Distinction entre référentiel de compétences et curriculum

Si la confusion entre le curriculum et le programme est somme toute compréhensible, elle n’a pas lieu d’être s’agissant du curriculum et du référentiel de compétences. Elle semble pourtant exister sur le terrain de l’Information-documentation où de nombreux collègues pensent le premier comme un doublet jargonnant du second. Il peut donc être utile de lever cette ambiguïté en distinguant l’un et l’autre.

1- Le référentiel de compétences info-documentaires

Un référentiel de compétences est une liste des comportements attendus pour mener à bien une tâche. Ces comportements sont saisis comme les indices de certaines capacités ou compétences visées par la formation. Le référentiel sert ainsi à encadrer, réguler et évaluer une action en la référant à un ensemble qui en assure la cohérence. Pour produire un référentiel de compétences, il faut procéder à l’analyse fine d’une tâche et la découper en ses unités constitutives. Le postulat exprimé est que la formation et son évaluation sont facilitées par une décomposition d’ordre procédural en une succession de savoir faire qui peuvent être réellement observés. Chaque micro-activité repérée est alors décrite et fait l’objet d’un objectif de formation.

En information-documentation, le premier document de ce type est apparu en France en 1982, suite aux travaux d’un groupe de travail lNRP [Chevalier, 1983]. Il découpe l’activité de traitement des ressources documentaires en sept étapes distinctes et successives qui permettent de dégager les objectifs de la pédagogie documentaire. Ce travail, réduit au strict énoncé des étapes, sera par la suite institutionnalisé par la circulaire de missions de 1986 et servira de cadre au mandat pédagogique des enseignants documentalistes pour les deux décennies suivantes.

Ainsi, aujourd’hui encore, induit-on les acquis (méthodologiques) des élèves au travers de leurs productions documentaires, en postulant que les traces observées sur celles-ci constituent la preuve d’un comportement causal qui serait lui-même l’indice de la maîtrise d’une compétence, ou du moins d’un savoir faire.

2- Critique des référentiels de compétences info-documentaires

Les bénéfices rendus par le référentiel de compétences documentaires sont bien connus des enseignants documentalistes qui trouvent là un guide ordonné pour piloter la formation méthodologique des élèves, un outil offrant des critères pour une évaluation objective, un instrument de parité pédagogique avec les collègues de disciplines en l’absence de programme et, conséquemment, un support de l’identité professionnelle.

Du point de vue d’une approche éducative intégrée de l’élève à la culture de l’information, cette entrée méthodologique paraît trop restrictive. Elle privilégie en effet les aspects normatifs et linéaires de la méthodologie et centre sur une approche uniquement procédurale. Elle focalise en effet sur les observations comportementales et élude la transmission et l’élaboration des savoirs théoriques. Ce faisant, elle favorise une vision strictement transversale des savoirs informationnels en niant l’existence de problématiques spécifiquement info-documentaires. De plus, l’atomisation des compétences procédurales que permet le référentiel favorise leur dissémination dans les programmes disciplinaires et leur dévaluation à des fins exclusivement pragmatiques. L’élève se voit dès lors privé des moyens de construire les concepts nécessaires à la résolution des problèmes info-documentaires et à la compréhension des enjeux qu’ils expriment. Les opérations d’analyse et de synthèse nécessaires à ces élaborations conceptuelles ne trouvent pas dans ces activités éparses et aléatoires les conditions requises à une structuration efficace. Le professeur documentaliste, quant à lui, se voit dépossédé de sa responsabilité didactique.

3- Le curriculum

Le curriculum est un plan d’études ayant pour vocation de rationaliser un projet global d’enseignement. Produit d’une politique éducative, il est prescrit par une institution et revêt à ce titre une caractère d’obligation. Soumis au principe du service public d’enseignement, il offre à chaque citoyen une même chance de réussite en instituant sur le territoire des conditions égales de formation.

Il se concrétise sous la forme de textes réglementaires (lois, arrêtés, circulaires et notes) à valeur contraignante, mais qui servent de références aux enseignants et de repères aux parents. Le curriculum concrétise un discours institutionnel dans ses différentes applications, projetant sur le terrain des finalités éducatives ainsi qu’un cadre précis d’organisation. Il peut être ainsi saisi comme une formalisation a priori de l’expérience éducative des élèves tout au long de leur cursus. Visant l’exhaustivité des conditions de ces parcours, le curriculum prétend embrasser dans une vision globale la totalité du phénomène éducatif, à savoir les intentions, les contenus, l’organisation, les méthodes, les environnements humains et matériels (manuels scolaires, ressources divers), les situations d’apprentissage, de même que l’évaluation des élèves et les dispositifs de formation des enseignants.

Le curriculum se donne pour but d’apporter des réponses concrètes et formalisés aux questions suivantes :

  • Axiologie : à quelles fins ? Selon quelles valeurs ?

  • Didactisation : quels contenus cognitifs ? Quelle progressivité ?

  • Opérationnalité : quels objectifs ?

  • Méthodologie : comment ? Quelles méthodes ?

  • Temporalité : quand ? Dans quel ordre ? Selon quelles progressions ?

  • Responsabilité : qui ?

4- Comparaison du référentiel de compétences et du curriculum

Si un référentiel de compétences info-documentaires a toute sa place à l’intérieur d’un curriculum, notamment pour éclairer la formation des acquis procéduraux relatifs au traitement des ressources, il ne saurait en aucun cas soutenir une comparaison avec un curriculum qui est, par définition, d’une toute autre nature. Projet d’enseignement raisonné et complet, ce dernier propose un plan d’organisation des études sur le cursus entier de l’élève. Alors que le référentiel de compétences est essentiellement pragmatique et vise le ponctuel, le curriculum, quant à lui, vise le long terme. Le premier fournit en effet aux usagers un cadre fonctionnel pour accompagner des activités ponctuelles et ce, dans le but de satisfaire un besoin d’information. Il peut donc évoluer non seulement dans le cadre d’une institution scolaire, mais aussi bien à la bibliothèque que dans un centre de documentation professionnel. Le second vise par contre la satisfaction d’un besoin d’éducation (à la culture de l’information) et est saisi comme un droit pour chaque élève, au titre de l’obligation scolaire. Il est donc spécifiquement attaché à l’institution éducative, de la maternelle à l’université.

Rappel des principaux points de divergence entre l’outil référentiel et le curriculum : legende


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