom du serveur et le chemin d’accès à une ressource précise, permet également d’en limiter l’accès. Ainsi, pour des raisons politiques, des rapports de pouvoirs, des enjeux financiers importants, un gouvernement ou un fournisseur d’accès à l’internet peut limiter, accélérer ou interdire l’accès à une ressource en fonction de son adresse URL. C’est ce qui se passe en Chine, en Afghanistan et même aux États-Unis.

Niveau de formulation élève proposé comme objectif à atteindre en fin de collège :

Posséder un nom de domaine est payant et permet de devenir propriétaire d’un espace virtuel. La chaîne économique liée à l’acquisition d’un nom de domaine est chapeautée par une société américaine nommée ICANN qui détient ainsi un grand pouvoir sur les autres. L’adresse URL contient des informations qui permettent aux moteurs de recherches, aux gouvernements et aux fournisseurs d’accès à l’internet de contrôler la circulation des données et la navigation des internautes.

3.4.3 Perspective envisagée

Le travail que nous venons de proposer est un essai de transposition didactique « externe ». En partant de savoirs théoriques et scientifiques, autrement dit de savoirs disciplinaires, nous avons sélectionné des éléments de savoir qui nous semblent importants, utiles et pertinents d’enseigner en classe. Nous avons ainsi construit un exemple de passerelle à destination des enseignants. Afin de prolonger notre propos nous avons également proposé des niveaux de formulation élève qui pourraient correspondre à un niveau de fin de 3e. Comme nous le précisions précédemment, ces niveaux de formulation ont vocation à être afin de les faire correspondre aux niveaux et aux besoins des élèves ainsi qu’aux objectifs et au cadre des enseignements fixé par les enseignants qui souhaitent s’en emparer.

Le professeur documentaliste désirant s’approprier cette ébauche d’approche pourrait selon nous s’appuyer sur l’organisation des notions info-documentaires établie par l'APDEN. L’adresse URL pourrait être une notion secondaire intégrée à la fois à la notion organisatrice qu’est la « recherche d’information » et à celle d’« exploitation de l’information ». Dans le premier cas, la notion d’adresse URL serait au carrefour des sous-notions de « méthodologie de la recherche d’information », d’« hypertexte », de « navigation » et de « moteur de recherche ». Dans le second cas, elle semblerait avoir sa place auprès des notions d’« évaluation de l’information », de « citation » et de « pertinence ».


  1. SERRES, Alexandre. Une certaine vision de la culture informationnelle. Revue Skhole.fr. Penser et repenser l’école, 2009 

  2. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. Le brevet informatique et internet (B2i) école-collège-lycée et CFA : les référentiels. Eduscol, 18/11/2013 

  3. THOMAS, Sue et al. Transliteracy: Crossing divides. First Monday, Décembre 2007, Vol. 12, n°12 

  4. FRAU-MEIGS, Divina. La radicalité de la culture de l’information à l’ère cybériste. Ina Expert, 2012 

  5. Rappel : il s’agit dans ce mémoire des programmes antérieurs à la réforme du collège de 2015, qui est entrée en vigueur à la rentrée 2016. 


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