Les méthodes pédagogiques en information-documentation

Le choix des méthodes pédagogiques par le professeur documentaliste fait encore peu l'objet de discussion en information-documentation. Sans doute n'interroge-t-on pas suffisamment l'expression quelque peu figée de « pédagogie documentaire », notamment dans le nouveau contexte culturel et numérique de l'information et de la documentation. Ce choix est pourtant déterminant pour la réussite de la séance pédagogique et des apprentissages qu'elle met en œuvre. Il nous semble par conséquent important de proposer quelques repères qui permettront soit de pouvoir situer son action parmi les possibles et lui donner un nom, soit de découvrir qu'un même objet d'apprentissage peut être présenté aux classes de manière étonnamment diverses, selon le choix que l'on fait. Il n'existe pas de méthode unique ni d'automaticité qui serait dépendante ou bien d'un objet (l'identité numérique, la notion de « source », etc.) ou bien d'une matière disciplinaire particulière, comme l'information-documentation. La typologie présentée dans le tableau ci-dessous est répartie en trois grandes classes, elles-mêmes pouvant se dédoubler, selon que l'on place le centre de gravité de la leçon plutôt sur le savoir (méthode expositive), plutôt sur la tâche et l'activité de l'élève (méthode active) ou plutôt sur l'interactivité avec la classe (méthode interrogative).

Sommaire de l'article :

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1. Typologie des méthodes pédagogiques en information-documentation

Les trois grandes méthodes pédagogiques et leurs types sont rapidement présentés ci-dessous à partir de leurs principales caractéristiques et des modèles pédagogiques auxquelles elles se réfèrent. Pour illustrer ces propositions, on pourra utiliser la « table des méthodes pédagogiques » d'ID Base.

1.1. Méthode expositive

Méthode dont le cours est basé sur la transmission verticale d'un savoir. Cette transmission se fait principalement à partir d'un exposé présenté à la classe par l'enseignant. Cet exposé peut prendre différentes formes, magistrale ou quelque peu interactive et s'appuyer, ou pas, sur des supports variés, tels que des outils de présentation (diaporamas type Powerpoint, Prezi ), des cartes conceptuelles ou des documents choisis. Le modèle de référence de cette méthode est transmissif. Le savoir y est saisi plutôt comme quantitatif et proche de l'information. Le postulat fondamental est que le savoir transmis (contenu) à l'élève (contenant) ne se déforme pas, ce que l'évaluation a pour but de vérifier. L'évaluation mesure en effet la quantité de savoir retenue par l'élève. Afin d'en consolider la réception, des exercices d'application lui sont souvent proposés à l'issue de la phase d'exposition, dans le but notamment de favoriser la maîtrise opératoire de ce savoir. Les exercices en appellent alors à la démarche déductive puisqu'il s'agit de transposer une théorie ou un modèle dans un cas particulier et concret.

Mais le modèle de référence peut aussi bien être comportementaliste (béhavioriste), lorsque l'objet de l'exposé est prescriptif d'une méthodologie à suivre. L'exercice d'application consiste alors en un entraînement supposé faire acquérir cette méthodologie. L'évaluation s'appuie dans ce cas sur la production réalisée par l'élève au travers de laquelle on cherche à repérer des performances procédurales inventoriées par les référentiels de compétences.

Le principal avantage de la méthode expositive réside dans son économie de temps et de moyens. Elle permet en outre de présenter un savoir structuré de manière rationnelle et maîtrisée. Les inconvénients les plus remarqués sont l'absence de participation de l'élève qui va de pair avec la directivité de l'enseignant. Celui-ci impose son rythme d'exposition sans pouvoir tenir réellement compte du rythme d'apprentissage des apprenants. Enfin, cette méthode écarte assez facilement la phase de structuration des connaissances, conséquence d'une focalisation sur le savoir structuré et sur la médiation de l'enseignant.

