Comment évaluer les notions info-documentaires : une démarche en 7 étapes. Guide à l’usage du professeur documentaliste

"For Her Information" par Denise Ann Holmes. lien

Aujourd’hui, il apparaît de plus en plus nettement que le cœur des apprentissages info-documentaires est conceptuel : il est plus utile, en effet, de connaître et de comprendre les principes essentiels relatifs aux outils, aux processus, aux usages et aux problèmes d’ordre informationnel tels qu’ils irriguent notre « société de l’information » que de courir sans cesse après les éternelles évolutions des outils et les incessantes adaptations procédurales que ceux-ci génèrent.

Le professeur-documentaliste soucieux d'aborder les apprentissages info-documentaires par le biais des connaissances déclaratives trouvera ici de nombreuses ressources actualisées pour penser et mettre en place des séquences pédagogiques ainsi que leur évaluation. Sont ainsi réunis et mis en scène les premiers outils produits par la didactique de l'information.

Par ailleurs, et depuis quelques années maintenant, les acteurs de l’éducation, professeurs documentalistes en première ligne, prennent conscience que les expériences spontanées des élèves ne suffisent pas à les rendre maîtres ni des outils ni des stratégies basiques de la recherche documentaire, sans même parler d’asseoir une culture de l’information ! Les données statistiques des grandes enquêtes réalisées ces dernières années à propos des compétences et des connaissances informationnelles des primo-arrivants dans le supérieur confirment assez l’état d’inculturation de cohortes d’élèves sortant du secondaire sans bagage informationnel suffisant. Sept années passées dans des établissement dotés de CDI devraient pourtant bien suffire pour construire des comportements efficaces, une intelligence éprouvée et une conscience des droits et des devoirs liés aux usages de l’information… pour peu qu’il existât un véritable plan raisonné d’enseignement.

Pour autant, et avec les modestes moyens horaires et humains à leur disposition, les professeurs documentalistes n’ont cessé, depuis les origines de la profession, de chercher comment mieux former les élèves. A partir de l’analyse par le menu des activités de recherche documentaire, ils ont élaboré des référentiels découpant celles-ci en micro-comportements pour être davantage en mesure de guider et d’évaluer les apprentissages. Mais l’approche méthodologique par les seuls savoir faire n’a pas réussi à satisfaire les réels besoins d’éducation documentaire des collégiens et des lycéens, ni à faire valoir l’expertise pédagogique de l’enseignant documentaliste.

L’évaluation des apprentissages des élèves, jusqu’à ces dernières années, s’est ainsi satisfait – non sans quelques difficultés méthodologiques – de l’analyse des productions observables réalisées par l’élève (panneau, exposé, etc.). A partir de grilles critériées, transposées des référentiels de compétences, l’enseignant tente d’inférer l’acquisition de savoir faire à partir des traces laissées sur les documents. Les limites de l’exercice sont bien connues : comment identifier l’acquis personnel de l’élève dans des travaux souvent réalisés en groupe ? Comment être certain que la performance observée (présence de légendes, respect de normes bibliographiques ou sélection d’une ressource pertinente) est pérenne plutôt que due à un hasard ou à une imitation ? Comment s’assurer que les procédures réalisées, même si elles sont réussies, ont été comprises pour les finalités qu’elles mettent en jeu plutôt qu’exécutées avec docilité à la suite de consignes bien présentées ? Et que dire encore de cette partition primaire entre la forme et le fond lorsque les professeurs documentaliste et de discipline se réservent, l’un, la méthodologie et l’autre, les contenus conceptuels ?

Une nouvelle approche de l’évaluation doit donc être tentée pour faire pendant aux évaluations critériées des « compétences » et pour les compléter. Il s’agit de revenir à l’idée qu’un savoir d’action n’est durablement acquis que s’il est utilisé en toute connaissance de cause (et d’effet), de même qu’un savoir théorique n’a d’intérêt que s’il devient opératoire. Il convient de rappeler ici à quel point la maîtrise du langage facilite la structuration de la pensée, et combien il importe dès lors d’outiller l’élève d’un vocabulaire spécifique pour nommer avec précision les objets concrets et abstraits de l’univers informationnel dans lequel il évolue ; combien il est nécessaire de l’aider à articuler entre elles, par le recours à l’abstraction que permet la langue, les notions dont il a besoin pour analyser et résoudre les problèmes d’information qu’il rencontre déjà dans sa vie personnelle et dans sa vie d’élève, en attendant de les percevoir dans toute leur complexité, plus tard, dans sa vie estudiantine, sociale et professionnelle. Toute transaction ou élaboration de connaissance nécessitant de l’information culturellement codée (littéraire ou documentaire, textuelle ou iconique, vulgaire ou académique) devient un problème d’information. Les composants élémentaires de ce problème sont les données informationnelles qui se trouvent stockées dans des réservoirs humains ou techniques, traditionnels ou numériques, proches ou à distance. Il faut alors pouvoir y accéder, avant de les évaluer, de les confronter et de les exploiter pour qu’enfin, à son tour, on soit en mesure de les produire, de les informer en documents communicables et diffusables à l’intérieur de circuits médiatiques dont il reste encore à apprendre les codes et à mesurer les enjeux sociaux, économiques et démocratiques.

Ainsi, de même que c’est également par le support de la langue – ce qui peut être explicité – que l’élève est appelé à se saisir de cette culture de l’information, de même est-ce par le langage que nous pourrons évaluer le niveau qu’il aura atteint. L’évaluation ne se basera donc pas uniquement sur ce qui peut être inféré par l’observation d’une réalisation concrète, ce qu’il a pu faire, mais cherchera à saisir ce que l’élève comprend réellement au travers de ce qu’il peut en dire. Il lui sera par conséquent demandé, en plus d’une réalisation documentaire montrant ce qu’il sait faire, de produire des énoncés langagiers révélant ce qu’il sait discerner et concevoir.

En tant qu’acte pédagogique, cette évaluation doit être pensée en même temps que la conception de la séquence. Les sept étapes proposées ici permettent ainsi au professeur documentaliste de repérer les concepts à travailler pour la séquence et de préparer l’évaluation de leur appropriation. Des ressources et des outils, tirés notamment des premiers résultats des recherches en didactique de l’information, rendent enfin possible – sans pour autant fournir aucune recette directement applicable – cette réflexion pédagogique. Pour chaque étape, quelques extraits de séquences pédagogiques en ligne servent d’exemple à la démonstration.


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