Référence documentographique

Driat-Plichard Bettina. "La fiche élève : un exemple d'outil didactique ". Les Trois couronnes, nov. 2016.

http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/outils/la-fiche-eleve-un-exemple-d-outil-didactique

La fiche élève : un exemple d'outil didactique

Outil didactique indispensable le plus souvent créé par le professeur documentaliste en appui de son enseignement, la fiche élève revêt plusieurs formes. Qu’elle soit sous format papier ou numérique, simple guide facilitateur ou véritable matériau d’étude, la fiche élève possède plusieurs fonctionnalités que nous présenterons ci-après.

Quel rôle (pratique et symbolique) revêt cette fiche dans le déroulé d’une séquence ? Quelles sont les tâches ou activités proposées, quel déroulé, et pour quel(s) objectif(s) vis-à-vis de l’élève ? Enfin, quel devenir pour ce document ?

A travers une typologie des outils didactiques dressée en 2015 par Pascal Duplessis sur un corpus constitué d’une centaine de productions professionnelles, nous réfléchirons sur le rôle et l’importance de la fiche élève dans l’enseignement de l’Information-Documentation, à travers les nombreuses situations dans lesquelles elle s’inscrit aujourd’hui (cours « info-doc », EMI, enseignements transversaux, interdisciplinarité) ainsi que son devenir. Une réflexion sur l’ergonomie de cet outil didactique étoffera notre propos.


"J’ai pu constater que la valeur d’un instrument didactique ne se mesure pas à son originalité, à sa technologie ou à son prix, mais plutôt à son efficacité à produire des actions mentales associées à la compréhension, au raisonnement, à l’inférence, à l’analyse, à la prise de décision." (Henri Boudreault. professeur à l'UQAM en enseignement en formation professionnelle et technique.)


1. Présentation

Les fiches élève sont un support de cours visant à favoriser la structuration des connaissances à partir de cas concrets ou pratiques.

En Information-Documentation, ces outils didactiques, construits en appui des séquences proposées, sont généralement créés par les enseignants eux-mêmes. Ils portent ainsi leur empreinte, leur « patte », leur logique, et traduisent les objectifs d’apprentissage que ces derniers fixent à leurs élèves.

Les outils numériques offrent aujourd’hui de grandes fonctionnalités pouvant être mises au service de la création de fiches d’activités (ou fiches élève), dans leur présentation, leur ergonomie, leur accessibilité et leur évaluation.

1. Typologie

Dans la typologie dressée par Pascal Duplessis (2016) à partir d’un corpus conséquent, la fiche élève revêt plusieurs fonctions. Elle peut être :

  • Un outil d’orientation de l’activité de l’élève permettant de maintenir le cap (ex : un journal de bord, une présentation du déroulé des séances) ;
  • Un outil facilitateur du travail de l’élève. Ce sont des fiches que les élèves renseignent comme des grilles ou des schémas à compléter, des questionnaires ;
  • Un outil complémentaire au cours. En cela la fiche élève apporte un contenu déclaratif, des matériaux à traiter, des consignes à appliquer. Dans ce cas de figure, le format numérique peut être privilégié ;
  • Un outil d’évaluation des apprentissages ;
  • Et enfin un outil de structuration des connaissances, en recourant à la verbalisation. Il permet de faire un lien entre connaissances antérieures et nouveaux savoirs.

2. Fonction et objectifs

La fiche élève est un outil didactique venant en appui d’un enseignement. Comme l’indiquent Musial, Pradère et Tricot (2012) : « Puisque les élèves apprennent les connaissances scolaires en réalisant des tâches, une partie importante de la réussite des apprentissages réside dans la capacité des élèves à réaliser ces tâches ». Une fiche élève efficace pourrait proposer un enchaînement balisé et progressif d’exercices (tâches) aux consignes claires. En outre, elle devrait contenir des matériaux (textes, images, schémas) finement sélectionnés en fonction du niveau des élèves et des connaissances visées.

Pour une séance sur la caricature de presse par exemple, on n’utilisera pas les mêmes matériaux en cinquième et en seconde, même si certaines notions abordées seront identiques (ex : média, intentionnalité de l’auteur, message) Le niveau de formulation attendu sera forcément différent.

