Référence documentographique

DUPLESSIS Pascal. La médiation informationnelle et le rôle pédagogique de l’enseignant documentaliste dans les activités documentaires en partenariat avec les disciplines [en ligne]. Site des Trois couronnes, 2008. Disponible sur le web :

http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/identite-professionnelle/la-mediation-informationnelle-et-le-role-pedagogique-de-l-enseignant-documentaliste-dans-les-activites-documentaires-en-partena

La médiation informationnelle et le rôle pédagogique de l’enseignant documentaliste dans les activités documentaires en partenariat avec les disciplines

P. Duplessis, 2007

Dans une séquence pédagogique où collaborent enseignant documentaliste et enseignant de discipline, comment repérer le rôle de chacun, aussi bien dans le suivi des élèves que dans leur évaluation finale ? La partition entre méthodologie pour le premier et contenu pour le second suffit-elle ? Jusqu’où aller et à partir d’où ne pas céder sa responsabilité pédagogique ?

Dans le quotidien des CDI, le partage des rôles (voire des tâches) se réalise souvent en suivant l’axe méthodologie / contenus, ces derniers étant réservés aux disciplines. Une réflexion reste donc à développer sur les expertises complémentaires des acteurs de la situation didactique, dès lors que celle-ci met en scène une activité documentaire, et où interagissent par conséquent l’élève, l’information, l’enseignant et le savoir.

Voir disparaître le documentaliste avec le document ?

Les facteurs explicatifs de cet état de fait, qui accrédite la thèse de la transversalité de la documentation, ne manquent pas. Nous voudrions ici en évoquer un seul, au motif qu’il est d’ordre didactique. L’ère de la seule recherche documentaire est révolue, et il est acquis aujourd’hui que nos élèves se voient proposer des activités de recherche d'information. Hier la matérialité du document obligeait à différer la rencontre avec l’information, lui faisant en quelque sorte écran. Aujourd’hui, l’illusoire transparence du document numérique provoque une confrontation directe à l’information : l’écran, à l’inverse, dissimule le document. Les élèves, par exemple, font peu de cas de la distinction entre une page web et un site dans la mesure où la différence est fort peu visible. Cet état de fait a des conséquences directes sur le rôle de l’enseignant documentaliste. Le « documentaliste » étant confondu avec la matière documentaire (le support, le substrat), voit son rôle décroître au rythme de l’occultation apparente du document. De même, l’information étant assimilée à la connaissance (le subtil, la substance), l’expert disciplinaire prend toute sa place, et peut-être même, dans certains cas, toute la place.

Or l’enjeu didactique se situe précisément sur cet objet épistémologique difficilement saisissable qu’est l’information. Là encore, c’est l’imprécision notable, voire l’ignorance avérée, liée au statut de l’information qui fait obstacle à l’action pédagogique de l’enseignant documentaliste, et par conséquent à son affirmation identitaire.

Statut épistémologique de l’information

Cette distinction des aires de compétences ne peut cependant pas être identifiée tant que l’objet de référence, qui est l’information, n’est pas suffisamment éclairci. Il convient, dès lors, de procéder à une analyse minutieuse de ce qu’est l’information. Il faudrait pouvoir projeter le statut épistémologique du concept d’information sur l’écran de la situation didactique pour voir apparaître des distinctions opératoires entre « donnée informationnelle », « information documentaire », « connaissance (de l’élève) » et « savoir de référence (de la discipline). Cette diffraction permettrait de mieux repérer l’extension du rôle pédagogique du professeur documentaliste.

Ainsi :

  • la donnée informationnelle est une information en puissance gisant dans des ressources disponibles ;
  • l’ information documentaire est une donnée informationnelle valorisée, c’est-à-dire mise en acte lorsqu’elle s’avère pertinente pour l’élève. Elle doit en outre être distinguée de l’information « déclarée » en cours ;
  • la connaissance peut être saisie comme une information subjective, agrégée au système cognitif de l’élève ;
  • le savoir de référence de la discipline se présente comme une information objectivée. Une fois formalisé et inscrit dans un nouveau document, il devient alors un objet disponible, en réserve d’une prochaine valorisation par un chercheur. Il retrouve dès lors aux yeux de ce dernier son statut de donnée informationnelle1.

Le rôle de l’enseignant documentaliste dans la médiation informationnelle

Ce qui est en jeu dans toute situation didactique mettant en scène une activité documentaire, et où interagissent par conséquent l’élève, l’information, l’enseignant et le savoir, c’est la transformation d’une donnée informationnelle en une connaissance référée à un savoir désigné (nous ne traitons pas ici du cas où le savoir disciplinaire de référence est info-documentaire). La situation didactique est alors le lieu de la médiation informationnelle, où documentaliste, enseignant documentaliste (n’oublions pas la partition des mandats qui caractérise notre profession) et enseignant disciplinaire coopèrent.

Fig1_Médiation-documentaire Médiation informationnelle et rôle pédagogique du professeur documentaliste dans les activités documentaires en partenariat avec les disciplines

Sur le spectre ainsi élargi du concept d’information, il devient alors plus aisé de repérer les rôles de chacun. De la sorte, s’il revient à tout enseignant d’aider l’élève à construire ses connaissances à partir des informations provenant du milieu, le travail de médiation lié à l’information documentaire revient à l’enseignant documentaliste, tandis que le travail de médiation se rapportant au savoir de référence (et à l’information professée en cours) revient au professeur de discipline. En amont de la situation didactique, la mise à disposition des données informationnelles est quant à elle du ressort du documentaliste en conformité avec son mandat de gestionnaire de ressources. De même, l’amont des savoirs à enseigner, à savoir leur constitution et leur origine, appartient aux concepteurs des programmes et non pas à l’enseignant de discipline.

Il ressort de cette rapide présentation que dans le cas d’un « partenariat » entre professeur documentaliste et de discipline, le premier doit exercer son expertise d’enseignant bien au-delà de la recherche documentaire qui a pour but de mobiliser les ressources du fonds. Le processus de médiation informationnelle réunit ces deux acteurs de la situation didactique en même temps qu’elle les envoie à leurs objets spécifiques.



    • Legroux Jacques. De l’information à la connaissance. Mesonance, 1981de Jacques Legroux (1981), Jean-Pierre Astolfi (1995) et Séraphin Alava (1995).
    • Astolfi Jean-Pierre. L’Ecole pour apprendre. 6° éd., E.S.F., 2002
    • Alava Séraphin. « Mémoires, Médias et apprentissages : L'enseignant documentaliste au cœur d'une autre stratégie d'enseignement ». Cahiers de la Documentation n°1, 1996. p.14-27


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