Emprise de l'Information-Documentation dans les programmes du cycle 4

Conformément à leur circulaire de mission, les professeur.es documentalistes doivent former « tous les élèves à l'Information-Documentation » et leur faire acquérir une « culture de l'information et des médias ». Pour ce faire, ils doivent inscrire leur enseignement dans une « progression des apprentissages de la classe de 6ème à la classe terminale, dans la voie générale, technologique et professionnelle ». Voilà pour la prescription. Pour autant, sans programme défini ni horaires dédiés, la concrétisation de cette mesure demeure précaire. Quelques heures de formation disciplinaire sont parfois ajoutées à l'emploi du temps des élèves, notamment en 6ème. Pour le reste, les classes ne sont accessibles aux professeur.es documentalistes que par le biais d'alliances pédagogiques avec leurs collègues de discipline. Ces associations se fondent alors généralement sur des segments de programmes disciplinaires.

Afin de susciter ces collaborations et d'en tirer le meilleur bénéfice pour la formation des élèves, il est par conséquent nécessaire de connaître avec précision les portions des programmes qui offrent une ouverture possible à la culture de l'information et des médias. Et d'ailleurs, la simple lecture des programmes révèle que les contenus propres à l'acquisition de cette culture sont bien présents, offrant des prises pertinentes et légitimes à l'action didactique des professeur.es documentalistes. Ainsi, puisque l'Information-Documentation n'est pas encore constituée en tant que programme dans le secondaire, il reste à identifier et à délimiter son emprise réelle dans les programmes des autres disciplines.

L'enjeu de ce travail de repérage est de fonder les bases d'une véritable interdisciplinarité où chaque enseignant.e apporte aux élèves, à partir d'un même objet d'étude et en toute complémentarité, le point de vue particulier, les connaissances et les outils intellectuels de sa discipline. Pour sa part, l'Information-Documentation scolaire, loin de s'en tenir au basique accompagnement méthodologique de la recherche d'information, peut convoquer les apports conceptuels des Sciences de l'information et de la communication relatifs à la documentation, à l'information, à la communication et aux médias.


Sommaire

Introduction

1- Identification des notions info-documentaires dans les programmes du cycle 4

  • 11- La méthodologie
  • 12- Comment lire les tableaux
  • 13- Les références des textes
  • 14- Les résultats

2- Analyse des résultats

  • 21- Les notions mobilisées dans les programmes
  • 22- Les disciplines mobilisatrices
  • 23- Les domaines de l'Information-Documentation sollicités
  • 24- Les formats de connaissances en jeu
  • 25- Les mentions du.de la professeur.e documentaliste dans les programmes

3- Le projet « Emprise de l'Information-Documentation dans les programmes »

  • 31- Les antécédents du projet
  • 32- Les objectifs du projet
  • 33- Les limites de l'étude

Conclusions pour le cycle 4


1- Identification des notions info-documentaires dans les programmes du cycle 4

11- La méthodologie

L'étude procède d'une lecture sélective de tous les programmes disciplinaires du cycle 4. Le repérage le plus fin possible de contenus documentaires a été effectué et a déterminé, pour chaque occurrence relevée, une extraction de l'énoncé complet. Chaque énoncé a été par la suite présenté dans son contexte à l'échelle du paragraphe, avec les indications de sa situation dans le document d'origine dans la mesure du possible (colonne de gauche des tableaux).

Afin d'être visible pour le lecteur, chaque énoncé comprenant un contenu info-documentaire est souligné. Il lui est corrélé une ou plusieurs notions tirée.s du cadre de référence choisi pour cette étude, en l'occurrence le référentiel de notions info-documentaires « les dix domaines d'enseignement de l'Information-Documentation ». Ce référentiel entend rendre compte du curriculum réel des professeur.es documentalistes puisqu'il est essentiellement composé des contenus d'enseignement tels qu'ils sont mobilisés par ces enseignant.es dans les fiches de préparation de séances pédagogiques publiées en ligne. Cet ensemble structuré de notions, au nombre de 300, se décompose en dix domaines :

10 domaines

La lecture des programmes permet en outre de connaître, pour chaque contenu, l'angle d'appropriation cognitive proposé. Il peut l'être sous sa forme déclarative, lorsqu'il s'agit de construire des connaissances théoriques (sur Internet, sur l'image), ou bien sous sa forme procédurale quand le contenu renvoie à l'acquisition d'une méthode ou d'un savoir faire (savoir chercher de l'information, savoir prendre en compte son auditoire). Il peut enfin être proposé dans une approche normative et/ou éthique lorsqu'il s'agit de développer une attitude de respect, de responsabilité ou une posture critique (« adopter une attitude critique face aux résultats obtenus »).