Schéma d’organisation générale de la méthode expositive :

  • phase d'exposition (discours et/ou démonstration)
  • phase d'application (exécution ou reproduction)
  • phase d'évaluation (à partir d'une restitution ou d'une performance)

A partir des cas analysés en information-documentation, nous distinguons deux types de méthode expositive :

  • le type « déclaratif », lorsque les contenus exposés à la classe sont à dominante déclarative (notions, principes, théories). La transmission prend la forme d'un discours, qu'il soit oral, écrit ou mixte et vise à faire savoir quelque chose que l'on espère pouvoir être compris et mémorisé.
  • le type « procédural », lorsque les contenus exposés à la classe sont à dominante procédurale (savoir faire, compétences procédurales). La transmission peut aussi bien prendre la forme d'un discours sur la méthodologie à acquérir que celle d'un geste, d'une démonstration que l'on espère voir reproduire chez l'élève. Ce faire faire vise la procéduralisation d'une connaissance.

Voir des exemples de séances pédagogiques dans ID Base où l'on emploie la méthode expositive :

1.2. Méthode active

A l'opposé de la méthode expositive, la méthode active établit son centre de gravité sur l'activité de l'élève. La transmission du savoir est assurée par une stratégie pédagogique où l'enseignant prévoit des situations d'apprentissage au cours desquelles les élèves sont amenés à découvrir et à construire le savoir dont ils ont besoin pour répondre à une question ou résoudre un problème. L’enseignant n'occupe pas la première place et ne se manifeste que pour planter le décor, guider la classe dans son effort d'élucidation, puis cadrer la discussion qui peut s'ensuivre et favoriser la structuration des connaissances. S'il s'inspire concrètement des multiples expérimentations et techniques de l’Éducation nouvelle (pédagogie de la découverte, pédagogie active, pédagogie de projet, travail par groupes), son modèle de référence reste le constructivisme. L'action pédagogique se fonde ainsi sur le postulat selon lequel l'élève apprend lorsqu'il est placé dans un contexte (plus ou moins) réel avec lequel il entre en interaction et qui va avoir pour effet de réinterroger ses conceptions initiales (conflit cognitif), d'organiser et de construire ses connaissances. L’enseignant a donc la charge d'imaginer et d'aménager une situation d'apprentissage où des contraintes et des ressources vont devenir des leviers d'apprentissage.

Dans le prolongement du constructivisme (Piaget) et en contrepoint se situe le socio-constructivisme (Wallon, Vygotski). Son apport décisif réside dans la place donnée à l'autre, le pair et l'enseignant, parmi les composantes nécessaires à la constitution de ce « milieu » d'apprentissage. Dans ce modèle, le langage est l'instrument premier de la structuration des connaissances et celui-ci ne peut advenir que dans des situations d'interactions horizontales grâce aux échanges, à la coopération, aux négociations et aux conflits dits socio-cognitifs. Le rôle du groupe est ici primordial et la construction des connaissances est alors collective et collaborative.

Cette méthode a pour avantage de s'assurer de l'implication et de la participation de l'élève dans l'apprentissage et de s'en faire un allié non négligeable, pour peu que l'enseignant ait pu lui présenter une question digne d'intérêt et une situation stimulante. La prise en compte des besoins et des difficultés des élèves est également possible. Par contre, dans certains cas, la réalisation de l'objectif peut prendre du temps, ce qui peut expliquer pourquoi la « méthode d'investigation » prônée dans les disciplines scientifiques et technologique du cycle central au collège, peut être analysée comme le résultat d'une volonté de recadrer fortement les situations problèmes. Dans le cas de ces dernières, la critique peut également porter sur la difficulté à maîtriser les savoirs visés lorsque le problème est trop ouvert.

La phase de structuration, qui suit celle de la discussion autour d'une mise en commun des travaux des groupes, est incontournable. Au contraire de la méthode expositive où l'on estimait que cette structuration allait de soi dès lors que le savoir exposé en amont était suffisamment organisé, la méthode active déplace l'émergence du savoir en aval et la fait dépendre, non pas d'une présentation imposée par l'enseignant, mais des interactions entre les élèves. Ceux-ci n'ayant pas forcément eu l'occasion, au cours de leurs travaux, de valider suffisamment ce savoir et de l'organiser convenablement, il s'avère indispensable que celui-ci soit ré-ordonné, intégré à l'organisation cognitive des apprenants et institutionnalisé par la parole de l'enseignant.