D’une manière générale, l’outil définit l’enseignement, puisqu’il propose une certaine présentation de l’objet à enseigner. Cette présentation de l’objet d’enseignement, visible à travers le choix des matériaux et l’organisation des activités (enchaînement des exercices, réalisation de schémas, rédaction de définitions) agit sur l’activité d’appropriation par les élèves des notions enseignées.

Ainsi, tout au long de l’activité, les tâches à réaliser peuvent être graduelles :

  • afin d'établir une progression dans la complexité des tâches demandées, pour tendre (toujours) vers l’objectif visé ;
  • ce qui suppose d'être conscient des obstacles que les élèves sont susceptibles de rencontrer pendant la réalisation d’une tâche ;
  • tout en offrant des possibilités de dépassement de ces difficultés.

Exemple : Quand une fiche élève est basée sur la collecte d’informations, elle peut être divisée en trois temps :

  1. Collecte d’informations (via un tableau ou questionnaire)
  2. Généralisation = ce que j’en déduis
  3. Passage à la structuration des connaissances (à travers la rédaction d’une définition, par exemple, de la réponse à la question « à quoi cela sert-il ? » etc.)

Fiche-eleve_structuration

D’une manière générale, ce type d’outil didactique devrait toujours contenir une question à laquelle on attend une réponse de la part de l’élève.

Par exemple, un titre à inscrire sur la fiche à la fin de la séance peut permettre à l’élève de verbaliser la question pour laquelle il est parvenu à construire une réponse durant l’activité, donnant également un sens à son apprentissage (en établissant un lien logique entre ce qu’il a réalisé et/ou produit, et l’objectif d’apprentissage fixé par l’enseignant).

Fiche-eleve_Titre

Idéalement, à travers la structure d’une fiche élève (tâches, activités, déroulé, enchaînement) l’élève devrait pouvoir comprendre la démarche didactique de son enseignant. C’est-à-dire qu’il devrait pouvoir prendre conscience de ce sur quoi le professeur veut l’amener à réfléchir et à construire des connaissances : « Pourquoi le professeur me fait-il passer par toutes ces étapes ? Où veut-il en venir ? Que veut-il me faire dire ? »

3. Ergonomie

L’ergonomie peut revêtir une importance particulière dans la bonne réalisation d’une activité ( cf. fiches d’activités en annexe : Quelles traces laissons-nous sur le web, niveau seconde et Lire et comprendre la caricature de presse, niveau seconde).

  • Penser à la disposition des éléments comme l'image à gauche et sa grille d’analyse à droite (élèves en majorité droitiers, la main qui écrit ne cache pas le document) ;
  • La gestion de l’espace sur la feuille : trop d’espace peut être anxiogène ;
  • Envisager le format portrait ou paysage pour un meilleur balayage visuel, passer d’une activité à une autre sans avoir à tourner la page afin de mieux faire le lien entre les deux. Par exemple, placer les activités à faire individuellement à gauche de la fiche et matérialiser un espace pour la mise en commun à droite ;
  • Penser à la sobriété et la simplicité de la présentation (police de caractère sans empattement, mais aussi éviter les Cliparts qui n’apportent pas d’informations essentielles sur la tâche à réaliser et peuvent détourner l'élève de l'objectif) ; - En revanche, il peut être judicieux de convenir d’une charte graphique, toujours la même, avec pourquoi pas des symboles réutilisables d’une fiche à l’autre pour signaler des éléments importants à retenir, des questions à se poser…

FIche-eleve_disposition

4. Lorsque la fiche élève devient un outil de métacognition

4.1. La taxonomie de Bloom

Si l’on se réfère à la taxonomie de Bloom et ses exemples de progression des processus cognitifs1, on peut imaginer qu’une fiche élève efficace :

  • s’inscrit dans ou un plusieurs processus intellectuels détaillés dans cette taxonomie2 ;
  • idéalement, devient pour l’élève un outil de métacognition, « une approche très intégrée où l’on n’enseigne pas à proprement parler des stratégies métacognitives mais où l’on accompagne systématiquement la réalisation d’une nouvelle tâche de consignes métacognitives ou de questions métacognitives, pendant toute la période de découverte de la tâche (…) »3.

4.2. Exemples de consignes métacognitives

Voici quelques exemples pour une séance qui serait intitulée : lire et comprendre la caricature de presse (niveau seconde).

