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http://lestroiscouronnes.esmeree.fr/table-ronde/vers-la-disparition-de-la-formation-des-eleves-a-l-information

Vers la disparition de la formation des élèves à l'information ?

L'annexe de la note de service n° 2008-011 du 21-1-2008 dans laquelle apparait cette nouvelle appréciation du stagiaire intitulée "non concerné" pose un certain nombre de questions s'organisant autour de deux points essentiels : le recrutement des professeurs documentalistes et la formation des élèves.

Dix compétences, "toutes également indispensables", sont attendues d'un professeur d'après l'arrêté du 19 décembre 2006. Ou l'étaient jusqu'à cette note de service qui envisage que certains professeurs puissent ne pas être concernés par certaines d'entre elles et particulièrement les professeurs documentalistes pour la conception et la mise en œuvre de leur enseignement, l'organisation du travail de la classe et l'évaluation des élèves. Autrement dit par tout ce qui concerne l'action pédagogique auprès des élèves... Quel est, dans ces conditions, le sens de recruter des enseignants à qui l'on ne reconnaîtrait pas d'aptitude pédagogique à enseigner ? N'est-ce pas une indication de la suppression future (prochaine ?) du CAPES de documentation ? Aller dans ce sens au motif que la documentation n'est pas (encore ?) une discipline ce serait ignorer toutes les séquences déjà menées dans les CDI depuis longtemps centrées sur des objectifs documentaires ou informationnels et qui exigent justement ces compétences pour lesquelles nous ne serions "pas concernés". Mais les textes qui paraissent sur notre fonction depuis quelques années ne nous laissent plus guère de place pour des initiatives pédagogiques dont nous aurions la responsabilité (ce qui constituerait apparemment un "risque pour le système éducatif"). Le rapport de 2007 précise bien que lorsqu'il est question de séquence éducative pour les documentalistes, cela ne doit pas être compris comme une séquence de classe ; il s'agit d'aider les élèves pour qu'ils puissent répondre à la demande d'un professeur ou à leurs propres demandes. Difficile d'être plus "au service" des usagers et d'être davantage privé de liberté pédagogique. En contrepartie, c'est une vision technique qui est mise en avant : mise en œuvre d'une politique documentaire, mise à disposition de ressources, chef de travaux, voire informaticien au besoin... Là encore, se pose la question du recrutement sur un CAPES pour de telles fonctions. Mais ce serait aussi ignorer toute la réflexion actuelle, mais qui avance depuis des années, autour de la didactique documentaire et l'identification des savoirs info-documentaires. Jamais dans l'histoire de la documentation scolaire nous n'avons été aussi loin dans la réflexion sur les contenus, nous détachant d'une approche trop techniciste de la recherche documentaire. Et cela touche de près, bien évidemment, la formation des élèves.

Curieusement, la formation des élèves à l'info-doc semble souffrir de la même vision dichotomique. Le socle commun n'envisage la formation à l'information que sous son aspect technologique et la référence reste le B2i. Au mieux est-il mentionné, en passant, l'incitation à avoir "une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l'information disponible", issue du B2i... Serait-ce suffisant ? Derrière cette simple phrase se profile pourtant tout un curriculum à bâtir. Notre travail quotidien avec les élèves nous montre à quel point ceux-ci manquent d'outils intellectuels pour mettre l'information à distance, pour la critiquer, pour l'évaluer, ou simplement pour la comprendre et ne pas se laisser piéger par des leurres technologiques. L'appropriation technique des outils permettant l'accès à l'information ne peut suffire à maîtriser l'information, même si elle peut en constituer une étape. La formation des élèves aux savoirs info-documentaires pourrait-elle être assurée, de façon diffuse, par l'ensemble des professeurs, à l'instar de l'évaluation des items du B2i ? On imagine mal, et sans que cela soit une critique de quelque sorte que ce soit, nos collègues de disciplines bâtissant des séquences avec un double objectif disciplinaire et informationnel, ne serait-ce que parce que l'atteinte des objectifs des programmes serait sans aucun doute compromise. Mais se poserait aussi la question de la compétence à enseigner des savoirs info-documentaires. Dès lors que l'on dépasse le cadre technique de l'utilisation des outils pour se placer dans une logique de formation intellectuelle, la formation à l'information est un domaine de savoirs avec sa légitimité propre qui demande compétence et spécialisation pour être enseigné.

Que le professeur documentaliste, spécialiste de l'information et enseignant, puisque recruté sur un CAPES, soit le plus à même d'assurer la formation des élèves à l'information, cela est évident. Comment, avec quelle organisation et quels contenus, cela reste à encore définir, mais il y a là un enjeu majeur pour que les élèves deviennent "des acteurs responsables de notre démocratie". Que ces questions n'aient pas encore trouvé de réponses définitives n'empêche pas de poursuivre la réflexion dans cette direction.