Schéma d’organisation générale de la méthode active :

  • phase de questionnement initial
  • phase d'activité d'élucidation (analyse ; investigation)
  • phase de discussion (mise en commun ; débat)
  • phase de structuration des connaissances
  • phase d'institutionnalisation

A partir des cas analysés en information-documentation, nous distinguons deux types de méthode active :

  • le type « observationnel », lorsque la tâche proposée aux élèves est basée sur l'observation et sur l'analyse de matériaux organisés en corpus d'étude. Ces matériaux peuvent avoir été réalisés par les élèves eux-mêmes (productions demandées, résultats de recherches d'information) ou, la plupart du temps, sont des objets informationnels particuliers sélectionnés par l'enseignant (page de résultats des moteurs de recherche, sites web, usuels, Unes de journaux, etc.) La comparaison, l'analyse, le repérage, la sélection, l'évaluation des documents du corpus sont autant d'opérations intellectuelles à convoquer lors de la tâche afin de mettre à jour les caractéristiques ou les principes d'un savoir visé. La démarche mobilisée est donc inductive puisqu'elle part de cas concrets pour remonter à un principe général. S'ensuivent les phases de mise en commun, de structuration et d'institutionnalisation.

  • le type « investigatif », distinct du type précédent, ne consiste pas seulement à observer des phénomènes mais davantage à les provoquer pour en dévoiler les principes explicateurs et proposer des modélisations opérantes. A partir d'un constat porteur de questionnements, les élèves émettent des hypothèses qu'ils doivent être en mesure de vérifier en mettant en œuvre des conditions d'expérimentation appropriées (démarche hypothético-déductive). Un corpus, une méthodologie ou un protocole peuvent alors être requis sans qu'ils soient nécessairement établis par l'enseignant. La phase de discussion qui suit le travail des groupes de recherche a pour but de confronter les solutions proposées, éventuellement au moyen d'un débat, et de retenir la réponse ou la modélisation la plus appropriée au problème posé. La réappropriation individuelle de cette réponse peut donner lieu à une structuration des connaissances.

Voir des exemples de séances pédagogiques dans ID Base où l'on emploie la méthode active :

1.3. Méthode interrogative

Cette proposition se situe entre la méthode expositive, centrée sur le savoir et sa transmission, et la méthode active, centrée sur l'élève et la construction des connaissances. Entre ces deux pôles radicalement opposés peut alors se déployer le domaine des interactions et des négociations entre l'enseignant et la classe. La leçon s'organise presque entièrement à partir d'un dialogue entre les deux actants dont l'enjeu peut être aussi bien la transmission d'un savoir (type dirigé) que la construction des connaissances (type contradictoire). Dans les deux cas, l'enseignant reste le maître du jeu et déroule son fil jusqu'à l'épuisement de celui-ci. La part laissée à l'élève, dans ces interactions, est de produire des rétroactions à la demande, en réponse aux sollicitations de l'enseignant. Ces réponses fournissent à celui-ci des indications précieuses, et lui permettent d'évaluer en continu la qualité de réception des élèves et leur niveau de compréhension. Il prend alors appui sur ces informations pour faire progresser son exposé ou bien pour s'adapter aux besoins diagnostiqués des élèves.

A partir des cas analysés en information-documentation, nous distinguons deux types de méthode interrogative :