Ces consignes déclinées en plusieurs sous-questions sont à adapter à chaque situation. Il y a quatre grandes catégories de consignes métacognitives :

  • comprendre le problème. Par exemple : « Que représente cette image (face à une caricature) ? De quoi parle cet article ? » ;
  • élaborer des liens entre des connaissances préalables et nouvelles. Par exemple : « Quelles sont les similarités et les différences entre une photographie et une caricature ? » ; « Pourquoi ? » (ce qui suppose que la notion de photographie, en tant que connaissance préalable, ait été construite a priori) ;
  • utiliser des stratégies appropriées pour résoudre le problème. Par exemple : « Comment les figures de style que l’on trouve en littérature sont-elles utilisées dans l’art de la caricature ? Expliquez le déroulement de la lecture d’une image. » ;
  • (parfois) réfléchir au processus et à la solution. Par exemple : « Qu’est-ce que je n’ai pas compris dans cette caricature ? » ; « Ce que j’en ai compris a t-il un sens ? Me manque t-il des éléments pour saisir pleinement le message de cette caricature ? (inférences culturelles)».

Ce dernier point nous rapproche de l’auto-évaluation, laquelle peut également figurer sur une fiche élève (outil d’orientation).

Un outil didactique construit en véritable appui du cours sera un support vers lequel l’élève se référera de nouveau plus tard, pour se remémorer, se réapproprier une notion, en réitérant, à travers la lecture de sa fiche, ce cheminement intellectuel.

5. Supports et traces

Ceci nous amène donc à la question du devenir de cette fiche élève et de la trace laissée à l’élève de son travail, à l’issue d’un apprentissage (trace papier ou numérique).

En effet, malgré toutes les possibilités offertes aujourd’hui par les outils numériques, le support papier peut se révéler plus pertinent (moins instable et plus pérenne qu’une page Padlet, un questionnaire en ligne, un quizz, un site de mind-mapping etc. ) si l’on estime que l’élève aura besoin de revenir sur ses notes et s’y référer à un moment T de ses apprentissages.

Au collège, cahiers et porte-vues sont souvent mis en place et utilisés dès la sixième pour les séances d’Information-Documentation. En ce qui concerne les « éducations à », les séances en interdisciplinarité ou les enseignements transversaux, la question peut se poser de savoir dans quelle « case » intégrer ces documents (classeur d’Histoire pour l’EMC au collège ? Carnet de bord de TPE au lycée ? Classeur de français en interdisciplinarité ? Le format des outils didactiques réalisés par le professeur documentaliste pour sa séquence devra alors se « plier » au support dans lequel il s’inscrira à la fin. On peut également réfléchir à l’idée d’un portfolio sur l’ENT.

Conclusion 

L’outil didactique que représente la fiche élève gagnerait à être considéré comme un socle, une dalle sur lequel les élèves vont bâtir eux-mêmes leurs apprentissages. Cette dalle doit être bien stable (tant dans le support que dans la manière dont elle a été bâtie en amont), neutre, facilement appréhendable par l’élève. Elle est en outre accompagnée d’outils, de balises, de repères qui guideront l’élève tout au long de son travail de construction des connaissances.

Enfin, dans l’objectif d’en faire un outil métacognitif, la fiche élève s’inscrit au-delà de la discipline Information-Documentation pour toucher la problématique de l’enseignement en général. Le professeur documentaliste est aussi un médiateur : il accompagne les élèves dans leur cheminement pour apprendre à comprendre.


Bibliographie et sitographie

Annexes

  • Fiche élève en appui d’une séance intitulée  « Lire et comprendre la caricature de presse », niveau seconde. Séance en interdisciplinarité Lettres/Info-doc. Dans le cadre de La semaine de la presse et des médias à l’école © les enseignants ont souhaité travailler sur les figures de style en littérature que l’on peut retrouver et transposer à la lecture d’images (comparaison, parallélisme d’opposition, métaphore, personnification, allégorie, ironie, stéréotype etc.)
  • Fiche élève intitulée  « Quelles traces laissons-nous sur le web ? » en appui d’un atelier-débat s’inscrivant dans une semaine citoyenne organisée au lycée, sur le thème de l’image. Atelier-débat réalisé en co-animation Info-doc/Sciences, niveau seconde.

  1. Guité, F. (2007) 

  2. Cantin, J. (2011) 

  3. Musial, M., Pradère, F., & Tricot A. (2012) 


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