12- Comment lire le tableau

L'appartenance d'une notion à l'un des dix domaines d'enseignement de l'Information-Documentation est signalée par un numéro entre parenthèses :

. Par exemple, Stratégie de communication (4) signifie que la notion appartient au domaine n°4 Médias de masse.

Le format de connaissance est signalé par une couleur : legende1 Enfin, les mentions de « professeur documentaliste » sont surlignées en jaune dans le texte : legende

13- Les références des textes

  • M.E.N. Annexe 3. Programme d'enseignement du cycle des approfondissements (cycle 4). Arrêté du 9-11-2015. Bulletin officiel spécial n°11, 26 novembre 2015.
  • M.E.N. [Programme d'enseignement moral et civique. École élémentaire et collège(http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=90158). Arrêté du 12-06-2015. Bulletin officiel spécial n°6, 25-06-2015.

14- Les résultats

**. Préambule « Volet 1 : les spécificités du cycle des approfondissements (cycle 4) »** [Extrait]

Volet1 Francais1 Francais2 LV Arts-plastiques Educ-musicale HDA EPS HG EMC Physique-Chimie SVT Technologie Math

2- Analyse des résultats

###21- Les notions mobilisées dans les programmes

Les programmes du cycle 4 mobilisent 54 notions info-documentaires distinctes, ce qui correspond tout au plus à 18% des contenus enseignés par les professeurs documentalistes, sur une base minimale de 300 notions. Quatre-vingt treize occurrences de ces notions ont été relevées1.

Classement des 54 notions par ordre alphabétique et leur nombre d'occurrences : Resultats1

Classement des 54 notions par fréquence décroissante de leurs occurrences : Resultats2

Les programmes du cycle 4 mobilisent davantage de notions que ceux du cycle 3 qui en comptent 35. A part un petit groupe de tête constitué de six notions (Type de document, Recherche d'information, Image, Évaluation de l'information, Format de l'information et Donnée informationnelle), ces notions se trouvent abordées de manière isolée dans les programmes, ce qui facilite peu leur construction.

22- Les disciplines mobilisatrices

Tous les programmes du cycle 4 mobilisent au moins deux notions info-documentaires. Certaines disciplines se révèlent cependant plus fortement mobilisatrices que d'autres. C'est le cas notamment du français (20 notions) ou de l'Histoire-géographie (14), mais encore de la technologie et de l'histoire des arts. Disciplines1 Fig. 1. Classement des disciplines mobilisatrices de notions info-documentaires au cycle 4 selon le nombre de notions repérables dans le texte.

En nombre d'occurrences, ce classement reste quasi identique. Disciplines2 Fig. 2. Classement des disciplines mobilisatrices de notions info-documentaires au cycle 4 selon le nombre d'occurrences apparaissant dans le texte.

23- Les domaines de l'Information-Documentation sollicités

Tous les domaines enseignés en Information-Documentation par les professeur.es documentalistes ne sont pas ou très peu sollicités par les programmes du cycle 4, comme Identité numérique, Veille, ou Moteur de recherche. Remarquons que c'était déjà le cas pour le cycle 3. De même, les domaines les plus mobilisés demeurent : Médias de masse, Document et Recherche d'information. Seul le domaine Centre de ressources se voit largement rétrogradé, au bénéfice de Évaluation de l'information. Ces résultats sont pour le moins attendus et ne surprendront pas les professeur.es documentalistes. Domaines Fig. 3. Domaines d'enseignement de l'Information-Documentation repérables dans les programmes du cycle 4 en nombre de notions.