  • le type « dirigé » : proche du type « déclaratif » de la méthode expositive, il s'en démarque justement par la place laissée à l'élève et par la possibilité que l'enseignant se laisse d'adapter le cours selon les difficultés rencontrées. Les interactions provoquées peuvent prendre des formes diverses, allant de simples sollicitations orales visant à mobiliser l'attention et l'intérêt à de petits exercices d'observation et d'analyse sur documents (par exemple, une recherche des traces personnelles laissées sur le web, commenter ensemble une page de résultats, repérer des données sur une page web, etc.). Ces activités réduites ne sont pas à confondre avec des exercices d'application, puisque le but n'est pas de consolider un savoir mais bien de stimuler la réflexion, d'illustrer, de conforter ou de relancer le cours. Entre ces deux types d'interactions, d'autres activités sont possibles pour peu qu'elles entraînent la participation de la classe dans l'avancement de la leçon. Ainsi l'enseignant peut-il mobiliser la classe pour répondre à une question (« quels outils permettent d'organiser l'information ? »), pour établir une liste de critères ou un lexique ou encore pour examiner des cas concrets afin de passer à l'abstraction en suivant la méthode de Britt-Mari Barth. Ainsi le type dirigé peut-il être utilisé aussi bien pour transmettre ou faire construire des connaissances procédurales ou déclaratives, et s'appuyer sur des postulats propres aux modèles transmissif ou constructiviste. Ce qui importe ici est d'accompagner la classe pas à pas en s'assurant de son adhésion et de sa compréhension par des interactions nourries.
  • le type « contradictoire » : il représente un cas particulier du précédent. Principalement basé sur des interactions langagières, extrêmement signifiantes ici, ce type vise à repérer les conceptions qui fondent les connaissances a-scolaires des élèves et qui sont susceptibles de faire obstacle aux apprentissages. Ces conceptions peuvent être des stéréotypes ou des représentations personnelles acquises par l'expérience et qui paraissent évidentes. La première étape va consister à les faire émerger et à faire en sorte que les élèves puissent en prendre conscience. Différents moyens sont disponibles pour ce faire, comme un débat basé ou non sur un document, un test ou un quiz, un petit exercice mettant en évidence une pratique familière. L'étape suivante verra l'enseignant mettre en doute ces idées reçues et ces conceptions personnelles pour les remettre en question et prouver la fragilité de leur fondement. Cette stratégie de réfutation systématique vise une véritable déconstruction des connaissances pré-établies dès lors qu'elles sont jugées erronées et nuisibles à toute avancée vers l'acquisition des savoirs scolaires. Le présupposé de cette méthode est constructiviste (Bachelard) et rejoint la réflexion des didactiques des disciplines pour lesquelles apprendre équivaut à changer de représentations et par conséquent à substituer des connaissances non opératoires par des connaissances valides. La juxtaposition de représentations, les unes personnelles et informelles, les autres scolaires et formelles, ne saurait être efficace. En effet, les premières, plus enracinées, auraient tôt fait de reprendre le dessus sur les secondes, fragiles et vouées à l'oubli. Suite à cette phase contradictoire, de nouvelles solutions, modélisations ou savoirs opératoires peuvent alors être recherchés pour répondre à la question initialement posée. Cette phase de « reconstruction » peut être suivie d'exercices d'application et d'un moment de structuration des nouvelles connaissances. Le type « contradictoire » est relativement proche du type « investigatif » de la méthode active dans la mesure où toutes deux se fondent sur le repérage et le dépassement d'une connaissance susceptible de faire obstacle à l'apprentissage. Mais tandis que le second renvoie le soin de ce dépassement à la situation proposée et à l'activité de l'élève, le type « contradictoire », lui, réclame la présence et le contrôle permanent de l'enseignant dans un accompagnement où la parole est essentielle.

2. Schéma d’organisation générale du type « contradictoire » :

  • phase d'émergence des conceptions des élèves
  • phase de réfutation
  • phase de reconstruction
  • phase d'application
  • phase de structuration des nouvelles connaissances

Voir des exemples de séances pédagogiques dans ID Base où l'on emploie la méthode interrogative :

Schéma de répartition des méthodes pédagogiques en information-documentation selon la place accordée à l'enseignant et à l'élève

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2. Quelques réflexions sur les méthodes pédagogiques

2.1. La méthode, héritière des grands modèles pédagogiques

Pour appréhender cette diversité méthodologique, il faut garder à l'esprit que le choix d'une méthode exprime un rapport particulier à l'idée que nous nous faisons de la transmission du savoir et, par conséquent, aux représentations que nous avons du statut de l'élève, du rapport au savoir et de la relation entre le maître et l'élève. Ces représentations, chacun d'entre nous les porte en soi comme héritier d'une culture, pédagogique dans le cas présent, traversée de différents courants d'idées qui ont marqué l'histoire, plus ou moins récente, de l'éducation. Ces grands modèles se réclament de théories transmissive, béhavioriste, constructiviste ou socio-constructiviste. Chacun d'entre eux se différencie ainsi des autres par son attachement singulier à l'un ou l'autre actant de toute situation d'enseignement-apprentissage, que ce soit le savoir, l'élève ou le programme, et induit par conséquent des manières particulières de penser et de dire, d'agir et d'être dans la classe.

