Décodage du projet de circulaire du 18 janvier 2011 (2)

Calystee. Face jaune. 2009. CC.

Le renversement du rapport Pédagogie / Gestion

A partir d’un comparatif entre la circulaire de missions actuelle de 1986 et le projet du 18 janvier 2011, on s’intéressera au poids respectif accordé par les deux textes aux quatre axes structurant la profession. Si le nombre de ces axes est identique, si la mission placée en tête est la même, il n’en reste pas moins que le rapport de force entre pédagogie et gestion s’est totalement inversé au profit de cette dernière. Ce qui est moins compréhensible, c’est l’utilisation du terme « animation » que l’on trouve dans le sommaire de la circulaire de 2011. De quelle animation s’agit-il ? La lecture des textes officiels réserve des surprises.

1.2. Les axes organisateurs de la circulaire

Un simple comparatif des axes porteurs des missions du professeur documentaliste dans les textes de 1986 et 2011 permet de repérer la teneur des évolutions en cours. Le tableau ci-dessous dispose ces axes terme à terme, et dans l’ordre de leur apparition, les assortissant d’un relevé des verbes d’action dévolus à ce fonctionnaire.

Circulaire_2011-A Circulaire_2011-B Tableau n°1 : Comparatif des missions énoncées en 1986 et en 2011, suivi d'un relevé des verbes d'action utilisés.

1.2.1. La répartition des principaux pôles de missions

Le nombre identique d’axes de missions dans les textes de 1986 et de 2011 pourrait faire croire à une simple transposition du modèle premier avec, pour tout changement, l’actualisation attendue. Un rapide examen fait apparaître qu’il n’en est rien. Le rapport de force entre les polarités pédagogie et gestion s’est tout simplement inversé, comme le montre ce tableau :

Circulaire_2011-2 Tableau n°2 : Répartition comparée de la nature des missions énoncées en 1986 et en 2011, tenant compte de leur ordre de présentation.

En 1986, deux des quatre axes de la circulaire de missions étaient dévolus à la mission pédagogique. Le premier concernant l’action pédagogique directe de l’enseignant sur les élèves, au travers de l’initiation et de la formation. Le documentaliste bibliothécaire devait « assurer » cette mission. Le deuxième axe évoquait principalement toutes les actions de collaboration aux activités pédagogiques de l’établissement auquel le professionnel devait « participer ». Au total donc, la moitié des missions qui lui étaient confiées étaient de nature pédagogique. On mesure bien ce qu’elle avait d’ « essentiel ». La gestion, quant à elle, couvrait un quart de l’ensemble, à part égale avec l’axe concernant les « relations » avec l’extérieur.

En 2011, l’axe « gestion » correspondant à l’axe 4 de 1986 gravit un degré, laissant la dernière place à l’axe « relations ». Il rejoint ainsi l’axe consacré à la politique documentaire, dont la définition, non équivoque, montre bien la place réservée à l’acquisition, au repérage, au traitement et à la mise à disposition des ressources documentaires. Le terme récent de « politique documentaire » n’étant qu’une étiquette conceptuelle destinée à valoriser et rendre visible un nouveau mode de management guidé par une « démarche qualité ». Ainsi, le centre de gravité, dans le projet 2011, a tout simplement basculé du côté de la gestion qui pèse sur la moitié des missions présentées. Poids d’autant plus important que l’axe 1, dédié à la pédagogie, est largement délesté de ses contenus !

Un subterfuge sémantique mérite d’être ici signalé. Le préambule du texte de 2011 présente le sommaire de la circulaire comme le veut la règle du genre : « Dans ce cadre, la formation des élèves à la culture de l’information, la politique documentaire de l’établissement, l’animation du centre de documentation et d’information et son ouverture sur le monde culturel et professionnel prennent tout leur sens. » Sur ces quatre points énumérés ici, seuls trois d’entre eux sont identifiables et correspondent bien au contenu du document. Mais qu’en est-il du troisième, « l’animation du centre de documentation et d’information *» ? Terme à terme, il correspond en fait à l’axe 3 consacré à la gestion et à la diffusion de l’information. Comment expliquer cela ? Une lecture rapide, ou un œil non averti, aurait tôt fait d’en faire l’équivalent de l’axe 2 du texte de 1986, relatif aux activités pédagogiques et éducatives de l’établissement. L’ « animation », c’est encore aujourd’hui le terme générique qui est accolé à ces activités et il suffit à nombre de collègues pour se sentir et se considérer enseignants. Lu ainsi, il est évident que ce sommaire laisse penser à un équilibre harmonieux entre pédagogie (1- formation ; 3- animation), gestion (2- politique documentaire) et relations (4- ouverture). Mais il faut se méfier des couvertures trompeuses ! Il est bien question de gestion de ressources numériques, de TIC et d’ENT dans cet axe, et pas d’autre chose. Pourquoi, dès lors, avoir écrit « animation » ? Le pot aux roses est pourtant vite découvert à la lecture des contenus de cet axe. En effet, en fin de paragraphe apparaît bien le mot « animation »… mais dans un tout autre contexte : « *Il peut contribuer à l’animation du site internet de l’établissement ». La ficelle est un peu grosse. Mais voit-on toujours ce qu’on ne veut pas voir ?

A suivre…