Le décompte du nombre des occurrences de ces notions modifie peu cette répartition, si ce n'est qu'elle détache nettement le domaine Document et creuse les écarts entre les domaines les plus sollicités et ceux qui le sont le moins. La prédominance du domaine Document tient au fait que certaines notions se révèlent particulièrement prisées, telles Type de document, Type d'information, Données informationnelles et Format de l'information. legende Fig. 4. Domaines d'enseignement de l'Information-Documentation repérables dans les programmes du cycle 4 en nombre d'occurrences.

Au final, les domaines info-documentaires de référence confortent la tendance relevée au cycle 3 en conservant aux premiers rangs les notions relatives aux domaines Document, le plus souvent cité, et Recherche d'information. Toutefois, deux nouveaux domaines émergent nettement : Médias de masse, qui comportent le plus de notions impliquées, et Évaluation de l'information qui arrive en quatrième position.

24- Les formats de connaissances en jeu

241- Pour l'ensemble du cycle 4

L'angle choisi pour l'approche cognitive de ces notions, toutes disciplines confondues du cycle 4, se révèle largement procédural, quoiqu'un peu moins de ce qui peut être observé pour le cycle 3. Les notions sont ainsi principalement proposées pour être enseignées en tant que connaissances pratiques (69%) plutôt que théoriques (30%) ou normatives et éthiques (1%). Formats1 Fig. 5. Approche cognitive des savoirs info-documentaires pour l'ensemble du cycle 4, en % établi à partir du nombre d'occurrences.

242- Pour chaque discipline du cycle 4

Le détail de cette répartition par disciplines apporte des précisions utiles. On y lit que toutes les disciplines ne projettent pas la même approche sur les contenus info-documentaires. Ainsi l'histoire-géographie présente une approche totalement procédurale. De toutes les disciplines, il semble que ce soit bien cette discipline qui prenne en charge la formation à la méthodologie documentaire. C'est en effet ce programme qui en détaille les étapes avec le plus de précision.

A l'inverse, l'histoire des arts offre une approche quasi entièrement déclarative. Le français, discipline majoritairement mobilisatrice de notions info-documentaires comme nous l'avons vu, présente une vision un peu plus équilibrée quoique plutôt procédurale. Formats2 Fig. 6. Répartition des trois formats de connaissance sollicités pour l'Information-Documentation selon les disciplines au cycle 4, en nombre d'occurrences.

25- Mentions des professeur.es documentalistes dans les programmes

Quatre références explicites aux professeur.es documentalistes sont repérables pour l'ensemble des programmes du cycle 4 :

  • En français : « On veille à développer, avec le CDI et le professeur documentaliste, les compétences essentielles et omniprésentes maintenant à tous les niveaux de la formation, relatives au traitement de l'information, à la connaissance et à l'usage des médias. »
  • En histoire des arts : « La participation du professeur documentaliste est précieuse pour susciter et accompagner une dynamique de projets. »
  • En histoire-géographie : « Pour toutes les approches interdisciplinaires possibles, à partir des thèmes des programmes d'histoire et géographie, on associe, en plus des disciplines indiquées dans les exemples indicatifs donnés ci-dessous, le professeur documentaliste, qui a ici un rôle majeur à jouer ».
  • En sciences de la vie et de la terre : «  Pour les recherches d'informations, le professeur documentaliste est sollicité. »

Les professeurs de français sont donc invités à travailler « avec » le CDI – plutôt qu'au – et le professeur documentaliste. Travaillerait-on « avec » le gymnase ou « avec » la salle informatique ? Cette erreur de français doit pouvoir s'expliquer par une représentation enracinée confondant encore et toujours le professionnel et le lieu dont il a la responsabilité. Le professeur documentaliste étant placé après le CDI, il est à supposer que ce sont les ressources propres au lieu et les compétences liées à la maîtrise de celles-ci qui sont convoquées plutôt que les savoirs spécifiques de l'Information-Documentation. D'ailleurs le texte appelle au développement de compétences relatives au traitement de l'information et à l'usage des médias. On s'étonnera enfin de la formulation appelant à développer des compétences « relatives à la connaissance » s'agissant de ces mêmes médias.

En histoire des arts, comme au cycle 3, c'est toujours la « préciosité » de la contribution du professeur documentaliste qui est louée. Remarquons qu'elle l'est, non pas pour relever l'expertise didactique de ce dernier, mais associée à des compétences d'animation relative à la création et à l'accompagnement d'une dynamique de projets. A la condescendance déjà relevée au cycle 3 s'ajoute ici une ignorance, à moins que ce ne soit un dévoiement, des véritables missions des professeur.es documentalistes.