2.2. Méthode, stratégie et techniques pédagogiques

La méthode est l'une des modalités pédagogiques dont dispose l'enseignant pour élaborer et mettre en œuvre des situations d'apprentissage. Proche de la stratégie pédagogique en tant qu' « organisation de techniques et de moyens mis en œuvre pour atteindre un objectif pédagogique », elle s'en distingue par son aspect reproductible et probant tant elle obéit à un schéma codifié, alors que la stratégie se montre plus personnelle et donne des résultats plus aléatoires (Raynal et Rieunier, 19971). Par contre, méthode et stratégie usent toutes deux de techniques pédagogiques, tels l'exposé, le remue-méninges, l'étude de cas, le débat ou encore l'expérimentation.

Les techniques pédagogiques sont des pratiques normées constituées de savoir faire et de gestes qui ont fait leurs preuves et qui, tels des pièces de Légo, entrent dans la composition d'innombrables situations d'apprentissages, au gré des nécessités inhérentes à celles-ci et de l'expertise de l'enseignant. Située entre le modèle à dimension idéologique qui porte en lui une vision de l'homme à éduquer et la technique issue de l'usinage pédagogique, la méthode tire du premier cette liberté d'agir en responsabilité propre à l'ingénieur, et reçoit de la seconde les manières empesées de l'exécutant dont les gestes sont tracés par des routines. La méthode (gr. meta, hodos), cet « itinéraire à suivre » si l'on veut arriver au but, offre à l'enseignant un cadre suffisamment éprouvé pour entretenir l'espoir de la réussite, sans lequel aucune tentative n'est envisageable, mais suffisamment souple aussi pour permettre l'adaptation créative dont il peut faire preuve lorsque le réclame l'infinie diversité des situations.

3. Pourquoi s'intéresser aux méthodes en information-documentation

3.1. A l'origine de la recherche

A l'origine de cette recherche confluait un double questionnement : celui de vouloir identifier ce que comprenait l'expression figée de « pédagogie documentaire » dont semblait vouloir se prévaloir les enseignants documentalistes, et celui de vouloir chercher une unité, ou un quelconque modèle rationnel à la profusion des situations d'enseignement-apprentissage exprimées en information-documentation. Les modèles et les classifications disponibles (Palmade, 19692 ; Not, 19873 ; Peretti de (1987)4 ; Danvers, 20035 ; Morandi, 20056 ; Bru, 20067) fournissent un terreau riche pour comprendre la multiplicité des points de vue idéologiques et des enjeux éducatifs à l’œuvre dans cette entreprise. Mais un paradoxe est apparu rapidement : comment articuler la vanité d'un projet qui cherchait à étiqueter une réalité toujours changeante à partir de catégories instables, et la nécessité que l'on pouvait ressentir de classer et de nommer des objets en quelque sorte méconnus afin de prouver leur existence et d'ouvrir ainsi la voie à leur étude. Le but de cette recherche a donc été, tout simplement, et fort peu modestement, de (faire) découvrir les gestes pédagogiques des enseignants documentalistes afin de leur fournir des points de repères théoriques pour penser et perfectionner leur pratique, et de faire surgir par la même occasion de nouveaux axes de recherche en didactique de l'information-documentation.

3.2. Des méthodes révélatrices des matrices disciplinaires de l’information-documentation

Au-delà d'une « pédagogie documentaire », qui s'attacherait à inculquer une méthodologie du traitement du document, il existerait donc des pédagogies de l’information-documentation explorant les nouveaux domaines s'ouvrant à celle-ci, tel ce continent tout juste découvert de la culture informationnelle. Ces deux catégories de gestes professionnels co-existent et proviennent, selon nous, des deux matrices disciplinaires de l'information-documentation. Une matrice disciplinaire, rappelons-le est ce « principe d'intelligibilité » (Develay, 19978) qui offre à la discipline une lecture possible, cohérente et des perspectives épistémologiques et didactiques unifiées. Elle prend forme au travers d'un corpus de connaissances à enseigner, de valeurs, de tâches et d'objets didactiques particuliers.

