Une nouvelle fois nous voilà cantonnés à un rôle d'auxiliaire quand nous devrions pouvoir assumer notre part de l’enseignement d'un savoir spécifique. Cette sanction est clairement énoncée dans le Pacifi qui « est conçu pour répondre aux besoins des professeurs documentalistes dont le rôle pédagogique s’articule avec celui de leurs collègues enseignants des diverses disciplines » (page 2). Cette phrase est éloquente pour résumer notre position. Certes nous avons un rôle pédagogique, mais nous ne sommes pas enseignants. La raison en est simple. Nous ne sommes pas reconnus en tant que discipline parce que nous n'aurions pas de connaissances à transmettre.

En écho à ce constat intervient ce qui pourrait être la grande mystification du Pacifi qui reconnaît l'importance de la culture de l'information tout en éludant les compétences déclaratives pour ne retenir que les seules capacités et attitudes (page 11). Une approche singulière quand il est pourtant fait référence au Socle commun de connaissances et de compétences pour la mise en œuvre du Pacifi (page 12).

On s'étonnera en outre de la présence dans ce corpus de la fiche 8 « Médias d'actualité » qui confond dans la culture de l'information, l'information « news » et l'information « knowledge ». Pourquoi ? On peut ici tenter une ébauche de réponse.

Afin de légitimer l'existence du Pacifi, celui-ci est présenté comme une réponse aux politiques éducatives actuelles. Sont ainsi convoqués la « Déclaration de Prague » de 2003, la « Proclamation d'Alexandrie » de 2005 et le texte de 2006 sur les huit compétences¹ (page 4).

Or ce dernier texte intègre l’acquisition de connaissances. La quatrième compétence « Culture numérique », dont les objets d’étude sont communs à l’information-documentation, exige, je cite, « une bonne compréhension et connaissance de la nature, du rôle et des possibilités des technologies de la société de l’information […], il faut aussi comprendre les possibilités de l’Internet et de la communication au moyen de supports électroniques ». Il est bien ici question d’enseigner des connaissances sans retenir les seules capacités et attitudes du Pacifi.

Par ailleurs, pour importants qu'ils soient, ces textes ne sauraient en écarter d'autres. Horton en 2007², dans une approche pourtant centrée sur les compétences procédurales, suggère « d'introduire dans le processus d'enseignement des méthodes pédagogiques qui fondent l'acquisition et la création de connaissances sur la maîtrise de l'information ».

De même, le CLEMI³ définit l'éducation aux médias « comme la possibilité de connaître, évaluer, apprécier les différents types de médias auxquels nous sommes tous confronter au quotidien et qui sont parties intégrantes de notre culture contemporaine ». Là encore l'accès à la connaissance est une condition de l'éducation.

Reposons désormais la question : pourquoi inclure l'éducation aux médias, jusqu'alors fondée sur des compétences intégratives, dans l'éducation à l'information qu'on cherche à limiter à des compétences procédurales ?

Et encore, quel sens faut-il donner à la tentative de transformation du concept englobant de « culture de l'information » en celui plus restrictif de « maîtrise de l'information », limité à des procédures ?

Ces questions me semblent être de la plus haute importance si l'on ne veut pas que le Pacifi ait pour seul repère la stèle des professeurs documentalistes dont l'épitaphe serait « rest in peace ».