Le programme d' histoire-géographie attribue quant à lui, un « rôle majeur » au professeur documentaliste. Aucune précision n'est donnée explicitement si ce n'est qu'il s'ajoute aux autres disciplines impliquées dans le cadre des approches interdisciplinaires liées aux thèmes du programme. Il est alors permis de songer aux 14 notions info-documentaires mobilisées par l'histoire-géographie et qui sont essentiellement abordées dans leur dimension procédurale.

En sciences de la vie et de la terre enfin, le professeur documentaliste n'est sollicité que pour les recherches d'information. Nous retrouvons là également cette ancienne représentation, toujours vivace, qui a fait des professeur.es documentalistes les technicien.nes auxiliaires des professeur.es de discipline.

Au total, le portait des professeur.es documentalistes que dessinent les programmes du cycle 4 n'a pas été actualisé et renvoie toujours aux origines de la profession. Tout du moins lui offrent-ils la possibilité de collaborer avec quatre disciplines.

3- Le projet « Emprise de l'Information-Documentation dans les programmes »

31- Les antécédents du projet

Il est possible de trouver quelques publications de professeur.es documentalistes proposant une lecture des programmes, mais elles restent le plus souvent axées sur le repérage des compétences documentaires mobilisables dans les programmes ou sur celui des compétences transversales du Socle commun. La profession s'est en effet principalement construite, du moins jusqu'au tournant des années 2000, sur l'idée d'un auxiliariat méthodologique aux enseignants disciplinaires. Ce type d'outil, outre son aspect pratique indéniable, se double d'enjeux forts pour la profession, telles que les demandes de légitimation et de visibilité.

L'institution s'est également intéressée au croisement des compétences documentaires avec les programmes disciplinaires, dans un premier temps à partir du même postulat de transversalité et, dans un second temps, pour barrer la route à la disciplinarisation de l'Information-Documentation. Ce fut notamment le cas dès 2006, avec la parution de Culture de l'information et disciplines d'enseignement, document réalisé par une équipe du groupe académique de professeur .es documentalistes de l'académie de Toulouse sous la direction de l'IGEN Jean-Louis Durpaire2. L'intention était clairement de prouver que l'ensemble des programmes, y compris ceux des dispositifs transversaux, suffisait largement à couvrir les besoins de formation des élèves à la culture de l'information. Ainsi pouvait-on lire dans la préface que « cette formation essentielle relève de l'ensemble des enseignants de l'école primaire, du collège ou du lycée ». Une manière habile de souligner que l'action des professeur.es documentalistes, certes appréciable mais contributive, n'était de fait pas nécessaire. Le document détache donc systématiquement des programmes tous les passages pointant des compétences et des connaissances documentaires. Les extraits sont référencés mais ne font l'objet d'aucun commentaire ni d'aucune analyse. Les rédacteurs comptaient visiblement sur l'effet de masse apporté par cette documentation pour démontrer qu'il n'était pas besoin de songer à élaborer un programme pour l'Information-Documentation et encore moins de créer une nouvelle discipline.

Cette stratégie présente cependant des défauts majeurs. L'accumulation d'occurrences fait ainsi prévaloir la quantité au détriment de la qualité de la formation. L'abondance d'incitations à faire travailler les élèves sur des ressources documentaires et à leur faire rechercher de l'information réussit-elle à masquer l'indigence des apports conceptuels sur l'information, les médias et la communication ? On peut alors regretter que cette mise à disposition de matériaux bruts ne soit pas accompagnée d'une quelconque analyse sur la pertinence et la cohérence de cet ensemble hétéroclite et difficilement appréhendable. Sauf à considérer que la culture de l'information se résume à la maîtrise de l'information et que la répétition systématique des procédures l'emporte sur la construction des connaissances, le doute est autorisé.