Ainsi la « pédagogie documentaire », centrée sur la maîtrise de l'information et portée par le courant béhavioriste, serait-elle une composante de cette première matrice orientée « méthodologie documentaire » née au milieu des années 70. Nous connaissons bien, au nombre de ses outils emblématiques, ses référentiels de compétences procédurales produits par les bibliothèques anglo-saxonnes et son découpage de la tâche en étapes successives, de même que nous reconnaissons sa dimension pragmatique centrée sur l'atteinte du but et sur la production. La méthode relevant de la matrice « méthodologie » trouve bien évidemment sa place dans ce panel des méthodes pédagogiques. Il s'agit de la méthode expositive de type « procédural ».

Mais à partir de la fin des années 90 est apparue une seconde matrice disciplinaire, orientée sur l'étude des objets et des phénomènes informationnels et documentaires et que nous qualifierons de « culturelle ». Sa visibilité s'est prodigieusement accrue à l'heure du passage au numérique. Portée par le courant scientifique des S.I.C. et de la didactique, autour du paradigme de la culture informationnelle, l'entrée de cette matrice est plutôt déclarative, puisqu'elle est orientée vers des connaissances théoriques. Celles-ci sont indispensables à la compréhension du rôle et des enjeux de l'information et des médias dans la société. C'est dans ce dernier cadre matriciel que se déploient la diversité des méthodes pédagogiques que nous avons pu observer.

3.3. Un peu de méthodologie...

Les méthodes présentées ici, même si elles sont repérables dans d'autres disciplines, sont à lire dans le contexte spécifique de l'information-documentation. Leur détermination et leur organisation sont le produit de l'analyse de centaines de séances et de fiches pédagogiques observées sur le terrain ou rapportées par leurs auteurs lors de réunions de travail, de stages ou de cours en formation continue et initiale, quand d'autres ont été glanées sur les sites professionnels, institutionnels ou sur les blogs personnels. Les différentes grandes modélisations existantes ont alors été mobilisées pour tenter de rendre compte de ces observations et leur fournir un cadre intelligible. Les nombreux allers et retours effectués entre les expériences de terrain et les modèles théoriques ont ainsi abouti à cette proposition dont l'intention est de cartographier l'existant. On y retrouvera ainsi des découpages déjà connus, mais également des choix originaux témoignant de la volonté de faire prévaloir autant que faire se peut la réalité observée sur les entités théoriques. C'est pourquoi la typologie présentée reste particulière à l'information-documentation. Elle montrerait certainement des distorsions plus ou moins importantes appliquée à d'autres disciplines scolaires. Toutefois, les trois grandes classes qui structurent l'ensemble demeurent plutôt généralistes et les questions que soulève cette étude se posent de la même façon à l’ensemble des disciplines. A partir des multiples héritages des grands modèles pédagogiques, l'information-documentation créée ainsi aujourd'hui même les méthodes spécifiques que sa pédagogie réclame, en réponse aux objets d’enseignement qui sont les siens.

Notes bibliographiques


  1. Raynal Françoise et Rieunier Alain (1997). Pédagogie : dictionnaire des concepts clés : apprentissages, formation, psychologie cognitive. 4° édition, ESF 

  2. Palmade Guy (1969). L'évolution de la pédagogie. CEMEA 

  3. Not Louis (1987). Enseigner et faire apprendre : éléments de psycho-didactique générale. Privat 

  4. Peretti André de (1987). Pour une école plurielle. Larousse 

  5. Danvers Francis (2003). 500 mots-clefs pour l’éducation et la formation tout au long de la vie. Presses Universitaires du Septentrion 

  6. Morandi Franc (2005). Modèles et méthodes en pédagogie. 2ème éd. actualisée, Nathan 

  7. Bru Marc (2006). Les méthodes en pédagogie. P.U.F. 

  8. Develay Michel (1987). De l’apprentissage à l’enseignement : pour une épistémologie scolaire. ESF 


Téléchargements

Les méthodes pédagogiques en information-documentation (pdf)