Par ailleurs, quel.le enseignant.e accepterait que les contenus de sa discipline soient ainsi dispersés dans l'ensemble du cursus, au gré des programmes et sans schéma directeur pour les organiser ? La dispersion ainsi réalisée produit une atomisation des savoirs sans proposer de vue d'ensemble et paraît vouloir justifier l'absence d'une quelconque progressivité des apprentissages. Dépourvu d'architecture épistémologique structurant ces savoirs, de cadre programmatique de référence ou de progression pour favoriser la construction des connaissances, cet amas désordonné de citations disqualifie de fait la matière info-documentaire et la culture de l'information plutôt qu'il ne sert à la promouvoir comme son intention affichée pourrait le faire croire. L'enjeu de cette publication, on le comprend bien, n'est pas tant de servir la formation des élèves que de desservir une profession dont c'est la fonction première.

32- L'objectif du projet

Le projet présenté ici entend corriger ces approximations à partir des programmes disciplinaires actuellement en vigueur. Il se fixe deux objectifs. Le premier consiste à donner à voir avec le plus de précision possible quels sont les contenus d'enseignement de l'Information-Documentation pointés par les programmes. Le second vise à montrer l'approche qui est faite de ces contenus dans chaque discipline. L'ensemble doit permettre aux professeur.es documentalistes non seulement de « viser » les ancrages les plus pertinents pour proposer des collaborations fondées en interdisciplinarité, mais encore et surtout de disposer d'une vision d'ensemble suffisante pour apprécier les manques en terme de contenus et d'approche.

Concernant les contenus, la comparaison avec un cadre de référence comme le curriculum réel décliné en dix domaines d'enseignement permet de repérer en creux tout ce qui n'est pas perçu par les programmes et qui devrait être ajouté. S'agissant de l'approche didactique, la présentation de chaque notion selon le format de connaissances (déclaratif, procédural, normatif ou éthique) envisagé par la discipline permet là encore d'envisager les compléments jugés nécessaires à une approche plus exigeante.

Ces éléments d'analyse devraient ainsi éclairer sur le statut de l'Information-Documentation dans les programmes disciplinaires, mais également sur l'étendue et la qualité de son emprise sur ceux-ci. En découle logiquement une interrogation sur la légitimité des professeur.es documentalistes à proposer leur expertise épistémologique et didactique, condition première d'une interdisciplinarité réussie.

33- Les limites de l'étude

Les limites d'un tel travail consistant en la mise en relation d'un texte à un autre, celui des programmes et celui d'un cadre de référence, sont évidentes. Elles proviennent, dans un premier temps, de l'interprétation qui est faite du texte des programmes qui, bien que s'accrochant aux termes et expressions employées, comprend une part inévitable de subjectivité. Qui plus est, ce qui est pensé, projeté et traduit en mots dans un contexte disciplinaire donné pour produire un effet sur des personnels dépositaires de la culture de cette discipline peut très bien, dans certains cas, ne pas signifier exactement la même chose pour nous qui venons d'un autre domaine et d'une autre culture. Ainsi doit-on se demander si les notions de Document, de Source, de Média ou encore de Situation de communication recouvrent les mêmes significations et les mêmes contenus dans telle discipline et en Information-Documentation. Il faut remarquer ici que l'intégration de celle-ci dans les programmes n'est pas « naturelle », puisque le référent épistémologique de chaque discipline est, par définition, étranger à celui des Sciences de l'information et de la communication requis. On peut dès lors s'attendre, faute d'expertise suffisante, à des emplois approximatifs, voire inexacts, fondés dans certains cas sur des représentations et non sur des savoirs préalablement didactisés. Il faut savoir que, lors de la rédaction des programmes, les représentant.es des Sciences de l'information et de la communication et les professeur.es documentalistes ne sont généralement pas convié.es.

Ajoutons à cela que les textes à disposition étant très peu prolixes sur le sens des termes employés et sur ce qu'ils recouvrent, une nouvelle couche d'incertitude vient brouiller la lecture qui peut en être faite. Il faut pourtant bien opérer des choix et proposer les meilleures corrélations possibles entre les occurrences qui nous intéressent dans le texte des programmes et les éléments qui composent le texte du savoir de l'Information-Documentation. Et si traduire oblige à plus ou moins trahir, il reste que, concrètement, ces prescriptions, si imprécises soient-elles, débouchent de fait sur des prises de décision qui se traduisent en actes de formation. La seconde limite apparaît donc nettement ici lorsqu'il s'agit de choisir un cadre de référence pour l'Information-Documentation. Nous avons fait le choix de nous référer aux dix domaines d'enseignement plutôt qu'a d'autres propositions tirées de travaux professionnels, très rares, puisque l'institution n'en fournit pas, pour les motifs explicités plus haut. La raison évoquée tient pour l'essentiel en un argument unique, celui d'être établi sur la réalité des enseignements effectués par la profession. Lors de la réalisation de cette étude, datée de 2015,, le parti pris a été de préférer une approche ascendante, fortement accessible, à une approche descendante, faiblement consensuelle. On pourra se référer à la publication de cette étude pour connaître ses biais et ses limites, tel, par exemple, le fait que le corpus ait été établi à partir des seules publications en ligne de fiches de préparation de séances. Pour autant, le point positif réside sans conteste sur l'idée que la terminologie employée pour rendre compte des notions info-documentaires à enseigner est connue des professeur.es documentalistes, premie.ères concerné.es et participe de leur culture professionnelle.

Conclusions pour le cycle 4

Comme au cycle 3, le français et l'histoire-géographie sont les deux disciplines mobilisant le plus les notions info-documentaires. S'ajoutent encore, bien qu'à une moindre mesure, la technologie, l'histoire des arts et les SVT. Il est à remarquer que ce sont ces mêmes programmes, à l'exception de la technologie, qui mentionnent explicitement les professeur.es documentalistes. Un fossé apparaît entre ces disciplines et les autres qui se montrent moins emprunteuses.

Dans l'ensemble du cycle 4, la quantité d'emprunts est très légèrement supérieure à celle remarquée dans le cycle 3, puisque l'on passe de 35 à 54 notions, ce qui représente une augmentation de 6%3. La part prise par les disciplines dans l'acquisition des élèves des cultures de l'information demeure ainsi relativement faible tout au long de ce cycle.

Cet intérêt pour les contenus de l'Information-Documentation se mesure également à l'approche didactique qui en est faite. Que l'on s'y intéresse du point de vue procédural ou déclaratif révèle en effet la façon dont on considère l'apport des cultures de l'information dans la transmission des programmes disciplinaires. Il convient ainsi de tenir compte des niveaux d'appréhension des élèves. Ceci s'observe sans doute au cycle 4 puisque l'entrée par les savoirs, ou connaissances déclaratives, représente, sur le plan quantitatif, le double de celle du cycle 3. Pour autant, l'approche déclarative n'est encore choisie que dans moins d'un cas sur trois (30%). Parmi les disciplines du cycle 4, seule l'histoire des arts la privilégie entièrement.

Nous retiendrons de cette étude que l'emprise de l'Information-Documentation dans le cycle 4 est plutôt faible, manifestant une dispersion dans les programmes et une forte incomplétude. On ne remarquera nulle part, et pour cause, d'intention de mise en cohérence et de progressivité relative à ces contenus spécifiques. Les professeur.es documentalistes, toujours voué.es à considérer en creux le programme d'enseignement qui leur manque, pourront toujours trouver dans ces îlots, et au gré de collaborations quelquefois recommandées par les programmes, des occasions pour former les élèves à l'Information-Documentation. Mais ils.elles dépendront toujours, pour ce faire, des accroches précisées par les programmes disciplinaires et des bonnes volontés de leurs collègues.

Et surtout, il leur appartiendra de réévaluer certaines des formulations existantes pour dépasser les incitations méthodologiques de base et permettre aux élèves de construire de véritables savoirs opératoires, structurants et émancipateurs. En bref, savoir « lire » les programmes disciplinaires pour aller d'une simple formation à la maîtrise de l'information vers un enseignement ambitieux de l'Information-Documentation.


  1. NB : les neuf notions et leurs occurrences contenues dans le volet introductif des programmes « les spécificités du cycle des approfondissements » n'ont pas été retenues dans l'analyse qui suit. Elles ont été toutefois indiquées en tête des tableaux pour information. 

  2. Durpaire Jean-Louis (Dir.). Culture de l'information et disciplines d'enseignement. CRDP Midi-Pyrénées, 2006. 

  3. Ajoutons à cela que le référentiel qui sert de cadre à notre étude, composé de 300 notions info-documentaires, est encore loin de circonscrire l'ensemble des contenus didactisables des cultures de l'information. 


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